Vu la procédure suivante :
Le ministre de l'éducation nationale a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etablissement français du sang (EFS) à lui rembourser les prestations versées à l'un de ses agents, contaminé par le virus de l'hépatite C lors d'une transfusion sanguine. Par deux jugements n° 1205390/6-1 des 23 avril 2013 et 4 septembre 2013, le tribunal administratif a condamné l'EFS à verser à l'Etat la somme de 60 797,69 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (CPAM) la somme de 5 709,21 euros.
Par un arrêt n° 13PA04096 du 5 juin 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel de l'EFS contre ces jugements.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août et 5 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Etablissement français du sang demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;
- la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, notamment son article 72 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Manon Perrière, auditeur,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Etablissement français du sang, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des affections nosocomiales, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de la société Covea Risks ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., professeur d'éducation physique, a été hospitalisé le 15 mars 1987 à l'hôpital Cochin à Paris et y a reçu des transfusions sanguines ; que sa contamination par le virus de l'hépatite C a été diagnostiquée en 1994 et imputée à ces transfusions ; que, saisi d'un recours subrogatoire du ministre de l'éducation nationale et de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris agissant en leur qualité de tiers payeurs, le tribunal administratif de Paris a, par un jugement du 4 septembre 2013, condamné l'Etablissement français du sang (EFS), venu aux droits et obligations du fournisseur des produits transfusés, à leur rembourser les prestations qu'ils avaient servies à la victime ; que l'EFS se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 juin 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a confirmé ce jugement ; qu'il soutient que la cour a commis une erreur de droit en prononçant sa condamnation alors qu'elle n'avait pas constaté l'existence d'une faute du fournisseur des produits sanguins, à l'origine du dommage ;
2. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et du I de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en responsabilité civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, ainsi que des articles 28 et 29 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, que les tiers payeurs qui ont versé des prestations à la victime d'un dommage corporel disposent d'un recours subrogatoire contre l'auteur de l'accident ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui en vertu de l'article 72 de cette loi est applicable aux actions juridictionnelles introduites à compter du 1er juin 2010 : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa " ; que ces dispositions rendent applicables à l'indemnisation des victimes la première phrase du premier alinéa de l'article L. 3122-4 du même code, aux termes de laquelle : " L'office est subrogé, à due concurrence des sommes versées dans les droits que possède la victime contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes " ; qu'en revanche elles ne rendent pas applicable la seconde phrase du même alinéa, aux termes de laquelle : " Toutefois, l'office ne peut engager d'action au titre de cette subrogation que lorsque le dommage est imputable à une faute " ;
4. Considérant, enfin, qu'aux termes des septième et huitième alinéas du même article L. 1221-14 du code de la santé publique, également dans sa rédaction issue de la loi du 17 décembre 2012 : " Lorsque l'office a indemnisé une victime, il peut directement demander à être garanti des sommes qu'il a versées par les assureurs des structures reprises par l'Etablissement français du sang en vertu du B de l'article 18 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire de produits destinés à l'homme, de l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2000-1353 du 30 décembre 2000) et de l'article 14 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine, que le dommage subi par la victime soit ou non imputable à une faute. / L'office et les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'Etablissement français du sang, venu aux droits et obligations des structures mentionnées à l'avant-dernier alinéa, si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré " ;
5. Considérant que les tiers payeurs qui ont versé des prestations à la victime d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite B ou C ou par le virus T-lymphotropique humain peuvent, sur le fondement des dispositions citées au point 2, exercer un recours subrogatoire contre l'EFS en sa qualité de fournisseur des produits sanguins à l'origine du dommage ou d'héritier des obligations du fournisseur de ces produits ; qu'il résulte des dispositions du huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique que ce recours, de même que celui qui est ouvert à l'office mentionné à l'article L. 1142-22 du même code lorsqu'il a indemnisé la victime, est soumis à la condition que l'établissement de transfusion sanguine soit assuré, que sa couverture d'assurance ne soit pas épuisée et que le délai de validité de cette couverture ne soit pas expiré ; qu'en revanche, aucune disposition ne subordonne l'exercice du recours subrogatoire à l'existence d'une faute du fournisseur des produits sanguins ; que la responsabilité de ce fournisseur s'est trouvée engagée du seul fait que les produits transfusés étaient porteurs d'un agent infectieux ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que, même en l'absence de faute à l'origine du dommage, le ministre de l'éducation nationale et la CPAM de Paris étaient en droit d'exercer une action subrogatoire contre l'EFS ; que cet établissement n'est, par suite, pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EFS la somme de 3 000 euros à verser à la CPAM de Paris au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'Etablissement français du sang est rejeté.
Article 2 : L'Etablissement français du sang versera la somme de 3 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Etablissement français du sang, à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.
Copie en sera adressée à la société Covea Risks, à M. B...A...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.