Vu la procédure suivante :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la succession illégale, de septembre 2006 à juin 2012, de contrats aidés. Par une ordonnance n° 1505972 du 30 septembre 2016, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 novembre 2016 et 1er mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code du travail ;
- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Nantes que Mme A...a été recrutée à compter du 1er septembre 2006 en qualité d'agent d'administration au sein de l'école " le Dauphin bleu " à Angles, dans le cadre de " contrats d'avenir " conclus avec l'établissement public local d'enseignement " Lycée Savary de Mauléon " des Sables-d'Olonne, renouvelés jusqu'au 30 juin 2009, puis à compter du 15 septembre 2009 en qualité d'assistante administrative aux directeurs d'école, dans le cadre d'un " contrat d'avenir " puis de " contrats uniques d'insertion - contrats d'accompagnement dans l'emploi " conclus avec le même établissement, renouvelés jusqu'au 30 juin 2012. Par un jugement du 11 juin 2012, le conseil de prud'hommes des Sables-d'Olonne, d'une part, a requalifié la relation contractuelle existant entre Mme A...et l'établissement public en contrat à durée indéterminée, en lui allouant 2 500 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat, et, d'autre part, a rejeté sa demande d'indemnité de requalification présentée sur le fondement de l'article L. 1245-2 du code du travail, en jugeant que Mme A...avait le statut d'agent contractuel de droit public et que la juridiction judiciaire n'avait pas compétence pour tirer les conséquences indemnitaires résultant de la requalification de ces contrats. Par une ordonnance du 30 septembre 2016, dont Mme A...demande l'annulation, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté, comme présentée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, la demande de la requérante tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison, d'une part, de la succession des contrats aidés en vertu desquels elle a travaillé entre septembre 2006 et juin 2012 et, d'autre part, d'agissements illégaux ayant permis de la recruter de nouveau dans le cadre d'un contrat d'avenir en septembre 2009.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 32 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles : " Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision du tribunal ".
3. Il résulte des dispositions du second alinéa de l'article L. 421-10 du code de l'éducation qu'une personne recrutée par un établissement public local d'enseignement dans le cadre de l'un des contrats de travail aidés prévus aux titres Ier à III du livre Ier de la cinquième partie législative du code du travail peut exercer ses fonctions, compte tenu des besoins, dans une ou plusieurs écoles. Selon les dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 322-4-12 puis, à la suite de la recodification de ce code, de l'article L. 5134-41 du code du travail, le " contrat d'avenir " est un contrat de travail de droit privé. Il en est de même, en vertu de l'article L. 5134-24 du code du travail, du " contrat d'accompagnement dans l'emploi ". Il appartient en principe à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture de tels contrats, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif. Il lui incombe, à ce titre, de se prononcer sur une demande de requalification de ces contrats.
4. Toutefois, d'une part, dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la convention passée, notamment, entre l'Etat et l'employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée. D'autre part, le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat, soit lorsque celui-ci n'entre en réalité pas dans le champ des catégories d'emplois, d'employeurs ou de salariés visées par le code du travail, soit lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat mais la poursuite d'une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif, au-delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Nantes que la demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la succession de contrats aidés en vertu desquels elle a travaillé entre septembre 2006 et juin 2012, dont Mme A...a saisi cette juridiction, ne met pas en cause la convention de droit public ayant servi de cadre à la passation de son contrat de travail et, en particulier, que si Mme A...a dirigé ses conclusions contre l'Etat, c'est en sa qualité de personne morale pour le compte de laquelle elle était employée afin d'exercer des fonctions au sein d'une école, ainsi que le permet l'article L. 421-10 du code de l'éducation. Il ressort de ces mêmes pièces que Mme A...était liée à l'établissement public local d'enseignement lycée Savary de Mauléon par des contrats d'avenir puis d'accompagnement dans l'emploi qui entraient dans le champ des dispositions du code du travail fixant le régime de ces contrats. Par son jugement du 11 juin 2012, le conseil de prud'hommes des Sables-d'Olonne a requalifié le contrat de Mme A...en contrat à durée indéterminée au motif que l'employeur avait manqué à son obligation de formation légalement prévue dans ces contrats. Il en résulte que si cette requalification a eu pour effet de transformer en licenciement la rupture ultérieurement intervenue au terme du contrat, elle n'a pas eu pour conséquence de placer la relation de travail en dehors du droit privé ni d'entraîner la poursuite d'une relation contractuelle entre l'établissement et la salariée au-delà du 30 juin 2012, terme du dernier contrat aidé relevant de la compétence judiciaire. En outre, à compter de cette date, ni l'établissement, ni l'inspection académique de Vendée n'ont plus confié de travail ni versé de salaire à MmeA.... En l'absence de poursuite des relations contractuelles au-delà du terme des contrats de droit privé ayant lié Mme A...à l'établissement, il apparaît, dans ces conditions et en l'état du dossier, que, dans cette mesure, le litige, relatif aux conséquences indemnitaires de la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée, ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
6. Toutefois, le conseil de prud'hommes des Sables-d'Olonne, primitivement saisi par Mme A...d'une demande relative aux conséquences indemnitaires de la requalification du contrat de travail, a, par son jugement du 11 juin 2012 passé en force de chose jugée, décliné la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour connaître du même litige.
7. En second lieu, le premier alinéa de l'article 35 du décret du 27 février 2015 dispose que : " Lorsqu'une juridiction est saisie d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence ".
8. En vertu des dispositions du second alinéa de l'article L. 5134-43 du code du travail, alors en vigueur, la durée totale du contrat d'avenir ne peut, compte tenu du ou des renouvellements, excéder trente-six mois, cette durée étant toutefois portée à cinq ans pour les titulaires âgés de plus de cinquante ans.
9. La demande de Mme A...relative aux conséquences indemnitaires des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison d'agissements illégaux ayant consisté à interrompre la succession de contrats aidés le 1er juillet 2015 pour conclure de nouveau avec elle un contrat d'avenir le 15 septembre 2009, date à laquelle elle avait alors atteint l'âge de cinquante ans, présente à juger une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et de nature à justifier le recours à la procédure prévue par l'article 35 du décret du 27 février 2015.
10. Il convient, dans ces conditions et par application des articles 32 et 35 du décret du 27 février 2015, de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur les questions de compétence ainsi soulevées et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de Mme A...jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour statuer sur cette requête.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au ministre de l'éducation nationale.