Vu la procédure suivante :
M. P... O..., M. I...M..., M. K...L..., M. N... A..., M. E... H..., d'une part, Mme J...F..., M. B...D...et Mme G...C..., d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 avril 2014 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral établi par la société Solairedirect fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi.
Par un jugement n° 1409015, 1409070 du 2 septembre 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 14PA04400, 14PA04410 du 22 janvier 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté les appels formés, d'une part, par M. O... et autres et, d'autre part, par Mme F...et autres, contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mars et 24 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, MM. O..., M..., A..., L...et H...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté leur appel ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie Baron, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de M.O..., et autres et à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de la société Solairedirect ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Solairedirect a soumis à l'administration, le 21 février 2014, une demande d'homologation d'un document unilatéral fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi pour un projet de licenciement collectif concernant soixante dix salariés ; que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a rejeté cette demande par une décision du 7 mars 2014 ; que, saisi d'une nouvelle demande par la société Solairedirect le 31 mars 2014, le même directeur régional a, par une décision du 3 avril 2014, homologué ce nouveau document unilatéral ; que MM.O..., M..., A..., L...etH..., d'une part, et MmeF..., M. D...et MmeC..., d'autre part, ont demandé l'annulation de cette décision au tribunal administratif de Paris, qui a rejeté leurs demandes par un jugement du 2 septembre 2014 ; que MM.O..., M..., A..., L...et H...se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 22 janvier 2015 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il a rejeté leur appel formé contre ce jugement ;
Sur le droit applicable :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre " ; qu'il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L. 1233-57-3 du même code que, saisie par l'employeur de la demande d'homologation du document fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient notamment à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise a été régulière ;
3. Considérant, en premier lieu, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise sur un projet de licenciement pour lequel l'employeur doit établir un plan de sauvegarde de l'emploi est fixée, sous réserve des dispositions de l'article L. 1233-58 du code du travail relatif aux entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, par l'article L. 1233-30 du même code, qui dispose que : " I.- (...) l'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif (...) Le comité d'entreprise tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours. (...) Le comité d'entreprise rend ses deux avis dans un délai qui ne peut être supérieur, à compter de la date de sa première réunion au cours de laquelle il est consulté sur les 1° et 2° du I, à : / 1° Deux mois lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent (...) " ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2325-35 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix :/ (...) 5° Lorsque la procédure de consultation pour licenciement économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours, prévue à l'article L. 1233-30 du code du travail, est mise en oeuvre ; (...)/ II. Le comité peut également mandater un expert-comptable afin qu'il apporte toute analyse utile aux organisations syndicales pour préparer les négociations prévues aux articles L. 5125-1 et L. 1233-24-1. Dans ce dernier cas, l'expert est le même que celui désigné en application du 5° du I " ; qu'en vertu des articles L. 2325-36 et L. 2325-37 du même code, l'expert-comptable désigné au titre des dispositions de l'article L. 2325-35 a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes pour opérer toute vérification ou tout contrôle portant sur les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; que l'article L. 2325-39 dispose qu'il a libre accès dans l'entreprise ; que l'article L. 2325-40 dispose qu'il est rémunéré par l'entreprise ;
5. Considérant, enfin, que l'article L. 1233-34 du code du travail dispose que : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le comité d'entreprise peut recourir à l'assistance d'un expert-comptable en application de l'article L. 2325-35. Le comité prend sa décision lors de la première réunion prévue à l'article L. 1233-30 (...) " ; que l'article L. 1233-35 du même code dispose que : " L'expert désigné par le comité d'entreprise demande à l'employeur, au plus tard dans les dix jours à compter de sa désignation, toutes les informations qu'il juge nécessaires à la réalisation de sa mission. L'employeur répond à cette demande dans les huit jours. Le cas échéant, l'expert demande, dans les dix jours, des informations complémentaires à l'employeur, qui répond à cette demande dans les huit jours à compter de la date à laquelle la demande de l'expert est formulée. / L'expert présente son rapport au plus