Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février et 10 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national travail, emploi, formation professionnelle CGT-Travail (SNTEFP-CGT) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note du 11 décembre 2014 du directeur général du travail et du directeur des ressources humaines du ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention n° 81 de l'Organisation internationale du travail concernant l'inspection du travail dans l'industrie et le commerce ;
- la convention n° 129 de l'Organisation internationale du travail concernant l'inspection du travail dans l'agriculture ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 ;
- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pauline Pannier, auditeur,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
1. Considérant que, par la note attaquée du 11 décembre 2014, le directeur général du travail et le directeur des ressources humaines du ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ont indiqué aux directeurs des services déconcentrés de leur ministère les attitudes à adopter à l'égard de diverses manifestations individuelles et collectives, émanant d'agents de leurs services et se déroulant en leur sein, visant à inciter les agents de contrôle à refuser certains contrôles d'entreprises ou d'établissements, à ne pas participer aux réunions de service, à utiliser indûment leur droit de retrait et d'alerte, ou à envahir ou perturber les réunions internes et les formations ;
2. Considérant que le syndicat Sud travail affaires sociales a intérêt à l'annulation de la note attaquée ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;
Sur la légalité externe de la note attaquée :
3. Considérant que la note de service attaquée n'ayant ni pour objet ni pour effet de poser une question nouvelle relative au fonctionnement de l'administration ou de conduire à des modifications des conditions de santé, de sécurité ou de travail, ses auteurs n'étaient tenus de consulter préalablement ni le comité technique ministériel ni le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du même ministère ; que le moyen tiré du défaut de consultation de ces deux instances doit, par suite, être écarté ;
Sur sa légalité interne :
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des termes mêmes de la note attaquée qu'elle n'a pour objet d'attirer l'attention de ses destinataires que sur certains aspects des procédures applicables dans les situations qu'elle envisage ; que si, par suite, elle ne reprend ni l'intégralité des dispositions législatives et réglementaires applicables dans ce type de situations ni l'ensemble des préconisations figurant dans de précédentes instructions telles que la circulaire DGAFP B9 n° 11 du 9 août 2011 sur l'application des dispositions du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 modifié relatif à l'hygiène, la sécurité et la prévention médicale dans la fonction publique, elle ne saurait être regardée comme ayant entendu écarter l'ensemble de ces dispositions ; que le moyen tiré de ce qu'elle serait, pour ce motif, entachée d'illégalité doit, dès lors et en tout état de cause, être écarté ; que, par ailleurs, le syndicat requérant n'est, en tout état de cause, fondé à soutenir ni que cette absence de rappel de l'ensemble des dispositions législatives ou réglementaires applicables serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ni que la note méconnaîtrait, pour cette raison, une " obligation de sécurité de résultat " incombant à l'administration ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que la note attaquée dispose que : " (...) Les envahissements des réunions des instances, des réunions de service ou des actions de formation ne peuvent être tolérés (...). En cas d'actions visant à perturber ou à empêcher la tenue de réunions de service, d'instances de dialogue social ou encore de sessions de regroupement et de formation (...) il convient, d'une part, d'identifier les auteurs des faits et, d'autre part, d'enclencher, par un rapport circonstancié, une procédure disciplinaire (...) " ; que, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, les actions que cherche à éviter la note, du type de celles qu'elle décrit et dont l'objet est de perturber fortement voire d'empêcher la tenue de réunions, instances de dialogue ou sessions de formation ne sauraient être regardées comme relevant de l'exercice normal d'une activité syndicale ou du droit de grève, alors même qu'elles trouveraient leur place lors d'un mouvement de grève et pour en soutenir les revendications, ou qu'elles viseraient des instances dans lesquelles siègent des représentants syndicaux ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions font obstacle à l'exercice du droit syndical et du droit de grève ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'en dressant une liste de différentes attitudes individuelles ou collectives contraires au bon fonctionnement du service et en relevant que " la continuité du service public (...) ne saurait être affectée par des initiatives individuelles qui ne peuvent en aucune manière se rattacher à l'exercice légal du droit syndical, du droit de grève ou du droit de retrait ", la note attaquée n'a apporté, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, aucune limitation à l'exercice de ces droits ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'en rappelant que les refus de participer aux réunions de service qui sont dépourvus de toute justification tenant, notamment, à l'exercice régulier du droit syndical ou du droit de grève, constituent un service non fait, la note attaquée n'a porté aucune atteinte au principe général d'indépendance des inspecteurs du travail, ni fixé de règle incompatible avec les stipulations des conventions n° 81 et n° 129 de l'Organisation internationale du travail concernant respectivement l'inspection du travail dans l'industrie et le commerce et l'inspection du travail dans l'agriculture ;
8. Considérant, enfin, qu'en rappelant l'obligation, pour les agents de contrôle, de mettre en oeuvre des priorités nationales et régionales concourant à la politique du travail, la note attaquée n'a pas eu pour objet de leur prescrire d'exercer dans un sens déterminé leur mission de contrôle de la législation du travail ; que le moyen tiré, pour ce motif, de la méconnaissance du principe général d'indépendance des inspecteurs du travail et des stipulations des conventions mentionnées au point précédent ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le syndicat requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la note qu'il attaque ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention du syndicat Sud travail affaires sociales est admise.
Article 2 : La requête du syndicat national travail, emploi, formation professionnelle CGT-Travail est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat national travail, emploi, formation professionnelle CGT-Travail, au syndicat Sud travail affaires sociales et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.