Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 7 avril, 27 juin, 28 juillet et 4 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fondation AJD - Maurice Gounon demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les commentaires administratifs publiés le 1er juillet 2015 au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) - impôts sous la référence BOI-TVA-IMM-20-10-30 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la réponse du ministre de l'économie et des finances à une question écrite de Mme A...B..., députée, publiée au Journal officiel (débats parlementaires) le 7 février 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n° 409606 du 12 juillet 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Vu la note en délibérée, enregistrée le 9 mars 2018, présentée par la fondation AJD - Maurice Gounon.
Considérant ce qui suit :
1. La fondation AJD - Maurice Gounon demande l'annulation des commentaires administratifs publiés le 1er juillet 2015 au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) - impôts sous la référence BOI-TVA-IMM-20-10-30 ainsi que de la réponse du ministre de l'économie et des finances à la question écrite de Mme A...B..., députée, publiée au Journal officiel (débats parlementaires) le 7 février 2017, en tant qu'ils interprètent la loi fiscale comme ne prévoyant pas le bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajouté de 5,5% pour les livraisons d'immeubles destinés à accueillir des mineurs et jeunes adultes présentant des difficultés d'adaptation.
Sur les conclusions dirigées contre la réponse du ministre de l'économie et des finances à la question écrite de Mme A...B... :
2. Les réponses faites par les ministres aux questions écrites des parlementaires ne constituent pas des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux, sauf lorsqu'elles comportent une interprétation par l'administration de la loi fiscale pouvant lui être opposée par un contribuable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Dès lors qu'elle se borne, d'une part, à réitérer les dispositions du 8 du I de l'article 278 sexies du code général des impôts et, d'autre part, à indiquer que ces dispositions n'ont pas vocation à être étendues à d'autres structures médico-sociales, telles que les maisons d'enfants à caractère social chargées de l'accueil des mineurs en difficulté, la réponse ministérielle attaquée ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Il suit de là que la fondation AJD - Maurice Gounon n'est pas recevable à en demander l'annulation.
Sur les conclusions dirigées contre les commentaires administratifs publiés au BOFiP :
3. Aux termes des paragraphes 40 et 50 des commentaires administratifs attaqués : " 40. La mesure concerne les établissements accueillant des personnes adultes handicapées mentionnés au 7° du I de l'article L. 312-1 du CASF (...), les établissements mentionnés au 2° du I de l'article L. 312-1 du CASF (...) et les établissements accueillant des personnes âgées mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du CASF, quel que soit le statut juridique de ces établissements. Entrent dans le champ d'application de la mesure, outre les locaux d'hébergement proprement dits, les locaux annexes tels que les parties communes et les autres locaux des établissements. / 50. L'application du taux réduit est subordonnée, quelles que soient les opérations en cause au respect des conditions fixées par la loi. Ces conditions sont soit spécifiques à certaines catégories d'établissements concernés soit communes à l'ensemble des établissements (...) ".
4. En premier lieu, la fondation requérante soutient que ces énonciations méconnaissent les principes constitutionnels d'égalité devant la loi fiscale et d'égalité devant les charges publiques, en ce qu'elles ne prévoient pas l'inclusion dans le champ du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée des livraisons de locaux d'hébergement aux autres établissements sociaux et médicaux sociaux, notamment ceux qui accueillent des mineurs ou jeunes adultes présentant des difficultés d'adaptation et des bénéficiaires de l'aide sociale à l'enfance. Ces énonciations se bornent toutefois à réitérer les dispositions du 8 du I de l'article 278 sexies du code général des impôts et le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a refusé, par une décision du 12 juillet 2017, de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la requérante dans la présente instance à l'encontre de ces dispositions. Le moyen ne peut par suite qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, la requérante soutient que la règle énoncée par les commentaires attaqués, en tant qu'elle instituerait une discrimination entre différentes catégories d'établissements non justifiée par une différence de situation, serait incompatible tant avec les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention qu'avec celles de l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
6. D'une part, toutefois, contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas des énonciations des commentaires litigieux qu'ils interprèteraient les dispositions du 8 du I de l'article 278 sexies du code général des impôts comme s'appliquant aux foyers logements de jeunes travailleurs et aux services qui se bornent à apporter une assistance à domicile aux personnes âgées ou handicapées. La fondation requérante n'est donc pas fondée à soutenir qu'elles opèreraient une différence de traitement entre ces établissements et ceux dont elle a la charge.
7. D'autre part, ces énonciations réitèrent des dispositions par lesquelles le législateur a entendu tenir compte de la situation spécifique de ceux des établissements sociaux et médico-sociaux qui, accueillant soit des personnes âgées soit des mineurs ou jeunes adultes porteurs d'un handicap, doivent réaliser des investissements importants pour offrir un hébergement et des équipements adaptés à la situation de dépendance ou de perte d'autonomie de ces personnes. Les établissements sociaux et médico-sociaux, au nombre desquels figurent ceux de la fondation requérante, qui accueillent des publics fragiles mais dont la prise en charge ne nécessite pas les mêmes adaptations, notamment en l'absence de situation de dépendance ou de perte d'autonomie, sont donc placés dans une situation différente de ceux que mentionnent ces dispositions. Il s'ensuit que la limitation, que conteste la requérante, du champ du bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée est fondée sur une différence objective de situation et ne crée aucune atteinte au principe général de non-discrimination tel qu'énoncé par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'une part, et par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, d'autre part.
8. En dernier lieu, les énonciations attaquées ayant pour seul objet de commenter les dispositions 8 du I de l'article 278 sexies du code général des impôts, la fondation requérante ne peut utilement soutenir que ces énonciations méconnaîtraient les dispositions du II de l'article L. 301-1 du code de la construction et de l'habitation, qui prévoient que " Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'existence, a droit à une aide de la collectivité pour accéder à un logement décent et indépendant ou s'y maintenir ".
9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la fondation AJD - Maurice Gounon à fins d'annulation doivent être rejetées, ainsi que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la fondation AJD - Maurice Gounon est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la fondation AJD - Maurice Gounon et au ministre de l'action et des comptes publics.