Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars et 28 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A...B..., demeurant au ... ; Mme B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 12NC00818 du 31 janvier 2013 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il a limité à la somme de 6 500 euros le montant de l'indemnité que la commune de Hoenheim a été condamnée à lui verser en réparation des préjudices qu'elle allègue avoir subis ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à l'ensemble de ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Hoenheim la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de MmeB..., et à la SCP Didier, Pinet, avocat de la commune de Hoenheim ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumises aux juges du fond que MmeB..., rédactrice territoriale au sein de la commune d'Hoenheim, a sollicité du maire de cette commune, par courrier du 18 décembre 2003, le bénéfice de la protection fonctionnelle prévue par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, pour des faits de harcèlement moral dont elle affirmait être la victime ; que cette protection lui a été refusée par décision du maire du 16 février 2004 ; que par une décision du 12 mars 2010, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a rejeté le pourvoi de la commune de Hoenheim formé contre un arrêt du 2 août 2007 de la cour administrative d'appel de Nancy, notamment en tant que cet arrêt avait annulé la décision du maire du 16 février 2004 et lui avait enjoint de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle demandée ; que parallèlement à cette procédure, Mme B...a, par demande enregistrée le 23 avril 2008 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg, sollicité la réparation du préjudice moral résultant du refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et des préjudices moral et financiers résultant des faits de harcèlement moral subis ; que, par jugement du 6 mars 2012, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Hoenheim à verser à Mme B...une indemnité de 500 euros en réparation du préjudice moral né du refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle mais a rejeté les conclusions de l'intéressée tendant à la réparation du préjudice né des faits de harcèlement moral ; que, saisie en appel par MmeB..., la cour administrative d'appel de Nancy, par un arrêt du 31 janvier 2013, a condamné la commune de Hoenheim à verser à Mme B...une indemnité de 1 500 euros au titre du préjudice moral causé par le refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et une indemnité de 5 000 euros au titre des préjudices moral et financiers causés par les faits de harcèlement moral ; que Mme B...se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses demandes indemnitaires ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant, au vu des pièces produites dans le cours de la procédure, que n'était pas établie la preuve de l'existence d'un préjudice de carrière résultant de ce que Mme B...n'avait pu présenter, plus tôt qu'elle ne l'a finalement fait, sa candidature au concours d'attaché territorial, la cour administrative d'appel s'est livrée, sans erreur de droit, à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, qui est exempte de dénaturation ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que pour rejeter les conclusions de Mme B... relatives à l'indemnisation du préjudice résultant de sa mutation, la cour administrative d'appel, après avoir relevé que la décision du maire de Hoenheim du 27 mars 2002 affectant l'intéressée au service jeunesse-emploi-sport de la commune avait été annulée pour un motif de procédure par un arrêt du 7 décembre 2006 devenu définitif, a jugé qu'il n'était pas établi que cette décision aurait été entachée d'une autre illégalité, pour en déduire qu'aucun lien de causalité ne pouvait être établi entre l'illégalité établie par l'arrêt du 7 décembre 2006 et le préjudice alléguée par la requérante ; qu'en statuant ainsi, la cour, qui a souverainement apprécié les faits qui lui étaient soumis sans les dénaturer, n'a pas commis d'erreur de droit ;
4. Considérant, en troisième lieu, que la cour administrative d'appel a souverainement jugé, sans erreur de droit ni dénaturation, que Mme B...n'a pas subi d'autre préjudice lié aux frais exposés au titre de la procédure juridictionnelle qu'elle avait engagée que celui, d'un montant de 12 078,62 euros, que la commune de Hoenheim avait déjà été condamnée à lui verser en application de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 20 mai 2009 ;
5. Considérant cependant, d'une part, que la cour administrative d'appel, après avoir jugé que le tribunal administratif de Strasbourg avait à tort rejeté les conclusions indemnitaires de Mme B...relatives aux faits de harcèlement moral, a évalué les préjudices subis par l'intéressée à raison de ces faits à la somme globale de 5 000 euros ; que, ce faisant, la cour a regroupé le préjudice moral, les troubles dans les conditions d'existence, le préjudice financier lié à la baisse de rémunération du fait du placement en congé de longue maladie pendant trois ans ; que la motivation ainsi retenue par la cour, alors que Mme B...avait fait valoir des éléments précis à l'appui de prétentions indemnitaires précisément distinguées, ne met pas le juge de cassation à même d'exercer son contrôle ; que Mme B...est, par suite, fondée à soutenir que l'arrêt est insuffisamment motivé sur ce point et à demander son annulation dans cette mesure ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que la cour était saisie de conclusions tendant à la réparation du préjudice financier résultant de la majoration de la prime de l'assurance souscrite par Mme B... aux fins de garantie d'un prêt immobilier, laquelle lui avait été imposée à raison de son état de santé ; que l'arrêt attaqué ne statue pas sur ce chef de préjudice ; que Mme B...est, par suite, fondée à en demander l'annulation en tant qu'il omet d'y statuer ;
7. Considérant, enfin, qu'une créance détenue sur l'administration existe, en principe, à la date à laquelle se produit le fait qui en est la cause, sans qu'il soit besoin que le juge se livre au préalable à une appréciation des faits de l'espèce et en liquide le montant ; que, saisie d'une demande tendant au paiement de cette créance, l'administration est tenue d'y faire droit dès lors que celle-ci est fondée ; qu'en conséquence les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil, lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue à l'administration ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; qu'en outre, aux termes de l'article 1154 du code civil : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière " ; que pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ;
8. Considérant que, pour limiter la date d'effet des intérêts et pour rejeter la demande de capitalisation des intérêts présentée par MmeB..., la cour administrative d'appel a retenu que l'intéressée n'avait demandé les intérêts qu'en appel ; qu'elle a fixé, en conséquence de ce constat, le point de départ des intérêts à la date d'enregistrement de la requête d'appel et, relevant que moins d'un an s'était écoulé entre le point de départ des intérêts ainsi fixé et la date à laquelle elle rendait son arrêt, a rejeté pour ce motif la demande de capitalisation des intérêts ; qu'en statuant ainsi, alors que les intérêts moratoire dus en application de l'article 1153 du code civil, lorsqu'ils sont demandés, et quelle que soit la date de cette demande, courent à compter du jour où la demande de paiement au principal est parvenue à l'administration ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine, la cour a commis une erreur de droit ; que l'arrêt attaqué doit ainsi être annulé en ce qu'il statue sur les intérêts et la capitalisation des intérêts ;
9. Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède que Mme B...est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a statué sur le préjudice moral, les troubles dans les conditions d'existence, le préjudice financier lié à la baisse de rémunération du fait du placement en congé de longue maladie pendant trois ans, résultant des faits de harcèlement moral subis, en tant qu'il a omis de statuer sur le préjudice financier résultant de la majoration de la prime de l'assurance souscrite par Mme B...aux fins de garantie d'un prêt immobilier et en tant qu'il a statué sur les intérêts et la capitalisation des intérêts ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la commune de Hoenheim et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Hoenheim une somme de 3 000 euros à verser à Mme B...en application de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 31 janvier 2013 est annulé en tant qu'il a statué sur le préjudice moral, les troubles dans les conditions d'existence, le préjudice financier lié à la baisse de rémunération du fait du placement en congé de longue maladie pendant trois ans, résultant des faits de harcèlement moral subis, en tant qu'il a omis de statuer sur le préjudice financier résultant de la majoration de la prime de l'assurance souscrite par Mme B... aux fins de garantie d'un prêt immobilier et en tant qu'il a statué sur les intérêts et la capitalisation des intérêts.
Article 2 : L'affaire est, dans cette mesure, renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : La commune de Hoenheim versera à Mme B...une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Hoenheim en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme B...est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et à la commune de Hoenheim.