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11/02/2015 | FRANCE | N°375609

France | France, Conseil d'État, 7ème sous-section jugeant seule, 11 février 2015, 375609


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 19 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Entreprise Guiban Antilles, dont le siège est rue de Kerlo ZI de Kerpont à Caudan (56850) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11BX03440 du 19 décembre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur la requête de la société anonyme d'économie mixte d'aménagement de la ville du Lamentin (SEMAVIL) tendant, d'une part, à la réformation du jugement n°

0700596 du 6 octobre 2011 du tribunal administratif de Fort-de-France en tant ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 19 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Entreprise Guiban Antilles, dont le siège est rue de Kerlo ZI de Kerpont à Caudan (56850) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11BX03440 du 19 décembre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur la requête de la société anonyme d'économie mixte d'aménagement de la ville du Lamentin (SEMAVIL) tendant, d'une part, à la réformation du jugement n° 0700596 du 6 octobre 2011 du tribunal administratif de Fort-de-France en tant qu'il l'a condamnée, solidairement avec d'autres intervenants, à indemniser la commune du Lamentin en raison de désordres affectant le nouvel hôtel de ville, d'autre part, au rejet des demandes de la commune du Lamentin à l'encontre de la SEMAVIL, en premier lieu, annulé le jugement du 6 octobre 2011 du tribunal administratif de Fort-de-France en tant qu'il a condamné la SEMAVIL à indemniser la commune du Lamentin des préjudices subis, en deuxième lieu, porté à 1 639 000 euros la somme que la SCPA Codou Hindley, M. C...D..., M. F..., la société Entreprise Guiban Antilles et la société Nofram ont été condamnés solidairement à payer à la commune du Lamentin, en troisième lieu, rejeté les appels provoqués présentés par la société Entreprise Guiban Antilles, M.D..., M. E...et la SCPA Codou Hindley et le surplus des conclusions de l'appel provoqué de la commune du Lamentin et, en dernier lieu, rejeté les appels en garantie présentés par la société Nofram, la société Entreprise Guiban Antilles, M. E..., la SCPA Codou Hindley, M.D..., la SAREP et le BET CETE Capgras ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Lamentin le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Entreprise Guiban Antilles, à la SCP Gaschignard, avocat de la commune du Lamentin, à la SCP Lévis, avocat de M.E..., et à la SCP Boulloche, avocat de la SCPA Codou Hindley et de M. D...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune du Lamentin a conclu avec le groupement conjoint d'entreprises constitué par la société Nofram, titulaire du gros oeuvre, mandataire, la société Entreprise Guiban Antilles, titulaire des lots plomberie, ventilation et climatisation, et la société nationale de construction Spie Trindel, titulaire des lots électricité, courants forts et courants faibles, un marché portant sur la construction du nouvel hôtel de ville ; que la maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée au groupement solidaire composé de M.E..., mandataire, de la SCPA Codou Hindley et de M. D...; que la société Entreprise Guiban Antilles, par la voie du pourvoi incident, la commune du Lamentin et, par la voie du pourvoi provoqué, M.E..., d'une part, la SCPA Codou Hindley et M.D..., d'autre part, se pourvoient en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, principalement, a solidairement condamnés les maîtres d'oeuvre et les entreprises en charge des travaux à payer la somme de 1 639 000 euros à la commune du Lamentin en réparation des désordres affectant le nouvel hôtel de ville ;

Sur le pourvoi de la société Entreprise Guiban Antilles :

2. Considérant que pour rejeter les conclusions d'appel provoqué formées par la société Entreprise Guiban Antilles par lesquelles celle-ci demandait, d'une part, à être déchargée de toute responsabilité compte tenu de l'imprécision des spécifications techniques établies par le BET CETE Capgras, d'autre part, à être garantie totalement par le BET CETE Capgras, la cour a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu'à la supposer établie, l'imprécision des spécifications techniques ne saurait exonérer de toute responsabilité la société, à qui il appartenait de contrôler ces spécifications et, le cas échéant, de formuler des réserves, et qu'en négligeant d'opérer ce contrôle, elle avait participé à la réalisation du dommage ; que la cour a suffisamment motivé son arrêt en jugeant que si la société Entreprise Guiban Antilles invoquait le retard apporté par le maître de l'ouvrage dans la mise en service de la climatisation, il n'était pas établi que ce retard ainsi que l'absence d'entretien ultérieur auraient joué un rôle dans les désordres constatés après la mise en service et tenant en une condensation excessive ;

