Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. A...D..., demeurant..., et M. E...F..., demeurant... ; ils demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 1401214 du 15 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 en vue de l'élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires de la commune de Saint-Raphaël (Var) ;
2°) d'annuler ces opérations électorales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Méar, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
1 . Considérant qu'à l'issue du premier tour des opérations électorales en vue de l'élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires de la commune de Saint-Raphaël (Var), qui s'est déroulé le 23 mars 2014, la liste " Gardons le cap " conduite par M.C..., maire sortant, a été élue en obtenant 9 843 voix, soit 55,97 % des suffrages exprimés, et s'est vu attribuer 31 sièges au conseil municipal et 14 sièges au conseil communautaire ; que la liste " Saint-Raphaël Bleu Marine " a recueilli 4 470 voix, soit 25,41 % des suffrages exprimés, et obtenu 5 sièges au conseil municipal et 2 sièges au conseil communautaire ; que la liste " Ensemble vers l'avenir " a réuni 1887 voix, soit 10,73 % des suffrages exprimés, conduisant à l'attribution de 2 sièges au conseil municipal et d'un siège au conseil communautaire ; qu'enfin, la liste " Génération Saint-Raph " avec 1 386 voix, soit 7,88 % des suffrages exprimés, a obtenu un siège au conseil municipal ; que M. D...et M. F..., candidats non élus sur la liste " Génération Saint- Raph ", demandent au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 15 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur protestation tendant à l'annulation des opérations électorales citées plus haut ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article L.52-1 du code électoral :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-1 du code électoral : " Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite./ A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre " ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'organisation des réunions et manifestations publiques qui se sont déroulées à l'initiative de M. C..., maire sortant de Saint-Raphaël, par ailleurs président de la communauté d'agglomération " Var Est Méditerranée " (CAVEM), telles que les inaugurations et poses de première pierre en vue de la construction d'un centre cardio-vasculaire et d'une résidence services pour personnes âgées, destinés à être achevés en 2015, ou les cérémonies de voeux qui, en vertu d'une tradition établie, se tiennent dans chacun des cinq quartiers composant la commune de Saint-Raphaël avant d'être présentés à l'ensemble des habitants au Palais des congrès, soit constitutive, par la répétition de ces événements dans la période considérée, d'une campagne de promotion publicitaire des réalisations de la municipalité, prohibée par les dispositions précitées de l'article L. 52-1 du code électoral ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que pendant la période de six mois, prévue par l'article L. 52-1 du code électoral, au cours de laquelle l'organisation d'une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité territoriale est prohibée, trois numéros du bulletin municipal bimestriel de la commune de Saint-Raphaël, intitulé " Le Lien ", sont parus sans modification de leur périodicité et de leur format par rapport aux numéros habituels du magazine municipal qui est diffusé, de manière continue, depuis 1995 ; que les numéros de septembre-octobre 2013 (n° 107) et de novembre-décembre 2013 (n° 108) ne comportaient pas d'éditorial signé par le maire sortant et ne contenaient qu'un nombre restreint de photos, de taille réduite, le représentant ; que si le numéro de janvier-février 2014 (n° 109) de ce magazine, qui comportait, sous la forme d'un éditorial non signé, les voeux adressés à la population par le maire et le conseil municipal, a consacré des développements, parfois assortis de photos du maire plus nombreuses et d'une taille plus grande que celles figurant dans les deux numéros précédents, aux inaugurations et poses de la première pierre, mentionnées au point 3, qui ont eu lieu au cours du mois de décembre 2013, soit pendant la période prévue par l'article L. 52-1 du code électoral, ces articles, qui traitaient de réalisations de la municipalité sans excéder l'objet d'une telle publication, qui est d'informer les habitants sur la vie de leurs quartiers et de leur commune, ni faire explicitement référence aux élections municipales de mars 2014, et sans employer un ton polémique ou dresser un bilan exagérément avantageux de ces réalisations, ne peuvent être regardés comme constitutifs d'une campagne de promotion, au sens des dispositions précitées du code électoral ;
5. Considérant, en troisième lieu, que s'il résulte de l'instruction que la presse locale a accordé une place importante aux actions de M. C...pour relater, entre le début du mois d'octobre 2013 et le 19 mars 2014, les réunions publiques présidées par ce dernier, dresser un bilan des réalisations de la municipalité sortante et évoquer les projets en cours, sans cependant énoncer un programme électoral, la parution de ces articles relève de la liberté éditoriale des organes de presse, auxquels ni la loi du 29 juillet 1881, ni aucune disposition législative ou réglementaire en vigueur n'interdit ni ne limite les prises de position politique lors des campagnes électorales et ne saurait, dès lors, être regardée comme constitutive d'une campagne de promotion, au sens des dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré d'une violation des dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral doit être écarté ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article L. 52-8 du code électoral :
7. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 52-8 du code électoral : " Les dons consentis par une personne physique dûment identifiée pour le financement de la campagne d'un ou plusieurs candidats lors des mêmes élections ne peuvent excéder 4 600 euros. / Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux habituellement pratiqués " ;
8. Considérant qu'à l'appui de ce moyen, les requérants se bornent à invoquer l'utilisation de locaux communaux par M.C..., maire sortant, à l'occasion des manifestations publiques mentionnées au point 3 ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ces manifestations, qu'il s'agisse d'inaugurations, de poses de première pierre ou de cérémonies de voeux, auraient été effectuées dans un cadre étranger aux activités habituelles de la commune et aux fonctions inhérentes à l'exercice du mandat du maire ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article L. 52-8 du code électoral doit être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MM. D...et F...ne sont pas fondés à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur protestation tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé, le 23 mars 2014, pour l'élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires de la commune de Saint-Raphaël ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. C... au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de MM. D...etF... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. C...tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à MM. A...D..., E...F...et B...C...et au ministre de l'intérieur.