tard quinze jours avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 1233-30 " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 1233-3-1 du même code : " Lorsque l'expert du comité d'entreprise est saisi, l'absence de remise du rapport mentionné à l'article L. 1233-35 ne peut avoir pour effet de reporter le délai prévu à l'article L. 1233-30 " ; qu'il résulte de ces dispositions, ainsi que de celles citées aux points 3 et 4, que, pour se faire assister d'un expert-comptable bénéficiant, en conséquence, des droits mentionnés au point 4 ainsi que de ceux qui découlent des dispositions de l'article L. 1233-35 cité ci-dessus, le comité d'entreprise doit en avoir pris la décision de principe dès la première réunion mentionnée à l'article L. 1233-30 du même code ; que, sauf circonstance de nature à justifier le report de la désignation de l'expert-comptable à une réunion ultérieure, il appartient également au comité d'entreprise de procéder, dès cette première réunion, à cette désignation ;
Sur l'application faite par la cour administrative d'appel :
6. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué que, pour écarter le moyen tiré de ce que l'employeur n'avait pas respecté, à l'égard de l'expert-comptable désigné par le comité d'entreprise de la société Solairedirect, les obligations qui lui incombaient en vertu notamment des dispositions des articles L. 1233-35 et L. 2325-37 du code du travail, la cour administrative d'appel de Paris s'est bornée à relever que cet expert n'avait pas été nominativement désigné dès la première réunion du comité d'entreprise et que les obligations en question n'étaient, par suite, pas opposables à l'employeur ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en statuant ainsi, sans rechercher si cette première réunion n'avait pas conduit le comité d'entreprise à prendre au moins la décision de principe de recourir à l'assistance d'un expert-comptable et si, dans ce cas, l'absence de désignation nominative de l'expert lors de cette même réunion n'était pas susceptible d'être justifiée par les circonstances de l'espèce, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leur pourvoi, M. O...et autres sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette leur appel ;
7. Considérant que le délai de trois mois imparti à la cour administrative d'appel pour statuer par les dispositions de l'article L. 1235-7-1 du code du travail étant expiré, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application des mêmes dispositions, de statuer immédiatement sur l'appel formé par M. O...et autres contre le jugement du 2 septembre 2014 du tribunal administratif de Paris ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les modifications introduites par l'employeur à la suite du refus d'homologation opposé le 7 mars 2014 revêtaient le caractère de simples modifications du plan de sauvegarde de l'emploi initial et ne conféraient pas au nouveau document le caractère d'un nouveau plan de sauvegarde de l'emploi ; que, par suite, la première réunion d'information et de consultation du comité d'entreprise doit être regardée comme étant celle convoquée le 9 décembre 2013, qui s'est prolongée avec le même ordre du jour les 11 et 18 décembre 2013, au cours de laquelle l'employeur a soumis au comité, pour la première fois, l'opération projetée ainsi que le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi ;
9. Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier que, lors de cette première réunion d'information et de consultation, le comité d'entreprise n'a pris aucune décision formelle de recourir à l'assistance d'un expert-comptable mais s'est borné à en approuver la faculté à titre éventuel ; que l'expert-comptable ultérieurement désigné par le comité d'entreprise ne saurait ainsi être regardé comme ayant été désigné au titre des dispositions des articles L. 1233-34 et L. 2325-35 du code du travail et comme bénéficiant, en conséquence, des droits qui découlent des dispositions citées aux points 4 et 5 ci-dessus ; que, par suite, la circonstance, à la supposer vérifiée, que cet expert-comptable aurait respecté les délais prévus par l'article L. 1233-35 du même code sans que l'employeur respecte en retour les délais prévus par cet article et n'aurait pas disposé, pour remettre son rapport, des délais prévus par le même article, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise ; que les requérants ne sont, par conséquent, pas fondés à soutenir que la décision d'homologation litigieuse serait, pour ce motif, entachée d'illégalité ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. O...et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement qu'ils attaquent, le tribunal administratif a rejeté leur demande ;
11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Solairedirect ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 22 janvier 2015 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il statue sur l'appel formé par M. O...et autres.
Article 2 : La requête de M. O...et autres présentée devant la cour administrative d'appel de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la société Solairedirect présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. P... O..., à M. I...M..., à M. K...L..., à M. N... A..., à M. E... H..., à la société Solairedirect et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.