Vu la procédure suivante :
Mme C...B..., agissant en qualité de tutrice de sa soeur, Mme A...B..., majeur protégé, a demandé à la commission départementale d'aide sociale des Yvelines d'annuler la décision du 23 janvier 2013 et la décision du 18 mars 2013 prise sur recours gracieux, par lesquelles le président du conseil général des Yvelines a refusé de renouveler la prise en charge au titre de l'aide sociale de ses frais d'hébergement et d'entretien de Mme A...B...en foyer d'accueil médicalisé. Par une décision du 4 décembre 2013, la commission départementale d'aide sociale des Yvelines a rejeté sa demande.
Par une décision n° 140161 du 19 juin 2015, la Commission centrale d'aide sociale a, à la demande de Mme C...B..., annulé la décision de la commission départementale, réformé les décisions du président du conseil général des Yvelines et renvoyé Mme A...B...devant cette autorité pour que soient fixées sa participation mensuelle et celle de l'aide sociale à ses frais d'hébergement et d'entretien pour les années 2013 à 2015 conformément aux motifs de sa décision.
Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 20 octobre, 19 novembre et 20 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Yvelines demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de MmeB... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B...le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Thoumelou, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat du département des Yvelines et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. En vertu de l'article L. 344-5 du code de l'action sociale et des familles, les frais d'hébergement et d'entretien des personnes handicapées accueillies dans un établissement tel qu'un foyer d'accueil médicalisé sont à la charge : " 1° A titre principal, de l'intéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous d'un minimum fixé par décret et par référence à l'allocation aux handicapés adultes, différent selon qu'il travaille ou non (...) ; / 2° Et, pour le surplus éventuel, de l'aide sociale sans qu'il soit tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes tenues à l'obligation alimentaire à l'égard de l'intéressé ". Aux termes de l'article L. 132-1 du même code : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire (...) ". Aux termes de l'article L. 132-3 de ce code : " Les ressources de quelque nature qu'elles soient à l'exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre (...) de l'aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien dans la limite de 90 %. Toutefois les modalités de calcul de la somme mensuelle minimum laissée à la disposition du bénéficiaire de l'aide sociale sont déterminées par décret (...) ". Enfin, selon l'article D. 344-35 du même code : " Lorsque l'établissement assure un hébergement et un entretien complet, y compris la totalité des repas, le pensionnaire doit pouvoir disposer librement chaque mois : / 1° S'il ne travaille pas, de 10 % de l'ensemble de ses ressources mensuelles et, au minimum, de 30 % du montant mensuel de l'allocation aux adultes handicapés (...) ".
2. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour déterminer si le niveau des ressources d'une personne handicapée accueillie dans un établissement tel qu'un foyer d'accueil médicalisé justifie son admission à l'aide sociale, le président du conseil général, devenu conseil départemental, doit rechercher si l'acquittement de la totalité des frais d'hébergement et d'entretien par cette personne lui permettrait de conserver la disposition du minimum de ressources prévu par l'article D. 344-35 du code de l'action sociale et des familles. Par suite, la Commission centrale d'aide sociale n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il y a lieu de tenir compte, dès l'examen de sa demande d'admission à l'aide sociale, du minimum de ressources dont la personne handicapée doit pouvoir disposer en cas d'admission.
3. Ces dispositions, qui prévoient que les personnes handicapées hébergées en établissement au titre de l'aide sociale doivent pouvoir disposer librement de 10 % de leurs ressources et, au minimum, de 30 % du montant de l'allocation aux adultes handicapés, doivent être interprétées comme devant permettre à ces personnes de subvenir aux dépenses mises à leur charge par la loi et exclusives de tout choix de gestion. Il suit de là que la contribution de 90 % prévue à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles doit être appliquée sur une assiette de ressources diminuée de ces dépenses.
4. Cependant, les sommes réclamées à un contribuable au titre des impôts fonciers sur des biens qu'il n'occupe pas et de l'impôt de solidarité sur la fortune, qui dépendent dans une large mesure de décisions prises dans la gestion de son patrimoine, ne peuvent être regardées comme des dépenses exclusives de tout choix de gestion. En les qualifiant ainsi, pour juger qu'elles devaient être déduites de l'assiette du calcul de la participation d'un bénéficiaire de l'aide sociale à ses frais d'hébergement et d'entretien au sein d'un foyer d'accueil médicalisé, la Commission centrale d'aide sociale a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que le département des Yvelines est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de la décision de la Commission centrale d'aide sociale qu'il attaque.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département des Yvelines, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par le département des Yvelines.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Commission centrale d'aide sociale du 19 juin 2015 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Commission centrale d'aide sociale.
Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département des Yvelines et à Mme C...B....
Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.