Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 août et 26 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par l'association Coop de France, dont le siège est au 43, rue Sedaine à Paris (75011) ; Coop de France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2012-842 du 30 juin 2012 relatif à la reconnaissance des organismes à vocation sanitaire, des organisations vétérinaires à vocation technique, des associations sanitaires régionales ainsi qu'aux conditions de délégations de missions liées aux contrôles sanitaires ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce, notamment son article L. 462-2 :
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;
Vu l'ordonnance n° 2011-862 du 22 juillet 2011 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Martinel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
1. Considérant qu'à la suite des Etats généraux du sanitaire organisés par l'Etat en 2010, l'ordonnance du 22 juillet 2011 relative à l'organisation de l'épidémiosurveillance, de la prévention et de la lutte contre les maladies animales et végétales et aux conditions de délégation de certaines tâches liées aux contrôles sanitaires et phytosanitaires a défini une nouvelle organisation en matière de santé animale et végétale en vue notamment de clarifier les responsabilités de l'Etat et des professionnels dans la prévention, la surveillance et la lutte contre les dangers sanitaires liés aux animaux et aux végétaux ; qu'à cette fin, elle a classé les différents types de dangers sanitaires en trois catégories déterminées selon la gravité du risque présenté et la plus ou moins grande nécessité, de ce fait, d'une intervention de l'Etat ou d'une action collective contre ces dangers ; qu'elle prévoit la constitution par l'autorité administrative, sous son autorité, de réseaux de surveillance et de prévention des dangers sanitaires, dont elle définit l'organisation, ainsi que l'obligation pour un ensemble d'acteurs d'adhérer au réseau correspondant à leur type et à leur zone d'activité et de participer aux actions de prévention, de surveillance et de lutte dont ils sont responsables directement ou par l'intermédiaire d'organismes à vocation sanitaire ; qu'enfin, en vue de permettre à l'Etat de s'appuyer sur des organismes compétents dans le domaine sanitaire, et de mettre à la disposition des organisations professionnelles les outils nécessaires, l'ordonnance instaure la possibilité de reconnaître des organismes à vocation sanitaire ou des organisations vétérinaires à vocation technique ou des associations sanitaires régionales regroupant ces organismes et de leur confier des missions de surveillance et de prévention, pouvant être étendues à des missions de lutte contre les dangers sanitaires ; que ces dispositions ont été codifiées dans le code rural et de la pêche maritime, notamment aux articles R. 201-12 et R. 201-27 ;
2. Considérant que, sur le fondement de cette ordonnance, le décret du 30 juin 2012 définit notamment les conditions de reconnaissance des organismes chargés d'intervenir avec l'Etat dans le cadre de la surveillance, la prévention et la lutte contre les maladies animales et les organismes nuisibles aux végétaux ; que l'association Coop de France demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret ; que, eu égard aux moyens de sa requête, elle doit être regardée comme demandant l'annulation du décret uniquement en tant que, d'une part, son article 3 introduit dans le code rural et de la pêche maritime un article R. 201-12 prévoyant qu'un seul organisme à vocation sanitaire peut être reconnu par domaine d'activité et pour une région donnée, et un article R.201-27 énonçant que, à la demande d'au moins 60% des exploitants de la région appartenant à une même filière, une association sanitaire régionale constitue en son sein une section spécialisée de cette filière, d'autre part, son article 17 instaure, à titre transitoire, une reconnaissance automatique en qualité d'organismes à vocation sanitaire des fédérations régionales de groupements de défense sanitaire ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'article 3 du décret attaqué :
En ce qui concerne l'article R. 201-12 du code rural et de la pêche maritime créé par l'article 3 du décret attaqué :
3. Considérant, en premier lieu, que l'association requérante soutient que le décret attaqué serait entaché d'incompétence en tant qu'il introduit dans le code rural et de la pêche maritime l'article R. 201-12 précité alors que le législateur n'a pas restreint le nombre d'organismes à vocation sanitaire (OVS) susceptibles d'être reconnus par domaine d'activité et pour une région donnée ;
4. Mais considérant que l'article L. 201-9 du code rural et de la pêche maritime prévoit que l'autorité administrative peut confier, par voie de convention, des missions de surveillance et de prévention et, le cas échéant, de lutte contre les dangers sanitaires à des OVS ; qu'il précise que ces organismes sont des personnes morales ayant fait l'objet d'une reconnaissance par l'autorité administrative dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, et dont l'objet essentiel est la protection de l'état sanitaire des animaux, des végétaux, des produits végétaux, des aliments pour animaux ou des denrées alimentaires d'origine animale, dans le secteur d'activité et l'aire géographique sur lesquels elles interviennent ; que le premier alinéa de l'article R. 201-12 issu du décret attaqué donne compétence au ministre chargé de l'agriculture pour reconnaître ces organismes ; qu'il résulte de ces dispositions que le choix du nombre d'organismes susceptibles de bénéficier de la reconnaissance de la qualité d'OVS doit être regardé comme une mesure unilatérale d'organisation du service public de surveillance, de prévention et de lutte contre les dangers sanitaires ; que, par suite, en prévoyant qu'un seul OVS pouvait être reconnu par domaine d'activité et pour une région donnée, alors que ni l'article 201-9 précité ni aucune autre disposition législative n'édictait cette règle, le pouvoir règlementaire n'a pas méconnu sa compétence ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que l'association requérante soutient que l'article R. 201-12 précité a également empiété sur le domaine de la loi en dérogeant à l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ; qu'aux termes de cet article, dans sa rédaction en vigueur à la date du décret attaqué : " Les délégations de service public des personnes morales de droit public sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat. La collectivité publique dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public. La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager. Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire " ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires ayant précédé le vote de la loi du 29 janvier 1993, que la procédure qu'elles définissent s'applique aux seules délégations consenties par voie contractuelle ; que l'association Coop de France ne peut, par suite, utilement s'en prévaloir à l'encontre des dispositions de l'article R. 201-12 précité qui ne concernent que la condition d'agrément de l'OVS, laquelle doit être regardée comme une décision unilatérale de l'administration ;
6. Considérant, en troisième lieu, que l'association requérante se borne à soutenir que l'article 3 du décret attaqué aurait dû être soumis préalablement pour avis à l'Autorité de la concurrence en application de l'article L. 462-2 du code de commerce, sans assortir son moyen d'éléments permettant d'en apprécier le bien-fondé, notamment sans préciser en quoi les dispositions litigieuses auraient directement pour effet de soumettre l'accès à un marché à des restrictions quantitatives ; que son moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté ; :
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 201-11 du code rural et de la pêche maritime : " Dans chaque région, une fédération des organismes à vocation sanitaire constituée sous la forme d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901, peut dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, être reconnue comme association sanitaire régionale si ses statuts satisfont aux conditions suivantes : / 1° Avoir pour objet la prévention, la surveillance et la maîtrise de l'ensemble des dangers sanitaires, notamment par l'élaboration du schéma régional de maîtrise des dangers sanitaires prévu à l'article L. 201-12 ; / 2° Accepter de plein droit l'adhésion des organisations vétérinaires à vocation technique ; / 3° Accepter de plein droit l'adhésion de toute organisation ou association professionnelle dès lors qu'elle exerce une compétence sanitaire dans le territoire considéré et s'engage par son adhésion à veiller au respect par ses membres des réglementations sanitaires et phytosanitaires en vigueur et du schéma régional mentionné à l'article L. 201-12 ; / 4° Accepter de plein droit l'adhésion de la région, des départements et des chambres d'agriculture de la région ; / 5° Prévoir que les organismes à vocation sanitaire disposent ensemble de la majorité des voix au sein de ses organes délibérants. (...) " ; que, selon l'article R. 201-12 du même code, dans une même région, peuvent être reconnus deux organismes à vocation sanitaire, l'un pour le domaine animal, l'autre pour le domaine végétal ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une fédération d'organismes à vocation sanitaire pourra intégrer au moins deux organismes à vocation sanitaire et qu'en outre, une association sanitaire régionale devra accueillir en son sein, conformément au 3° de l'article L.201-11 précité, toute organisation ou association professionnelle exerçant une compétence sanitaire dans le territoire considéré ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le second alinéa de l'article R. 201-12 méconnaîtrait les dispositions de l'article L.201-11 faute de prévoir une multiplicité d'organismes à vocation sanitaire par région ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 201-9 du code rural et de la pêche maritime : " Les organismes à vocation sanitaire sont des personnes morales reconnues par l'autorité administrative dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, dont l'objet essentiel est la protection de l'état sanitaire des animaux, des végétaux, des produits végétaux, des aliments pour animaux ou des denrées alimentaires d'origine animale, dans le secteur d'activité et l'aire géographique sur lesquels elles interviennent " ; qu'il résulte de ces dispositions que les OVS ne sont reconnus ni pour un domaine ni pour une filière mais pour un " secteur d'activité " ; que cependant, il résulte des termes mêmes de l'article L. 201-9 précité, éclairé par le rapport au Président de la République de l'ordonnance du 22 juillet 2011 dont il est issu, que les notions de " domaine " et de " secteur d'activité " recouvrent les mêmes entités ; que , par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué prévoit la reconnaissance des OVS pour le domaine végétal ou animal alors que l'article L. 201-9 précité impose de procéder par filière ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant, en sixième lieu, que si l'association requérante soutient que lorsqu'il n'existe qu'un organisme à vocation sanitaire par région et par domaine, le préfet de région ne pourra, sauf à remettre en cause l'effectivité du contrôle sanitaire, mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article R. 201-16 du code rural et de la pêche maritime à l'issue de laquelle il peut suspendre un organisme à vocation sanitaire pour une durée maximale de deux mois ou procéder au retrait de sa reconnaissance, l'article L. 201-13 du même code n'impose pas à l'administration de déléguer des tâches particulières liées aux contrôles sanitaires mais lui en donne seulement la faculté ; que, dès lors, la circonstance que le ministre chargé de l'agriculture puisse procéder à la suspension ou au retrait de la reconnaissance d'un organisme à vocation sanitaire est sans incidence sur l'effectivité du contrôle sanitaire et, par suite, sur la légalité du décret attaqué ;