3. Considérant toutefois, en premier lieu, que la cour a énoncé, dans les motifs de son arrêt, que la somme due à la commune du Lamentin en réparation des désordres affectant la dalle de la terrasse devait être mise à la charge de la société Nofram et du groupement de maîtrise d'oeuvre, excluant ainsi la condamnation à ce titre des autres constructeurs, dont la société Entreprise Guiban Antilles ; que, cependant, le dispositif de l'arrêt met solidairement à la charge de la société Entreprise Guiban Antilles une somme globale de 1 639 000 euros incluant la réparation des désordres affectant la dalle de la terrasse ; que l'arrêt est ainsi entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif sur ce point ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que la cour a énoncé, dans les motifs de son arrêt, statuant sur l'appel en garantie de la société Entreprise Guiban Antilles, que celle-ci n'était pas fondée à demander à être garantie par le BET CETE Capgras au-delà des 50 % accordés par le tribunal administratif, confirmant ainsi la condamnation de la société BET CETE Capgras à garantir la requérante à cette hauteur ; que, cependant, le dispositif de l'arrêt rejette l'appel en garantie de la société Entreprise Guiban Antilles et réforme le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France en ce qu'il a de contraire ; que l'arrêt est ainsi entaché à ce titre d'une seconde contradiction entre ses motifs et son dispositif ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il a porté de 1 103 000,83 euros à 1 639 000 euros la somme mise solidairement à la charge de la société Entreprise Guiban Antilles et en tant qu'il a statué sur l'appel en garantie de cette société dirigé contre la société BET CETE Capgras ;

Sur le pourvoi incident de la commune du Lamentin :

6. Considérant que la cour a énoncé, dans les motifs de son arrêt, que la somme accordée à la commune du Lamentin au titre de la réfection de l'étanchéité de la terrasse, laquelle s'élevait à 142 623,25 euros en incluant les honoraires du maître d'oeuvre, reposait sur une évaluation ancienne et devait être portée à la somme de 536 000 euros ; que, cependant, le dispositif de l'arrêt met à la charge des maîtres d'oeuvre et des entreprises en charge de l'ensemble des travaux une somme globale de 1 639 000 euros, incluant une somme de 536 000 euros au titre de l'ensemble des travaux autres que ceux de la climatisation, alors que cette somme ne correspondait dans les motifs de l'arrêt qu'à la réfection de l'étanchéité de la terrasse ; que l'arrêt est ainsi entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif sur ce point ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il a statué sur l'évaluation du préjudice résultant pour la commune du Lamentin des désordres affectant l'étanchéité de la terrasse ;

Sur le pourvoi provoqué de M. E...:

8. Considérant que la situation de M.E..., condamné solidairement avec la société Entreprise Guiban Antilles par les juges du fond, est susceptible d'être aggravée par la cassation partielle prononcée par la présente décision ; que ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêt en tant qu'il l'a condamné à payer à la commune du Lamentin, solidairement avec d'autres intervenants, la somme de 1 639 000 euros doivent, dès lors, être regardées comme des conclusions provoquées et sont, par suite, recevables ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'il appartient au juge du fond de compléter son information en procédant, le cas échéant, aux mesures d'instruction qu'il estime utiles et nécessaires ; que l'appréciation qu'il porte sur cette nécessité et cette utilité n'est pas, en l'absence de dénaturation, susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ; qu'au regard des éléments soumis à son examen, la cour, en s'abstenant d'ordonner un complément d'expertise ou une autre mesure d'instruction portant sur la responsabilité de la commune du Lamentin dans l'apparition des désordres affectant l'installation de climatisation, n'a pas porté, sur l'utilité et la nécessité d'une telle mesure, une appréciation entachée de dénaturation ; que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que la cour aurait statué irrégulièrement en s'abstenant d'ordonner au préalable un complément d'instruction ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que si M. E...soutient que la responsabilité solidaire des maîtres d'oeuvre ne saurait excéder la moitié de la somme globale mise à la charge des intervenants aux opérations de construction dès lors que la construction du nouvel hôtel de ville de la commune du Lamentin a donné lieu à la conclusion de contrats conclus avec deux groupements distincts, le groupement d'entreprises chargées des travaux, d'une part, le groupement de maîtrise d'oeuvre, d'autre part, il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que la responsabilité des maîtres d'oeuvre pourrait être limitée au seul motif qu'ils n'appartiendraient pas au même groupement que les entreprises en charge de la réalisation des travaux ;

