Vu la procédure suivante :
L'Association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou (ADEBL) a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 avril 2011 par lequel le maire du Lavandou a accordé à l'EURL GB un permis de construire en vue de la réalisation d'un immeuble et d'une villa. Par un jugement nos 1101804, et 1100034 du 1er mars 2012, le tribunal administratif a annulé cet arrêté.
Par un arrêt n° 12MA01726 du 19 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur l'appel de la commune du Lavandou et de l'EURL GB, annulé les articles 2 et 3 de ce jugement et rejeté la demande d'annulation du permis de construire présentée par l'association devant le tribunal administratif de Toulon et le surplus des conclusions dont elle était saisie.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 février, 19 mai 2014 et 5 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ADEBL demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Lavandou et de l'EURL GB la somme de 4 000 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code forestier ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Françoise Guilhemsans, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la société EURL GB et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune du Lavandou ;
1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages et, dans les départements d'outre-mer, les récifs coralliens, les lagons et les mangroves. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 146-1 du même code : " En application du premier alinéa de l'article L. 146-6 sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : (...) / b) Les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares (...) " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notamment des nombreuses photographies et plans qui y sont joints que les parcelles formant le terrain d'assiette du projet litigieux, dominant le rivage de la mer, sont situées au sud d'une vaste zone naturelle boisée classée en zone IND du plan local d'urbanisme et grevée d'une servitude d'espace boisé classé, sur les contreforts du site exceptionnel du massif des Maures ; que ce terrain était, à la date de l'arrêté délivrant le permis de construire attaqué, couvert d'un boisement dense, caractéristique de ce massif, composé principalement de chênes-lièges et se différenciant de la végétation plus clairsemée des parcelles avoisinantes ; que si la cour a relevé que le terrain en cause avait fait l'objet d'une autorisation de défrichement, cette circonstance, postérieure à la décision contestée, ne saurait être utilement invoquée pour apprécier la légalité de ce permis ; qu'enfin, si la cour a relevé que cette parcelle était la dernière non construite du secteur dans lequel elle s'insère, cette circonstance ne pouvait faire par elle-même obstacle à ce qu'elle soit regardée, eu égard à ses caractéristiques intrinsèques, comme un espace remarquable au sens de l'article L. 146-6 ; que, dans ces conditions, en jugeant que le siège des constructions litigieuses ne pouvait être regardé comme un espace remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel du littoral, au sens des dispositions des articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l'urbanisme, alors même que le terrain en cause est bordé sur deux côtés de terrains construits, qu'il est séparé de la mer, située à quelque 700 mètres, par une zone résidentielle et constitue la dernière emprise vierge de constructions du secteur UD du plan d'occupation des sols dans lequel il s'insère, la cour a inexactement qualifié les faits de la cause ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'association requérante est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Lavandou et de l'EURL GB la somme de 2 000 euros chacune, qui sera versée à l'Association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle, à ce qu'une somme soit mise au même titre à la charge de l'association requérante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 19 décembre 2013 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : La commune du Lavandou et l'EURL GB verseront chacune une somme de 2 000 euros à l'Association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune du Lavandou au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou, à la commune du Lavandou et à l'EURL GB.