Vu la procédure suivante :
Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, au titre de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre sous astreinte à M. C...A...et à M. C... B... de quitter les parcelles de son domaine public qu'ils occupaient sans droit ni titre sur le site des Mattes du Paladon, d'y cesser toute activité agricole, de remettre en état ces parcelles et de l'autoriser à procéder d'office à leurs frais aux travaux de remise en l'état en cas d'inexécution. Par une ordonnance n° 1502402 du 22 juin 2015, ce juge a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 et 22 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...et M. B...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire en référé, de rejeter la demande du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;
3°) de mettre à la charge du Conservatoire la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. A...et de M. B...et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative " ; que lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions, d'une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d'urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; que, s'agissant de cette dernière condition, dans le cas où la demande d'expulsion fait suite à la décision du gestionnaire du domaine de retirer ou de refuser de renouveler le titre dont bénéficiait l'occupant et où, alors que cette décision exécutoire n'est pas devenue définitive, l'occupant en conteste devant lui la validité, le juge des référés doit rechercher si, compte tenu tant de la nature que du bien-fondé des moyens ainsi soulevés à l'encontre de cette décision, la demande d'expulsion doit être regardée comme se heurtant à une contestation sérieuse ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une convention conclue le 22 mars 2007 pour une période du 1er février 2007 au 31 décembre 2016, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a autorisé M. A... à occuper des parcelles situées sur son domaine public au lieudit des Mattes de Paladon à des fins d'usage agricole ; qu'en 2014, M. A...a constitué une société civile d'exploitation agricole dont M. B...est le gérant et co-associé ; que le Conservatoire, après en avoir refusé le transfert à cette société en mai 2014, a résilié cette convention le 27 février 2015, au motif de divers manquements aux conditions fixées pour cette autorisation ; qu'il a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, au titre de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre sous astreinte à MM. A... et B...de quitter ces parcelles qu'ils occupaient sans droit ni titre, d'y cesser toute activité agricole, de les remettre en état et de l'autoriser à procéder d'office à leurs frais aux travaux de remise en l'état en cas d'inexécution ; que ce juge a fait droit à cette demande par une ordonnance du 22 juin 2015 contre laquelle ces derniers se pourvoient en cassation ;
3. Considérant que MM. A...et B...ont fait valoir devant ce juge que la décision de résiliation de cette autorisation se heurtait à une contestation sérieuse, dès lors qu'ils avaient demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cette décision au motif, notamment, que l'article 12.2 de la convention conclue en 2007 subordonnait une telle résiliation, ainsi que toute action judiciaire correspondante, à la saisine préalable d'une commission de conciliation, qu'une telle obligation n'avait en l'espèce pas été respectée et que, par voie de conséquence, cette résiliation était entachée d'illégalité ; qu'en ne recherchant pas si, compte tenu tant de la nature que du bien-fondé du moyen ainsi soulevé à l'encontre de cette décision, la demande d'expulsion présentée à leur encontre par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres devait être regardée comme se heurtant à une contestation sérieuse, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a commis une erreur de droit ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leur pourvoi, MM. A...et B...sont fondés à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
5. Considérant que l'article 12.2 de la convention conclue en 2007 subordonne la résiliation de l'autorisation d'occupation des parcelles en litige, ainsi que toute action judiciaire correspondante, à la saisine préalable d'une commission de conciliation ; qu'il est constant qu'une telle commission n'a pas été saisie avant cette résiliation ; que, par suite, cette résiliation se heurte à une contestation sérieuse ;
6. Considérant que, dès lors, la demande du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres présentée au titre de l'article L. 521-3 du code de justice administrative et tendant, sous astreinte, à l'expulsion de MM. A...et B...des parcelles qu'ils occupent sur son domaine public et à la remise en l'état de celles-ci doit être rejetée ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de MM. A... et B...qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres le versement à MM. A...et B...d'une somme globale de 3 000 euros au titre de ces dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 22 juin 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est annulée.
Article 2 : La demande du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres au titre de l'article L. 521-3 du code de justice administrative est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres versera à MM. A...et B...une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. C... A..., à M. C... B... et au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.