Vu la procédure suivante :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Versailles de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ou, subsidiairement, de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des maladies nosocomiales (ONIAM) la réparation des préjudices liés à son hospitalisation à l'hôpital Beaujon en novembre 2002. Par un jugement n° 0801615 du 8 février 2011, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 11VE01397 du 6 décembre 2012, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé contre ce jugement par Mme A...ainsi que les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise et la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 avril et 2 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, MmeA..., la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise et la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
- la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Gérald Bégranger, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de MmeA..., de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise et de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, à la SCP Didier, Pinet, avocat de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et à la SCP Roger, Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeA..., qui souffrait d'un psoriasis et d'un rhumatisme inflammatoire, a présenté à partir de 2002 une hépatite auto-immune associée à une tumeur bénigne du foie ; qu'à la suite d'une brutale aggravation de son état, elle a été hospitalisée le 21 novembre 2002 à l'hôpital Beaujon où a été diagnostiqué un lupus érythémateux, maladie auto-immune présente dans tout l'organisme ; qu'afin de confirmer ce diagnostic, une biopsie cutanée a été pratiquée sur la face interne de la cuisse droite le 26 novembre 2002, au second jour d'un traitement immunosuppresseur ; que, le 28 novembre, Mme A...a ressenti, sur le site de la biopsie, des douleurs aiguës ; qu'un gonflement de sa cuisse droite et de graves lésions cutanées ont aussitôt été observées, indiquant le développement d'une fasciite nécrosante ; qu'à la suite de nombreuses opérations d'ablation de la peau et des tissus sous-cutanés de sa jambe droite, Mme A...a conservé des séquelles nombreuses et invalidantes qui l'ont conduite à rechercher la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et, subsidiairement, la prise en charge de ses préjudices par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des maladies nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale ; que, par un jugement du 8 février 2011, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mme A...ainsi que les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise et la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France ; que Mme A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 décembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère " ; qu'en vertu de l'article 101 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, ces dispositions sont applicables aux infections nosocomiales consécutives à des soins réalisés à compter du 5 septembre 2001 ; que si ces dispositions font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère soit rapportée, seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale ;
3. Considérant que, pour juger que Mme A...n'avait pas été victime d'une infection nosocomiale lui ouvrant droit à réparation sur le fondement des dispositions précitées, la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir relevé que l'immunodépression qu'elle présentait avait été aggravée par le traitement immunosuppresseur destiné à soigner le lupus érythémateux dont elle était atteinte, a estimé que la fasciite nécrosante, qui s'était déclenchée à la suite de son infection par un staphylocoque à coagulase négative, trouvait " sa cause dans son état antérieur " et était " la résultante de sa seule déficience immunitaire " ; qu'en statuant ainsi alors, d'une part, qu'elle n'avait pu, en l'état du dossier qui lui était soumis, constater que le germe infectieux aurait été présent ou en incubation au début de la prise en charge de Mme A... par l'hôpital Beaujon et alors, d'autre part, que l'infection s'était déclenchée moins de quarante huit heures après la réalisation d'une biopsie, acte invasif qui ne pouvait être regardé comme une circonstance extérieure à l'activité hospitalière, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit, quand bien même les complications survenues au lendemain de cet acte invasif auraient été favorisées par l'état initial de la patiente ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A...est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 6 décembre 2012 ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 3 000 euros à verser à MmeA..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que les sommes demandées au même titre par l'AP-HP et par l'ONIAM soient mises à ce titre à la charge des requérantes, qui ne sont pas les parties perdantes ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 6 décembre 2012 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'AP-HP versera à Mme A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'AP-HP et de l'ONIAM présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A..., à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise et à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France.