Vu la procédure suivante :
M. E...C...et M. F...A...ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 30 mars 2014 pour le second tour de l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne). Par un jugement n° 1403222 du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur protestation.
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 novembre 2014 et le 2 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, MM. C...et A...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rectifier les résultats des opérations électorales en faveur de la liste "Villeneuve, le renouveau" ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler les opérations électorales ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre solidairement à la charge de Mme B...et de chacun de ses colistiers le versement de la somme de 3 500 euros au titre des mêmes dispositions.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 juillet 2015, présentée pour MM. C... et A...;
Vu la note en délibéré, enregistré le 10 juillet 2015, présenté pour Mme B... ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Huet, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M. C...et de M. A...et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme B...;
1. Considérant qu'à l'issue du second tour de scrutin qui s'est déroulé le 30 mars 2014 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), la liste conduite par Mme B...a recueilli 3 835 voix, soit 50,19% des suffrages exprimés ; que la liste menée par M. C...a obtenu 30 voix de moins, soit 49, 80 % des suffrages exprimés ; que MM. C...et A...relèvent appel du jugement du 23 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur protestation tendant à l'annulation de ces opérations électorales ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant en premier lieu que, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées le 30 septembre 2014 à 9 heures que la décision qui allait être prise par le tribunal était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ; que l'audience s'étant tenue le 2 octobre 2014, elles ont, dans les circonstances de l'espèce, disposé d'un délai suffisant pour leur permettre de faire valoir leurs observations ; qu'ainsi, MM. C...et A...ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que la seule circonstance que les deux notes en délibéré enregistrées les 2 et 10 octobre 2014 au greffe du tribunal administratif de Melun entendaient répondre à la communication de griefs qui, parce qu'ils avaient été soulevés d'office par le tribunal, n'avaient pas fait l'objet d'échanges entre les parties, n'est pas de nature à caractériser une circonstance de droit nouvelle qui aurait fait obligation à la juridiction de tenir compte de ces notes en délibéré et de rouvrir l'instruction ; que les requérants ne sont ainsi pas fondés à soutenir que le jugement est, pour ce motif, entaché d'irrégularité ;
4. Considérant enfin que, ni la circonstance que le rapporteur public, qui restait libre de modifier le sens de ses conclusions jusqu'à la tenue de l'audience, les ait fait connaître dès le 30 septembre, soit le même jour que la communication aux parties des griefs d'ordre public, ni celle que les deux notes en délibéré mentionnées ci-dessus, dont le tribunal n'a pas estimé devoir tenir compte, aient été visées par le jugement attaqué sans être analysées, ne sont de nature à entacher le jugement d'irrégularité ;
Sur les griefs écartés comme irrecevables par le jugement attaqué :
5. Considérant que MM. C...et A...ont soulevé, devant le tribunal, des griefs tirés d'un abus de propagande en raison de la distribution anonyme d'un tract portant le sigle de partis politiques, de pressions exercées sur les électeurs par des fédérations et associations de parents d'élève et, enfin, de l'impossibilité pour certains électeurs de voter par procuration ; que toutefois ces griefs n'ont été présentés que dans un mémoire enregistré le 27 septembre 2014 au greffe du tribunal, soit après l'expiration du délai de recours contre les opérations électorales ; qu'ainsi, alors même que certains éléments factuels sur lesquels reposaient ces griefs figuraient déjà, sans donner lieu à aucun grief en droit, dans leur protestation initiale, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif les a écartés comme irrecevables ;
Sur les griefs relatifs à la liste électorale :
6. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas des attestations produites par les requérants, que les opérations de révision des listes électorales de la commune de Villeneuve-Saint-Georges par la commission mentionnée à l'article L. 17 du code électoral auraient été entachées d'irrégularité ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que la publicité du tableau comportant les additions et les retranchements opérés par la commission administrative n'a pas été affiché dans les conditions prévues par l'article R. 10 du même code ; qu'ainsi, le grief tiré de ce que certains électeurs radiés n'auraient pas été en mesure de contester leur radiation faute d'en avoir été informés doit être écarté ;
7. Considérant, par ailleurs, que ni la circonstance qu'un nombre important de radiations d'électeurs aurait été opéré par la commission administrative chargée de la révision de ces listes électorales, ni celle que certaines radiations auraient été reconnues comme erronées par les autorités municipales, ne sont de nature à caractériser une manoeuvre de nature à fausser les résultats du scrutin ;
