Vu la procédure suivante :
La société Frères M'A...B...) et la SCI Balkis ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun de suspendre, en vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 14 avril 2014 du maire de la commune du Kremlin-Bicêtre imposant la fermeture des commerces de la galerie " Grand Sud " entre 22 heures et 7 heures. Par une ordonnance n° 1407034/13 du 13 août 2014, le juge des référés a fait droit à leur demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août et 15 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune du Kremlin-Bicêtre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par la SFMG et la SCI Balkis ;
3°) de mettre solidairement à la charge de la SFMG et la SCI Balkis la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles L. 2212-2 et L. 2214-4 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dominique Chelle, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la commune du Kremlin-Bicêtre et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Frères M'A... C...et de la SCI Balkis ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 décembre 2014, présentée pour la société Frères M'A... C...et la SCI Balkis ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un arrêté du 14 avril 2014, le maire de la commune du Kremlin-Bicêtre a prescrit la fermeture des commerces de la galerie " Grand Sud " entre 22 heures et 7 heures du matin, afin de mettre un terme aux nuisances et aux désordres constatés pendant la nuit dans cette galerie proche d'immeubles d'habitation ; que la SFMG, qui exploite un bar dans un local situé dans la galerie, et la SCI Balkis, propriétaire de ce local, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun de suspendre l'exécution de l'arrêté ; que la commune du Kremlin-Bicêtre se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 13 août 2014 par laquelle le juge des référés a fait droit à cette demande ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale (...) comprend notamment : (...) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2214-4 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007 : " Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, tel qu'il est défini au 2º de l'article L. 2212-2 et mis par cet article en règle générale à la charge du maire, incombe à l'Etat seul dans les communes où la police est étatisée, sauf en ce qui concerne les troubles de voisinage (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans les communes où la police est étatisée, le maire est compétent pour réprimer les atteintes à la tranquillité publique en ce qui concerne les troubles de voisinage, le représentant de l'Etat dans le département étant pour sa part compétent pour réprimer les autres atteintes à la tranquillité publique au sens des dispositions du 2° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;
3. Considérant que, pour faire droit à la demande de suspension dont il était saisi, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a jugé que, dans les communes où la police est étatisée, le pouvoir de police du maire ne peut s'exercer que pour réprimer les atteintes à la tranquillité publique en ce qui concerne les bruits de voisinage ; qu'il en a déduit que la décision attaquée, qui ne se fondait pas exclusivement sur la prévention des atteintes à la tranquillité publique causées par le bruit, avait été prise par une autorité incompétente ; qu'en statuant, de la sorte, alors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus il appartient aux maires de ces communes de réprimer toute atteinte à la tranquillité publique résultant de troubles de voisinage, le juge des référés a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, dès lors, son ordonnance doit être annulée ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en vertu de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de statuer sur la demande de la SFMG et de la SCI Balkis tendant à la suspension de l'arrêté du 14 avril 2014 du maire du Kremlin-Bicêtre ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " ;
6. Considérant que les moyens invoqués par la SFMG et la SCI Balkis à l'appui de leur demande de suspension et tirés de ce que l'arrêté du 14 avril 2014 serait insuffisamment motivé, faute de préciser les commerces visés, les profils des personnes fréquentant le centre au cours de la nuit, les interventions de la municipalité et les effectifs de police disponibles, de ce que l'arrêté serait entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il ne serait pas établi que les commerces de nuit du centre commercial attireraient des personnes dont la présence serait à l'origine des désordres, de ce qu'il serait entaché d'une erreur de droit et présenterait un caractère disproportionné faute pour la commune de démontrer un lien entre les désordres invoqués et l'activité des commerces visés par la mesure et, enfin, de ce qu'il serait entaché d'un détournement de pouvoir ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision critiquée ;
7. Considérant que, l'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par la SFMG et la SCI Balkis devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun doit être rejetée ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune du Kremlin-Bicêtre qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Melun du 13 août 2014 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société Frères M'A... C...et la SCI Balkis devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la commune du Kremlin-Bicêtre est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune du Kremlin-Bicêtre, à la société Frères M'A... C...et à la SCI Balkis.