Vu la procédure suivante :
M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de lui accorder une provision de 135 000 euros à la charge, à titre principal, de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ou, à titre subsidiaire, de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille en réparation des préjudices subis lors de sa prise en charge médicale à compter du 21 novembre 2012. Par une ordonnance n° 1500952 du 8 juin 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 15MA02391 du 28 juin 2016, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. A..., annulé cette ordonnance et mis à la charge de l'ONIAM le versement au requérant, à titre de provision, d'une somme de 81 300 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2015.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 et 28 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ONIAM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M.A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'ONIAM, à Me Haas, avocat de M. A...et à Me Le Prado, avocat de l'assistance publique - Hôpitaux de Marseille ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. B...A..., qui présentait une insuffisance rénale arrivée au stade terminal, a bénéficié, le 21 novembre 2012, d'une transplantation du rein droit à l'hôpital de la Conception à Marseille, établissement dépendant de l'Assistance publique à Marseille ; qu'une infection fongique ayant été constatée à la suite de l'opération, un traitement antifongique lui a été administré le 28 novembre ; qu'une première reprise chirurgicale a dû être effectuée en urgence le lendemain ; que le surlendemain, une nouvelle intervention a été nécessaire pour explanter le transplant et réaliser un pontage artériel fémoro-fémoral croisé gauche ; que M. A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de lui accorder au titre de la réparation de ses préjudices une provision de 135 000 euros à la charge, à titre principal, de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ou, à titre subsidiaire, de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille ; que, par une ordonnance du 8 juin 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête ; que, par une ordonnance du 28 juin 2016, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille, saisi par M. A..., a annulé cette ordonnance et mis à la charge de l'ONIAM une provision de 81 300 euros ; que l'ONIAM se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;
2. Considérant que la minute de l'ordonnance attaquée a été signée par le magistrat qui l'a rendue, conformément à ce que prévoit l'article R. 742-5 du code de justice administrative ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. " ;
4. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère " ; qu'aux termes de l'article L. 1142-1-1 de ce code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) " ; qu'une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de cette prise en charge présente un caractère nosocomial au sens de ces dispositions ; que la circonstance que l'infection a été contractée à l'occasion d'une greffe d'organe ne fait pas obstacle à l'application des dispositions citées ci-dessus ;
5. Considérant, d'une part, qu'il ressort du rapport des experts désignés par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, auquel s'est référé le juge des référés, que les graves complications dont M. A...a été victime à la suite de la transplantation dont il a bénéficié le 21 novembre 2012, qui ont entraîné un taux de déficit fonctionnel permanent évalué à 30 %, ont été causées par la contamination du greffon par un germe infectieux qui soit était déjà présent dans l'organisme du donneur avant le prélèvement, soit s'est développé, en raison d'un défaut d'asepsie, dans le liquide de conservation de l'organe prélevé ; qu'en retenant que cette infection, survenue au cours ou au décours de la prise en charge du patient et qui n'était ni présente dans son organisme ni en incubation au début de celle-ci, avait revêtu un caractère nosocomial, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en en déduisant que l'existence de l'obligation à la charge de l'ONIAM présentait le caractère non sérieusement contestable exigé par les dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, il n'a entaché son ordonnance d'aucune erreur de qualification juridique ;
6. Considérant, d'autre part, qu'en jugeant qu'un organe prélevé en vue d'une transplantation ne constitue pas un produit de santé au sens du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, commis d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'ONIAM au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 000 euros à verser à M. A...au titre de ces dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'ONIAM est rejeté.
Article 2 : L'ONIAM versera à M. A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à M. B...A...et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille.