Vu la procédure suivante :
1° Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 366931 les 18 mars et 2 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale des associations de santé à domicile et la Fédération française des associations et amicales des insuffisants respiratoires demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 janvier 2013 du ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, portant modification des modalités d'inscription et de prise en charge du dispositif médical à pression positive continue pour le traitement de l'apnée du sommeil et prestations associées au chapitre 1er du titre Ier de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés sous le n° 374202 le 23 décembre 2013 et le 7 octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Coopération patients demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 octobre 2013 du ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, portant modification des modalités d'inscription et de prise en charge du dispositif médical à pression positive continue pour traitement de l'apnée du sommeil et prestations associées au chapitre 1er du titre Ier de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.
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3° Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 374353 les 31 décembre 2013 et 16 janvier 2014, l'Union nationale des associations de santé à domicile (UNASDOM) et la Fédération française des associations et amicales des insuffisants respiratoires (FFAIR) demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 22 octobre 2013.
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Vu :
- les autres pièces des dossiers ;
- la note en délibéré, enregistrée le 14 novembre 2014, présentée par le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits de la femme ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yannick Faure, auditeur,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de l'Union nationale des associations de santé à domicile et autres, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Philips France, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du Syndicat national des prestataires de santé à domicile et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société ResMed SAS.
1. Considérant que, par un arrêté du 9 janvier 2013, les ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé ont modifié les modalités d'inscription, sur la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, du dispositif médical à pression positive continue pour le traitement du syndrome de l'apnée du sommeil et des prestations associées, en prévoyant, dans des conditions que cet arrêté précise, que sa prise en charge par l'assurance maladie obligatoire peut être réduite, voire supprimée, lorsqu'il résulte des données d'utilisation de l'appareil que le patient doit être regardé comme n'ayant pas observé son traitement ; que, par un arrêté du 22 octobre 2013, après avoir abrogé l'arrêté du 9 janvier 2013, les mêmes ministres ont prévu des modalités similaires d'inscription et de prise en charge de ce dispositif médical ; que les requêtes visées ci-dessus, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du premier ou du second de ces arrêtés, présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le ministre des affaires sociales et de la santé dans l'instance no 366931 :
2. Considérant que l'arrêté du 9 janvier 2013 a été abrogé par l'article 1er de l'arrêté attaqué du 22 octobre 2013 ; que le ministre des affaires sociales et de la santé fait valoir qu'un arrêté du 30 avril 2013 avait repoussé du 1er juin au 1er octobre 2013 la date à partir de laquelle aucun nouveau patient auquel était prescrit un traitement par appareil à pression positive continue ne pouvait être pris en charge par l'assurance maladie obligatoire à moins de bénéficier d'un dispositif de transmission automatique de l'observance ; qu'il n'en résulte toutefois pas que l'arrêté du 9 janvier 2013 ait été abrogé avant d'avoir reçu application ; que, par suite, la requête présentée par l'Union nationale des associations de santé à domicile et la Fédération française des associations et amicales des insuffisants respiratoires, sous le n° 366931, n'est pas devenue sans objet ; qu'il y a lieu d'y statuer ;
Sur la recevabilité de la requête de l'Association Coopération patients :
3. Considérant qu'en l'absence, dans les statuts d'une association, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ; que dans le silence des statuts sur ce point, l'action ne peut être régulièrement engagée que par l'assemblée générale ;
4. Considérant qu'aucune stipulation des statuts de l'Association Coopération patients ne réserve à un organe de cette association le pouvoir de décider de former une action en justice en son nom ; qu'aucun organe de l'association ne tient des mêmes statuts le pouvoir de la représenter ; que, dès lors, son président n'avait pas qualité pour former, au nom de celle-ci, un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de l'arrêté du 22 octobre 2013 ; qu'il n'a pas régularisé sa requête malgré l'invitation qui lui a été adressée en ce sens ; que celle-ci est, par suite, irrecevable ;
Sur les interventions :
5. Considérant que les sociétés ResMed SAS, SEFAM et Philips France justifient d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté du 9 janvier 2013 ; que ces sociétés et le Syndicat national des prestataires de santé à domicile justifient d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté du 22 octobre 2013 ; que le Syndicat national des associations d'assistance à domicile justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2013 ; qu'ainsi, leurs interventions sont recevables ;
Sur la légalité des arrêtés attaqués :
6. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux du droit de la sécurité sociale ; que figure parmi ces principes fondamentaux la nature des conditions exigées pour l'attribution des prestations ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale : " Le remboursement par l'assurance maladie des dispositifs médicaux à usage individuel (...) et des prestations de services et d'adaptation associées est subordonné à leur inscription sur une liste établie après avis d'une commission de la Haute Autorité de santé mentionnée à l'article L. 161-37 (....). L'inscription sur la liste peut elle-même être subordonnée au respect de spécifications techniques, d'indications thérapeutiques ou diagnostiques et de conditions particulières de prescription et d'utilisation. / Les conditions d'application du présent article, notamment les conditions d'inscription sur la liste, ainsi que la composition et le fonctionnement de la commission sont fixées par décret en Conseil d'Etat. / La procédure et les conditions d'inscription peuvent être adaptées en fonction des dispositifs selon leur finalité et leur mode d'utilisation " ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article R. 165-1 du même code : " L'inscription sur la liste précise, le cas échéant, les spécifications techniques, les seules indications thérapeutiques ou diagnostiques et les conditions particulières de prescription ou d'utilisation du produit ou de la prestation ouvrant droit à la prise en charge (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 314-1 du même code : " Lorsqu'elles reçoivent les documents établis pour l'ouverture du droit aux prestations de l'assurance maladie, les caisses, avec l'appui des services médicaux de chacun des régimes d'assurance maladie obligatoire, dans le respect du secret professionnel et médical, vérifient : (...) que les actes pratiqués ou les traitements prescrits : a) N'excèdent pas les limites et indications prévues par les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17 et L. 165-1 (...) " ;
8. Considérant qu'en prévoyant, par l'article 32 de la loi du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 dont sont issues les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, que l'inscription des dispositifs médicaux à usage individuel et des prestations associées sur la liste des produits et prestations remboursables pourrait être subordonnée au respect de conditions particulières d'utilisation, le législateur a entendu permettre de subordonner leur remboursement au respect de modalités de mise en oeuvre de ces dispositifs médicaux et prestations, et non à une condition d'observation de son traitement par le patient ;
9. Considérant que les arrêtés attaqués subordonnent la prise en charge par l'assurance maladie obligatoire du dispositif médical à pression positive continue non seulement à sa prescription et à son utilisation dans des conditions conformes aux modalités qu'ils prévoient, mais aussi à l'observation effective par les patients de leur traitement, en fixant une durée minimale d'utilisation de l'appareil à pression positive continue, contrôlée par un dispositif de transmission automatique de l'observance ; qu'en instaurant un tel mécanisme, les ministres signataires ont excédé les prévisions des dispositions du code de la sécurité sociale citées au point 7 ; qu'ils n'avaient, ainsi, pas compétence pour adopter les dispositions des points III à VII du paragraphe 4 de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 1er du titre Ier de la liste des produits et prestations remboursables, relatifs au contrôle de l'observance et à la transmission des données issues du dispositif de téléobservance automatique, à l'exception de la mention de la prise en charge du forfait 9.4 par l'assurance maladie et de sa subordination à l'accord préalable du médecin-conseil ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Union nationale des associations de santé à domicile et la Fédération française des associations et amicales des insuffisants respiratoires sont fondées à demander l'annulation de ces dispositions des arrêtés attaqués, ainsi que des dispositions mentionnant le dispositif de contrôle de l'observance au point II du même paragraphe de la liste des produits et prestations remboursables, des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 9 janvier 2013 ajoutant des codes correspondant aux appareils utilisés pour les " patients téléobservés " et des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 22 octobre 2013 ajoutant ces mêmes codes, qui en sont indivisibles ; que les autres moyens des requêtes critiquant la légalité des mêmes dispositions, il y a lieu, sans qu'il soit besoin de les examiner, d'annuler les arrêtés attaqués dans cette seule mesure ;
Sur les conclusions de la société Philips France dans l'instance n° 374353 tendant à ce que les effets de l'annulation soient limités dans le temps :
11. Considérant que la société Philips France est recevable, en sa qualité d'intervenante, à présenter des conclusions en ce sens alors même que les parties à l'instance n'en ont pas formées, dès lors que de telles conclusions tendent à ce que le juge adopte des dispositions qu'il est en son pouvoir de prendre indépendamment des conclusions des parties ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de limiter dans le temps les effets de l'annulation de l'arrêté attaqué du 22 octobre 2013 ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à l'Union nationale des associations de santé à domicile et une somme de 1 500 euros à verser à la Fédération française des associations et amicales des insuffisants respiratoires, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la société Philips France, intervenante en défense, n'étant pas partie à la présente instance, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions qu'elle présente tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Union nationale des associations de santé à domicile et autre ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'association Coopération patients est rejetée.
Article 2 : Les interventions des sociétés ResMed SAS, SEFAM et Philips France, du Syndicat national des prestataires de santé à domicile et du Syndicat national des associations d'assistance à domicile sont admises.
Article 3 : L'arrêté du 9 janvier 2013 portant modification des modalités d'inscription et de prise en charge du dispositif médical à pression positive continue pour le traitement de l'apnée du sommeil et prestations associées au chapitre 1er du titre Ier de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale est annulé en tant que, d'une part, son article 1er insère, en premier lieu, les points III à VI au paragraphe 4 de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 1er du titre Ier de cette liste, à l'exception de la mention de la prise en charge du forfait 9.4 par l'assurance maladie et de sa subordination à l'accord préalable du médecin-conseil, et, en second lieu, des dispositions mentionnant le dispositif de contrôle de l'observance du traitement de l'apnée du sommeil au point II du même paragraphe, d'autre part, son article 2 ajoute au paragraphe 5 de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 1er du titre Ier de cette liste des codes correspondant à des appareils utilisés pour les " patients téléobservés ".
Article 4 : L'article 2 de l'arrêté du 22 octobre 2013 portant modification des modalités d'inscription et de prise en charge du dispositif médical à pression positive continue pour traitement de l'apnée du sommeil et prestations associées au chapitre 1er du titre Ier de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, en tant qu'il insère, en premier lieu, les points III à VII au paragraphe 4 de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 1er du titre Ier de cette liste, à l'exception de la mention de la prise en charge du forfait 9.4 par l'assurance maladie et de sa subordination à l'accord préalable du médecin-conseil, et, en second lieu, des dispositions mentionnant le dispositif de contrôle de l'observance du traitement de l'apnée du sommeil au point II du même paragraphe, ainsi que l'article 3 de cet arrêté sont annulés.
Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à l'Union nationale des associations de santé à domicile et une somme de 1 500 euros à la Fédération française des associations et amicales des insuffisants respiratoires au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes de l'Union nationale des associations de santé à domicile et de la Fédération française des associations et amicales des insuffisants respiratoires et les conclusions de la société Philips France tendant à la limitation dans le temps des effets de l'annulation et à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale des associations de santé à domicile, à la Fédération française des associations et amicales des insuffisants respiratoires, à l'association Coopération patients, aux sociétés Resmed SAS, SEFAM et Philips France, au Syndicat national des prestataires de santé à domicile, au Syndicat national des associations d'assistance à domicile, à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et au ministre des finances et des comptes publics.