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17/06/2015 | FRANCE | N°370785

France | France, Conseil d'État, 10ème / 9ème ssr, 17 juin 2015, 370785


Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 1er août 2013, 4 novembre 2013, 28 avril 2014, 11 juin 2014 et 13 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Taina services et restaurants, dont le siège est immeuble Sarateva BP 4524 à Papeete (98713), Tahiti ; la société Taina services et restaurants demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12PA04639 du 31 mai 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant :

- d'une part, à l'annulation du jugement

n° 1200338 du 11 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de la Pol...

Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 1er août 2013, 4 novembre 2013, 28 avril 2014, 11 juin 2014 et 13 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Taina services et restaurants, dont le siège est immeuble Sarateva BP 4524 à Papeete (98713), Tahiti ; la société Taina services et restaurants demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12PA04639 du 31 mai 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant :

- d'une part, à l'annulation du jugement n° 1200338 du 11 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur la production de boissons alcoolisées et de certains produits sucrés auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 octobre 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, pour un montant total de 65 582 118 francs CFP ;

- d'autre part, à ce que la décharge sollicitée soit prononcée ou, subsidiairement, à ce que les rappels mis à sa charge soient ramenés à la somme de 44 871 729 francs CFP ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le livre des procédures fiscales, notamment son article 199 ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

Vu l'ordonnance n° 98-581 du 8 juillet 1998 ;

Vu le code des impôts de la Polynésie française ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Béreyziat, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la société Taina services et restaurants et à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la Polynésie française ;

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 9 de l'ordonnance du 8 juillet 1998 portant actualisation et adaptation des règles relatives aux garanties de recouvrement et à la procédure contentieuse en matière d'impôts en Polynésie française : " En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par le président du gouvernement du territoire de la Polynésie française sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif de Papeete " ; qu'il résulte de ces dispositions, rapprochées de celles de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales, qu'en Polynésie française, il n'appartient pas au juge administratif de connaître des contestations relatives aux contributions indirectes ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 338-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Il est créé une taxe due par toute entreprise, personne physique ou morale, qui exerce, à titre lucratif et de façon habituelle, une activité de production portant sur les produits visés à l'article 338-2 ci-après " ; que l'article 338-2 mentionne notamment les " eaux, y compris les eaux minérales et les eaux gazéifiées additionnées de sucre ou d'autres édulcorants ou aromatisés, et autres boissons non alcooliques, à l'exclusion des jus de fruits ou de légumes ", ainsi que divers sirops ; qu'il fixe, pour chacune de ces boissons, un tarif par litre ; que, si l'article 338-6 du même code dispose que les réclamations contre cette taxe sont présentées, instruites et jugées comme pour la taxe sur la valeur ajoutée, la taxe en litige n'a pas, toutefois, le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires ou d'une taxe assimilée mais celui d'une contribution indirecte ; que la Polynésie française n'était pas compétente pour modifier les limites des compétences respectives des juridictions de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire ni, par suite, pour transférer à la juridiction administrative le jugement des réclamations dirigées contre cette contribution indirecte ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en rejetant comme mal fondées les conclusions de la société Taina services et restaurants tendant à obtenir la décharge des cotisations de taxe mises à sa charge sur le fondement de l'article 338-1 du code des impôts à raison des boissons qu'elle aurait fabriquées, la cour administrative d'appel a méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler son arrêt, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des conclusions de la société Taina services et restaurants tendant à obtenir la décharge de la taxe mise à sa charge sur le fondement de l'article 338-1 du code des impôts ; qu'il y a lieu, par suite, d'une part, d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 11 septembre 2012 qui a statué sur ces conclusions et, par la voie de l'évocation, de rejeter la demande de la société Taina services et restaurants comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Taina services et restaurants, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Taina services et restaurants au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 31 mai 2013 et le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 11 septembre 2012 sont annulés.

Article 2 : La demande de la société Taina services et restaurants devant le tribunal administratif de la Polynésie française est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions présentées par la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions de la société Taina services et restaurants sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Taina services et restaurants et à la Polynésie française.

Copie en sera adressée pour information au ministre des finances et des comptes publics et à la ministre des outre-mer.


Synthèse
Formation : 10ème / 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 370785
Date de la décision : 17/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR DES TEXTES SPÉCIAUX - ATTRIBUTIONS LÉGALES DE COMPÉTENCE AU PROFIT DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES - COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES EN MATIÈRE FISCALE ET PARAFISCALE - EN MATIÈRE FISCALE - TAXE SUR LES PRODUCTEURS DE BOISSONS CRÉÉE PAR LA POLYNÉSIE FRANÇAISE (ART - 338-1 ET 338-2 DU CODE DES IMPÔTS DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE) - NATURE - CONTRIBUTION INDIRECTE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES.

17-03-01-02-03-01 Taxe sur les producteurs de boissons créée par la Polynésie française (art. 338-1 et 338-2 du code des impôts de la Polynésie française). Pour chacune de ces boissons, le code des impôts de la Polynésie française fixe un tarif par litre. Si l'article 338-6 de ce code dispose que les réclamations contre cette taxe sont présentées, instruites et jugées comme pour la taxe sur la valeur ajoutée, cette taxe n'a pas, toutefois, le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires ou d'une taxe assimilée mais celui d'une contribution indirecte. Le jugement des réclamations dirigées contre cette contribution indirecte ressortit aux juridictions de l'ordre judiciaire.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - QUESTIONS COMMUNES - COMPÉTENCE JURIDICTIONNELLE - TAXE SUR LES PRODUCTEURS DE BOISSONS CRÉÉE PAR LA POLYNÉSIE FRANÇAISE (ART - 338-1 ET 338-2 DU CODE DES IMPÔTS DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE) - NATURE - CONTRIBUTION INDIRECTE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES.

19-02-01-01 Taxe sur les producteurs de boissons créée par la Polynésie française (art. 338-1 et 338-2 du code des impôts de la Polynésie française). Pour chacune de ces boissons, le code des impôts de la Polynésie française fixe un tarif par litre. Si l'article 338-6 de ce code dispose que les réclamations contre cette taxe sont présentées, instruites et jugées comme pour la taxe sur la valeur ajoutée, cette taxe n'a pas, toutefois, le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires ou d'une taxe assimilée mais celui d'une contribution indirecte. Le jugement des réclamations dirigées contre cette contribution indirecte ressortit aux juridictions de l'ordre judiciaire.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE - LOIS ET RÈGLEMENTS (HORS STATUTS DES COLLECTIVITÉS) - COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER ET NOUVELLE-CALÉDONIE - POLYNÉSIE FRANÇAISE - TAXE SUR LES PRODUCTEURS DE BOISSONS CRÉÉE PAR LA POLYNÉSIE FRANÇAISE (ART - 338-1 ET 338-2 DU CODE DES IMPÔTS DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE) - NATURE - CONTRIBUTION INDIRECTE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES.

46-01-03-02-03 Taxe sur les producteurs de boissons créée par la Polynésie française (art. 338-1 et 338-2 du code des impôts de la Polynésie française). Pour chacune de ces boissons, le code des impôts de la Polynésie française fixe un tarif par litre. Si l'article 338-6 de ce code dispose que les réclamations contre cette taxe sont présentées, instruites et jugées comme pour la taxe sur la valeur ajoutée, cette taxe n'a pas, toutefois, le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires ou d'une taxe assimilée mais celui d'une contribution indirecte. Le jugement des réclamations dirigées contre cette contribution indirecte ressortit aux juridictions de l'ordre judiciaire.


Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2015, n° 370785
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Béreyziat
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR ; SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:370785.20150617
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