Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 juillet et 9 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Colt technology services, venant aux droits de la société Colt télécommunications France dont le siège est 23/27 rue Pierre Valette à Malakoff (92400) ; la société Colt technology services demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 11PA01793 du 12 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant, en premier lieu, à l'annulation du jugement n° 0913985 et 0920157 du 10 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des titres exécutoires établis par la ville de Paris le 22 mai 2009 pour la somme de 2 846 734,39 euros au titre de la redevance d'exploitation d'un réseau de télécommunications pour l'année 2005 et le 25 septembre 2009 pour la somme de 2 331 776,33 euros au titre de la redevance d'exploitation d'un réseau de télécommunications pour l'année 2004, en deuxième lieu, à l'annulation des titres exécutoires des 22 mai et 25 septembre 2009 et en troisième lieu à ce qu'il soit enjoint à la ville de Paris, en cas d'émission de nouveaux titres, de fixer les sommes dues dans le respect des règles fixées par l'article L. 46 du code des postes et des télécommunications électroniques ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des postes et télécommunications, devenu le code des postes et communications électroniques ;
Vu le décret n° 2005-1676 du 27 décembre 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Maxime Boutron, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de la société Colt Technology Services et à Me Foussard, avocat de la ville de Paris ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une convention du 17 août 1998, la ville de Paris, qui avait refusé en 1996 à la société Colt Télécommunications France, aux droits de laquelle vient la société Colt Technology services, le droit de déployer ses câbles de communication électronique sur le domaine public routier, l'a autorisée à le faire dans le réseau d'assainissement ; qu'en contrepartie de cette autorisation, la société a été assujettie au paiement d'une redevance dont les modalités de calcul ont été précisées à l'article 4.1 de la convention ; que des titres exécutoires ont été établis par la ville de Paris le 22 mai 2009 pour la somme de 2 486 734,39 euros, au titre de la redevance pour l'année 2005, et le 25 septembre 2009 pour la somme de 2 331 776, 33 euros, au titre de la redevance pour l'année 2004 ; qu'estimant que les clauses des articles 2.2, 4.1 et 4.2 de la convention étaient illégales, la société a sollicité l'annulation de ces titres ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 12 avril 2012 qui a confirmé le jugement du 10 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces titres exécutoires ;
Sur les motifs de l'arrêt relatif à la régularité du jugement :
2. Considérant que, pour écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement du tribunal administratif, la cour a jugé que le tribunal avait répondu à l'ensemble des moyens dont il était saisi et qu'il n'était pas tenu de répondre à tous les arguments développés par la société, notamment à l'argument tiré de ce que la ville de Paris aurait, pour rejeter sa demande tendant à obtenir un droit de passage sur le domaine public routier, méconnu, en 1996, les dispositions de l'article L. 47 du code des postes et des télécommunications, devenu le code des postes et des communications électroniques, dont elle a relevé qu'il soulevait une question sans lien avec le litige contractuel qui lui était soumis ; qu'en statuant ainsi, la cour n'a commis aucune erreur de droit ;
Sur les motifs de l'arrêt relatifs au principe de non-discrimination entre les opérateurs :
3. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 45-1 du code des postes et télécommunications, dans sa rédaction applicable au litige : " Les autorités concessionnaires ou gestionnaires du domaine public non routier, lorsqu'elles donnent accès à des opérateurs titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 33-1, doivent le faire sous la forme de convention, dans des conditions transparentes et non discriminatoires et dans toute la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation ou avec les capacités disponibles. La convention donnant accès au domaine public non routier ne peut contenir de dispositions relatives aux conditions commerciales de l'exploitation. Elle peut donner lieu à versement de redevances dues à l'autorité concessionnaire ou gestionnaire du domaine public concerné dans le respect du principe d'égalité entre les opérateurs. Ces redevances sont raisonnables et proportionnées à l'usage du domaine " ;
4. Considérant que la cour a relevé que si la même tarification était applicable à tous les opérateurs utilisant le réseau d'assainissement, le 2° de l'article 4.1 de la convention fixait des modalités spécifiques pour la partie du réseau comprise entre la dernière boîte de raccordement et la sortie du domaine public ; qu'elle a ensuite précisé que ce mode de calcul avait pour conséquence d'atténuer une partie du coût de la redevance pour les opérateurs de boucle locale contraints, pour assurer la desserte du plus grand nombre d'immeubles, de déployer une plus grande longueur de câbles à l'intérieur du réseau d'assainissement ; qu'elle en a déduit que le principe de non-discrimination était respecté ; qu'en statuant ainsi, elle a répondu à l'ensemble de l'argumentation dont elle était saisie sur ce point et suffisamment motivé son arrêt ; qu'elle a, au vu des constatations qu'elle a faites, souverainement estimé que les mesures prises étaient suffisantes pour compenser les contraintes particulières des opérateurs de boucle locale ;
