Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mai et 14 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la société Arc de triomphe automobile, dont le siège est 30, rue de Tilsitt à Paris (75017) ; elle demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA00290 du 21 mars 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0515262-0607489 du 18 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la décharge des amendes qui lui ont été infligées au titre des années 1999, 2000 et 2001 sur le fondement de l'article 1840 N sexies du code général des impôts, d'autre part, à la décharge de ces amendes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Renaud Jaune, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société Arc de triomphe automobile ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Arc de triomphe automobile, qui exerce une activité de concessionnaire automobile, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2001 ; que l'administration a constaté qu'elle avait perçu de ses clients, au cours de cette période, des paiements en espèces d'un montant supérieur à 5 000 francs et que ces opérations irrégulières s'élevaient au montant total de 13 776 153 francs (2 100 161 euros) ; que deux procès-verbaux lui ont été notifiés les 17 décembre 2002 pour l'année 1999 et 10 juin 2003 pour les années 2000 et 2001 et que, par avis de mise en recouvrement du 31 août 2005, l'administration a, sur le fondement de l'article 1840 N sexies du code général des impôts alors en vigueur, mis à la charge de la société des amendes d'un montant total de 688 807 francs (105 008 euros), égales à 5 % des sommes indûment réglées en numéraire ; que la société Arc de triomphe automobile se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 21 mars 2012 qui a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 18 décembre 2009 du tribunal administratif de Paris, en tant que celui-ci a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces pénalités ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1840 N sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date des infractions commises en 1999 et 2000 : " Les infractions aux dispositions de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940 relatives aux règlements par chèques et virements, modifiée, qui prescrit d'effectuer certains règlements par chèque barré ou par virement bancaire ou postal, sont punies d'une amende fiscale dont le montant est fixé à 5 % des sommes indûment réglées en numéraire " ; qu'aux termes des dispositions du même texte issues de l'ordonnance du 14 décembre 2000, applicables à compter du 1er janvier 2001 : " Conformément aux deuxième et troisième phrases de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier, les infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 du code précité sont passibles d'une amende fiscale dont le montant ne peut excéder 5 % des sommes indûment réglées en numéraire " ; que les dispositions de l'article 1840 N sexies applicables à partir du 1er janvier 2001 ont substitué à l'amende forfaitaire de 5 % des sommes indûment réglées en numéraire une amende dont le montant maximum peut atteindre 5 % de ces sommes ; que ces nouvelles dispositions, qui étaient en vigueur au moment où ces différentes infractions ont été constatées et sanctionnées, par procès-verbaux en date des 17 décembre 2002 et 10 juin 2003 et qui prévoient des peines moins sévères que celles antérieurement en vigueur, doivent être appliquées aux infractions commises en 1999 et 2000 comme à celles commises en 2001 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations " ; qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, la motivation doit " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; qu'en vertu de ces dispositions, l'administration doit indiquer au contrevenant, préalablement au prononcé de la sanction, les motifs de droit et de fait qui justifient son application, son assiette et son taux, en fonction des circonstances propres à chaque espèce, afin de permettre à l'intéressé de présenter des observations ;
4. Considérant qu'en jugeant que l'administration n'était pas tenue de motiver le taux de l'amende qu'elle prononçait en application des dispositions précitées de l'article 1840 N sexies du code général des impôts, alors que celles-ci prévoient, pour la détermination de ce taux, un pouvoir de modulation et que, alors même qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que certaines infractions avaient été commises avant le 1er janvier 2001, elles étaient applicables à la sanction litigieuse, la cour a commis une erreur de droit ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'arrêt attaqué doit être annulé ;
5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les procès-verbaux notifiés à la société Arc de triomphe Automobile les 17 décembre 2002 et 10 juin 2003 comportaient la liste des paiements en numéraire qu'elle avaient effectués et lui indiquaient les dispositions légales prévoyant les amendes que l'administration envisageait de lui infliger ; qu'ils ne comportaient en revanche aucune mention des circonstances propres à justifier le taux de 5 % appliqué et à mettre ainsi la société contrevenante à même de présenter ses éventuelles observations sur ce point ; que, par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions en décharge des amendes mises à sa charge sur le fondement de l'article 1840 N sexies du code général des impôts ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Arc de triomphe automobile au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 21 mars 2012 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 18 novembre 2009 sont annulés.
Article 2 : La société Arc de triomphe automobile est déchargée des amendes qui lui ont été infligées au titre des années 1999 à 2001.
Article 3 : L'Etat versera à la société Arc de triomphe automobile une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Arc de triomphe automobile et au ministre des finances et des comptes publics.