En ce qui concerne l'article R. 201-27 du code rural et de la pêche maritime créé par l'article 3 du décret attaqué :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 201-12 du code rural et de la pêche maritime : " L'association sanitaire régionale collecte des informations en application de l'article L. 201-7 pour les transmettre à l'autorité administrative. / Elle est chargée d'élaborer, de soumettre à l'approbation de l'autorité administrative un schéma régional de maîtrise des dangers sanitaires et d'en coordonner la mise en oeuvre sous le contrôle de l'administration. / Dans le respect des dispositions prises par l'autorité administrative en application des articles L. 201-4, L. 201-5, L. 221-1 et L 251-8 et des stipulations de la convention prévue à l'article L. 201-9, le schéma régional de maîtrise des dangers sanitaires précise : / 1° Les orientations et directives en matière de prévention, de surveillance et de lutte contre les dangers sanitaires qu'il désigne pour l'ensemble des filières animales et végétales et les mesures en découlant ; / 2° Les modalités d'organisation nécessaires à la mise en oeuvre du schéma ; / 3° La liste des organismes à vocation sanitaire et de toutes les autres personnes physiques ou morales qui participent à la mise en oeuvre du schéma ; / 4° Ses modalités de financement. / L'association sanitaire régionale élabore des programmes collectifs volontaires de prévention, de surveillance et de lutte contre certains dangers sanitaires, qu'elle peut soumettre à l'approbation de l'autorité administrative. Lorsqu'elle met en place un programme collectif volontaire sans en demander l'approbation, elle en informe l'autorité administrative " ; que l'article R. 201-27 du même code issu du décret attaqué prévoit qu'à la demande d'au moins 60 % des exploitants de la région appartenant à une même filière, l'association sanitaire régionale constitue en son sein une section spécialisée de cette filière et que les décisions intéressant cette filière, notamment celles relevant du schéma régional de maîtrise des dangers sanitaires, sont adoptées par l'organe délibérant à l'initiative de la section spécialisée ; qu'en précisant, par ce texte, les modalités d'organisation interne des associations sanitaires régionales, dont le législateur avait prévu la création et défini les missions, le pouvoir réglementaire n'a pas, contrairement à ce que soutient l'association requérante, méconnu l'article L. 201-12 précité ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'article 17 du décret attaqué :
11. Considérant, en premier lieu, que l'article 17 du décret attaqué prévoit qu'à titre transitoire, la reconnaissance en qualité d'OVS est accordée, pour une période s'achevant au plus tard le 31 décembre 2014, aux fédérations de groupements de défense contre les organismes nuisibles et aux fédérations régionales de groupements de défense sanitaire qui justifient d'une expérience suffisante et auxquelles l'Etat a confié ou délégué des missions sanitaires au cours des deux années précédant la date de parution du décret ; que, contrairement à ce que soutient l'association requérante, ces dispositions transitoires n'excèdent pas le champ d'habilitation qui a été donnée au pouvoir réglementaire par l'article L.201-9 du code rural et de la pêche maritime pour définir, par décret en Conseil d'Etat, les conditions dans lesquelles la reconnaissance en qualité d'OVS est accordée ;
12. Considérant, en deuxième lieu, que l'association requérante soutient que l'article 17 précité méconnaîtrait le principe d'égalité en organisant l'éviction d'autres entités ; que, cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que ces fédérations justifient d'une expérience dans la conduite d'actions sanitaires et ont exercé, pour le compte de l'Etat, des missions sanitaires au cours des deux années précédent la parution du décret ; qu'en particulier, les fédérations de groupements de défense contre les organismes nuisibles et les fédérations régionales de groupements de défense sanitaire disposaient, dans l'ancien schéma de gouvernance, en vertu de l'article L. 252-1 du code rural et de la pêche maritime, des compétences par domaine désormais nécessaires à la reconnaissance de la qualité d'OVS ; qu'il s'ensuit que la différence de traitement instaurée à titre transitoire par l'article 17 du décret attaqué est en rapport direct avec l'objet de la loi et que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par le I de l'article 17 du décret attaqué, du principe d'égalité ne peut qu'être écarté ;
13. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article R. 201-12 du code rural et de la pêche maritime que la reconnaissance de la qualité d'OVS incombe au ministre chargé de l'agriculture ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le I de l'article 17 du décret attaqué méconnaîtrait le principe de sécurité juridique en ne précisant pas quelle autorité serait chargée de vérifier les fédérations remplissant les conditions pour être reconnues en qualité en qualité d'OVS manque en fait et ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
14. Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que l'article R. 201-17 ne s'appliquerait qu'aux espèces de moindre importance alors que les filières correspondant aux autres espèces seraient regroupées en dépit de leur spécificité au sein d'un seul et même OVS et serait, par suite, entaché d'illégalité n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par le ministre chargé de l'agriculture, l'association Coop de France n'est pas fondée à demander l'annulation des dispositions qu'elle attaque ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu' une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'association Coop de France est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Coop de France, au Premier ministre et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.