Sur le déroulement de la campagne électorale :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 48-2 du code électoral : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale " ; qu'aux termes de l'article L. 50 du même code : " Il est interdit à tout agent de l'autorité publique ou municipale de distribuer des bulletins de vote, professions de foi et circulaires des candidats " ;
9. Considérant en premier lieu, que si les requérants soutiennent que la sincérité du scrutin a été altérée en raison de la distribution massive et anonyme d'un tract portant faussement le sigle de certains partis politiques, ce grief, qui a été jugé à bon droit irrecevable par le tribunal administratif ainsi qu'il a été dit au point 5, est par suite nouveau en appel et doit être écarté ;
10. Considérant en deuxième lieu, que si les requérants soutiennent que plusieurs messages de soutien au profit de la liste conduite par Mme B...ont été apportés par des agents municipaux, il ne résulte pas de l'instruction que ces agissements, dont l'importance n'est d'ailleurs pas établie, auraient eu lieu pendant les périodes de travail et qu'elles seraient constitutives d'une méconnaissance des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 50 du code électoral ;
11. Considérant en troisième lieu, que s'il résulte de l'instruction que l'équipe de campagne de Mme B...a, pendant les deux tours du scrutin, diffusé un tract comportant des messages de soutien d'élus et de représentants associatifs, les termes de ce tract n'ont pas excédé les limites de la polémique électorale ; que par suite, sa diffusion n'a pas revêtu le caractère d'une manoeuvre de nature à fausser les résultats du scrutin ; qu'il en va de même de la lettre de soutien à Mme B...adressée aux électeurs de la commune par le président du conseil départemental du Val-de-Marne, laquelle ne contenait d'ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, aucune promesse de subventions du département pour la commune de Villeneuve-Saint-Georges ;
Sur les opérations de vote :
12. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral : " Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement " ; que le second alinéa de l'article L. 64 du même code dispose que : " Lorsqu'un électeur se trouve dans l'impossibilité de signer, l'émargement prévu par le troisième alinéa de l'article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : l'électeur ne peut signer lui-même " ; qu'il résulte de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l'encre, d'un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d'impossibilité ou de vote par procuration dûment mentionnés sur la liste d'émargement ; qu'ainsi, la constatation d'une signature qui présente des différences manifestes entre les deux tours de scrutin ne peut être regardée comme garantissant l'authenticité du vote ;
13. Considérant que le tribunal administratif a écarté vingt-quatre suffrages au motif qu'il existait, sans qu'en soit apportée la justification, des différences manifestes entre les signatures figurant sur les listes d'émargement du premier et du second tour de scrutin ; que si les requérants soutiennent que d'autres émargements présenteraient des différences de même nature, il ne résulte pas de l'instruction que les différences en question, s'agissant notamment de l'électeur n° 1 207 du bureau de vote n° 3, de l'électeur n° 34 du bureau de vote n° 4, des électeurs n° 21 et n° 216 du bureau de vote n° 5 et de l'électeur n° 41 du bureau de vote n° 12, sur lesquelles le tribunal n'avait pas eu à se prononcer, ne garantiraient pas l'authenticité du vote de ces électeurs ; que, par suite, en écartant même le suffrage de l'électeur n° 1 013 du bureau de vote n° 6 en raison de ce que son attestation n'est pas accompagnée d'un des titres d'identité permettant aux électeurs de justifier de leur identité en application de l'article R. 60 du code électoral, le nombre de suffrages qui doit être retranché, tant du nombre de suffrages exprimés que du nombre de voix recueillies par la liste arrivée en tête est de vingt-cinq ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le bien-fondé des vingt-quatre retranchements opérés par le tribunal administratif, ce nombre reste inférieur à l'écart de voix entre les deux listes arrivées en tête, y compris en tenant compte des déductions opérées par ailleurs par le tribunal administratif pour d'autres motifs et qui ne sont pas discutées en appel ; que MM. C...et A...ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que les différences de signatures des listes d'émargement entre les deux tours établissent l'existence d'irrégularités susceptibles d'avoir faussé les résultats du scrutin ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MM. C...et A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur protestation ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de MmeB..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que par ailleurs il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par Mme B...;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de MM. C...et A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mme B...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. E...C..., à M. F...A..., à Mme D...B..., à Mme G...et au ministre de l'intérieur.