11. Considérant, enfin, ainsi qu'il a été dit au point 2 de la présente décision, que la cour a suffisamment motivé son arrêt en jugeant que si la société Entreprise Guiban Antilles invoquait le retard apporté par le maître de l'ouvrage dans la mise en service de la climatisation, il n'était pas établi que ce retard ainsi que l'absence d'entretien ultérieur auraient joué un rôle dans les désordres constatés après la mise en service et tenant en une condensation excessive ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi provoqué de M E... doit être rejeté ;

Sur le pourvoi provoqué de la SCPA Codou Hindley et de M. D...:

13. Considérant que la situation de la SCPA Codou Hindley et de M. D..., condamnés solidairement avec la société Entreprise Guiban Antilles par les juges du fond, est susceptible d'être aggravée par la cassation partielle prononcée par la présente décision ; qu'ils sont, par suite, recevables à demander par la voie du pourvoi provoqué l'annulation de l'arrêt en tant qu'il les a condamnés à payer à la commune du Lamentin, solidairement avec d'autres intervenants, la somme de 1 639 000 euros ;

14. Considérant que si les parties font grief à l'arrêt attaqué de n'avoir pas répondu au moyen tiré de ce que la mention dans l'acte d'engagement du contrat de maîtrise d'oeuvre du numéro d'immatriculation du bureau d'études DGIC, dont M. D...était le représentant légal, révélait que le contrat avait été conclu par cette société et non par M. D... à titre personnel, la cour a suffisamment motivé sa décision en relevant que ledit acte d'engagement portait la mention de l'engagement à titre personnel de M. D...; que l'arrêt est également suffisamment motivé pour les motifs exposés au point 2 de la présente décision ; que par suite, le pourvoi provoqué de la SCPA Codou Hindley et de M. D...doit être rejeté ;

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

En ce qui concerne les désordres affectant la terrasse :

16. Considérant que, pour chiffrer à 129 657,50 euros le coût des réparations de la dalle, l'expert s'est fondé sur une évaluation ancienne, sommairement réévaluée ; que, par le marché qu'elle produit, la commune établit que le coût réel de la réfection de la dalle s'établit à 536 000 euros ; qu'il y a lieu de porter à 536 000 euros la somme de 142 623,25 euros mise solidairement à ce titre à la charge de la société Nofram et du groupement de maîtrise d'oeuvre, seuls constructeurs concernés par ces travaux ;

En ce qui concerne l'appel en garantie présenté par la société Entreprise Guiban Antilles :

17. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en négligeant de contrôler les spécifications du BET CETE Capgras, la société Entreprise Guiban Antilles a participé à la réalisation du dommage ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à demander à être garantie au-delà des 50 % accordés par le tribunal administratif ;

18. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 19 décembre 2013 est annulé, d'une part, en tant qu'il a statué sur l'indemnisation du préjudice résultant des désordres affectant l'étanchéité de la terrasse, d'autre part, en tant qu'il a porté de 1 103 000,83 euros à 1 639 000 euros la somme mise solidairement à la charge de la société Entreprise Guiban Antilles.

Article 2 : L'article 4 du même arrêt est annulé en tant qu'il fait mention de la société Entreprise Guiban Antilles.

Article 3 : La somme de 142 623,25 euros au paiement de laquelle ont été solidairement condamnés la société Nofram, la SCPA Codou Hindley, M. D...et M. E...au titre des travaux concernant la terrasse par l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 6 octobre 2011 est portée à 536 000 euros et la somme de 352 584,77 euros mise globalement à la charge des mêmes parties par cet article est, par voie de conséquence, portée à 745 961,52 euros.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 6 octobre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : Le surplus du pourvoi de la société Entreprise Guiban Antilles et les conclusions des pourvois provoqués et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de la commune du Lamentin, de M.E..., ainsi que de la SCPA Codou Hindley et de M. D...sont rejetés.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Entreprise Guiban Antilles, à M.F..., à la SCPA Codou Hindley, à M. C...D..., à la commune du Lamentin, à Me B...A..., mandataire liquidateur de la société Nofram et au BET CETE Capgras.


Synthèse
Formation : 7ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 375609
Date de la décision : 11/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 11 fév. 2015, n° 375609
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arno Klarsfeld
Rapporteur public ?: M. Bertrand Dacosta
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP BOULLOCHE ; SCP GATINEAU, FATTACCINI ; SCP BOUTET, HOURDEAUX ; SCP LEVIS ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:375609.20150211
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