5. Considérant que la cour a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que la baisse importante du montant de la redevance, intervenue à la suite du plafonnement résultant de l'article 1er du décret du 27 décembre 2005 relatif aux redevances d'occupation du domaine public non routier, aux droits de passage sur le domaine public routier et aux servitudes sur les propriétés privées prévus par les articles L. 45-1, L. 47 et L. 48 du code des postes et des communications électroniques, était sans incidence sur la légalité des redevances antérieures, même si le plan " Paris ville numérique " avait anticipé sur ces dispositions ;
Sur les motifs de l'arrêt relatifs au caractère disproportionné du montant de la redevance :
6. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 45-1 du code des postes et télécommunications, dans sa rédaction applicable au litige : " Les opérateurs titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 33-1 bénéficient d'un droit de passage sur le domaine public routier et de servitudes sur les propriétés privées mentionnées à l'article L. 48, dans les conditions indiquées ci-après (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 46 du même code : " Les exploitants autorisés à établir les réseaux ouverts au public peuvent occuper le domaine public routier, en y implantant des ouvrages dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation. / Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des réseaux sont effectués conformément aux règlements de voirie, et notamment aux dispositions de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière. " ;
7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, seules citées par l'arrêt attaqué, que les autorités chargées de la gestion du domaine public routier peuvent refuser le droit de passage aux exploitants autorisés à établir les réseaux ouverts au public lorsque cette occupation n'est pas compatible avec son affectation ; que, par suite, en jugeant que la personne publique pouvait, " pour des motifs qui lui sont propres ", décider de ne pas autoriser le déploiement d'un réseau sur le domaine public routier, la cour a commis une erreur de droit ; que, cependant, le moyen tiré de l'illégalité d'un refus opposé à une demande d'occupation du domaine public routier est inopérant à l'appui d'une contestation portant sur le montant de redevances exigées sur le fondement d'une convention conclue ultérieurement qui autorise l'occupation du domaine public non routier et en fixe les modalités financières ; que ce motif, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné en droit retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie sur ce point le dispositif ;
8. Considérant que, pour juger que la redevance due au titre de l'occupation du domaine public non routier n'était pas disproportionnée, la cour a relevé que la seule circonstance que le coût des redevances sur le domaine public non routier était plus élevé que sur le domaine public routier n'était pas, à elle seule, de nature à établir que cette redevance serait disproportionnée et a écarté le moyen présenté par la société tiré de ce que l'occupation du réseau d'assainissement impliquerait des coûts plus importants que celle du réseau routier, où la mutualisation entre opérateurs des coûts de travaux de génie civil est facilitée ; que la société n'est pas fondée, en tout état de cause, à soutenir que la cour n'aurait pas pris en compte l'écart entre les deux redevances et les possibilités de mutualisation des coûts qu'elle invoquait ;
9. Considérant que la cour a relevé que, pour définir, à l'article 4.1 de la convention, le montant de la redevance annuelle due par la société, la ville de Paris l'avait décomposé en trois éléments ; que le premier de ces éléments résultait de l'application à chaque mètre linéaire " d'artère " d'un barème en francs, dégressif selon la longueur de l'artère , mais augmentant au fur et à mesure de l'exécution de la convention et correspondant à l'occupation d'une artère par un seul câble ou fourreau sur une tranche inférieure à 500 000 mètres ; que si l'artère était empruntée par d'autres câbles ou fourreaux, le nombre, le diamètre et la longueur de ceux-ci étaient pris en compte dans le calcul par un deuxième élément constitutif de la redevance, selon un barème progressif ; qu'enfin, si l'opérateur mettait en place des ouvrages annexes nécessaires au déploiement de son réseau, s'ajoutait un troisième élément constitutif, calculé par application d'un autre barème ; que la cour a déduit de ces constatations que ces barèmes avaient été adoptés pour tenir compte des coûts de construction et de maintenance du réseau public d'assainissement, de la durée d'amortissement du matériel ainsi que des avantages spécifiques que l'utilisation de ce réseau était susceptible de procurer à la société, dont elle a estimé qu'ils tenaient à l'accessibilité aux égouts de Paris, aux économies liées à cette accessibilité, ainsi qu'à la sécurité de ce réseau et à sa continuité linéaire, qui ont permis à la société de déployer plus de 500 000 mètres de câbles de 1997 à 2005 ; que ces avantages ressortaient des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment d'une étude de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes réalisée du 27 juillet au 30 juillet 2010, alors même que, selon un rapport d'expertise établi à la demande de quatre opérateurs de télécommunications et versé au dossier soumis aux juges du fond, le coût d'utilisation du réseau d'assainissement demeurait plus onéreux que celui d'autres infrastructures publiques ; qu'ainsi, la cour n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis en jugeant qu'il n'était pas établi que les montants de redevance résultant des barèmes fixés par l'article 4.1 de la convention n'étaient pas raisonnables et proportionnés à l'usage que la société était susceptible de faire de ce domaine ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Colt Technology Services doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la ville de Paris au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Colt Technology Services est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la ville de Paris présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Colt Technology Services et à la ville de Paris.