Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 septembre et 22 décembre 2016 et le 21 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée (SAS) Soufflet Agriculture et la SAS Sobra demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 16-DCC-147 du 21 septembre 2016 par laquelle l'Autorité de la concurrence a autorisé la prise de contrôle, par la société Axéréal Participations, de la société Agri-Négoce, sous réserve de l'engagement de céder six silos de collecte situés dans le département du Loir-et-Cher ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la SAS Soufflet Agriculture et de la SAS Sobra, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Axéréal participations ;
Considérant ce qui suit :
1. Les SAS Soufflet Agriculture et Sobra, qui ont notamment pour activité la collecte de grains, demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision n° 16-DCC-147 du 21 septembre 2016 par laquelle l'Autorité de la concurrence a autorisé la prise de contrôle exclusif par la société Axéréal Participations de la société Agri-Négoce qui a pour activité principale la collecte et la commercialisation de grains dans les départements d'Eure-et-Loir, du Loir-et-Cher, de l'Indre-et-Loire et de la Sarthe. Cette opération de concentration a été autorisée sous réserve de la mise en oeuvre d'engagements, pris par la société Axéréal Participations, de cession de silos à grains situés dans le département du Loir-et-Cher.
2. Il ressort des pièces du dossier qu'au terme de l'analyse concurrentielle à laquelle elle s'est livrée, l'Autorité de la concurrence a estimé que cette opération de concentration était susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le seul marché pertinent local de la collecte de céréales, protéagineux et oléagineux dans cinq zones du département du Loir-et-Cher (Averdon, Herbault, Saint-Amand-Longpré, Talcy et Villefrancoeur). Afin de pallier les effets anticoncurrentiels, la société Axéréal Participations s'est engagée à céder six silos " répartis géographiquement de manière à couvrir adéquatement le territoire de recouvrement des cinq zones locales concernées par les risques concurrentiels identifiés ", selon les termes utilisés par l'Autorité de la concurrence au point 120 de la décision attaquée. L'Autorité de la concurrence a estimé appropriés et suffisants ces engagements. Elle a, en conséquence, autorisé l'opération de concentration en cause sous réserve de leur exécution.
3. En premier lieu, les sociétés requérantes ne critiquent pas utilement la décision attaquée en faisant valoir que l'opération de concentration litigieuse a pour effet de réduire la concurrence sur le marché de la collecte de grains dans les cinq zones locales concernées, où les silos de la société Agri-Négoce étaient la seule alternative crédible, sans prendre en compte les engagements pris par les parties et au respect desquels l'Autorité de la concurrence a subordonné son autorisation pour remédier à ces effets anticoncurrentiels.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les engagements pris ont pour effet de réduire les parts de marché de la société Axéréal Participations sur les cinq zones locales concernées en les ramenant à une fourchette de 60 % à 65,5 % au lieu de 65 % à 73 %. En outre, si ces engagements laissent subsister une part de marché de 65,5 % dans la zone de Talcy, il n'est cependant pas contesté que la société Axéréal Participations y détenait déjà une part de marché de 66 % avant l'opération. Par ailleurs, la détention de telles parts de marché n'est pas de nature à caractériser, à elle-seule, l'insuffisance des engagements pris en vue de pallier les effets anticoncurrentiels de l'opération projetée et à maintenir ainsi une concurrence suffisante.
5. En troisième lieu, si un embranchement ferroviaire peut conférer un avantage concurrentiel sur le marché de la commercialisation des grains qui relève d'une logistique d'expédition, les sociétés requérantes ne fournissent aucun élément permettant d'identifier et d'apprécier les avantages qu'il serait susceptible de procurer sur le marché de la collecte des grains, seul en cause dans ce litige. La circonstance invoquée qu'aucun des silos cédés n'est relié à un embranchement ferroviaire en fonctionnement et exploitable n'est, par suite, pas de nature à établir le caractère insuffisant des engagements pris.
6. En quatrième lieu, si les sociétés requérantes font valoir que trois des six silos proposés à la cession ne seraient pas viables, le test de marché effectué, le 6 septembre 2016, par l'Autorité de la concurrence auprès des concurrents de la société Axéréal Participations a révélé que, si deux des silos proposés à la cession apparaissaient moins attractifs en raison de leur apparent état de vétusté, ils n'en étaient pas moins exploitables. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que les six silos en cause ont été effectivement cédés en cours d'instance à une société concurrente.
7. En cinquième lieu, les sociétés requérantes n'établissent pas que la prise de contrôle exclusif de la société Agri-Négoce, laquelle ne relève pas du secteur coopératif, par la société Axéréal Participations, qui en relève, aurait un effet anticoncurrentiel non pris en compte dans l'analyse concurrentielle conduite par l'Autorité de la concurrence, alors qu'elles n'apportent pas d'éléments tendant à démontrer que les secteurs coopératif et non coopératif constitueraient des marchés pertinents distincts de la collecte de céréales, protéagineux, et oléagineux dans les cinq zones locales concernées et que, au surplus, la société Agri-Négoce continue à proposer aux agriculteurs de collecter leurs grains dans les mêmes zones que précédemment.
8. En sixième lieu, si les sociétés requérantes font valoir qu'il ne ressort pas des réponses au test de marché du 3 août 2016 que les concurrents seraient en capacité d'augmenter leur activité de collecte dans les zones locales de Ternay, Thenay et Villedieu et, ainsi, d'exercer une pression concurrentielle sur la nouvelle entité issue de l'opération, il ressort des pièces du dossier qu'interrogés, dans le cadre du test de marché du 4 mai 2016, sur la question de savoir s'ils seraient en mesure d'augmenter rapidement et sans surcoût majeur leur activité de collecte dans l'hypothèse d'une baisse des prix d'achat sur le marché de la collecte, les principaux concurrents implantés dans ces zones ont répondu par l'affirmative.
9. Enfin, si les sociétés requérantes allèguent que le caractère confidentiel des engagements de cession de deux silos pris à titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une non-exécution d'engagements principaux, par la société Axéréal Participations, ne garantirait pas que ces engagements seraient de nature à pallier les effets anticoncurrentiels de l'opération, elles n'ont pas demandé à l'Autorité la levée de la confidentialité de ces engagements subsidiaires et n'apportent aucun élément de nature à mettre en cause leur aptitude à remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération. Au demeurant, comme il a déjà été dit au point 6, les engagements principaux ayant été exécutés en totalité, les engagements subsidiaires sont devenus caducs.
10. Par suite, l'Autorité de la concurrence n'a commis ni erreur d'appréciation, ni erreur de droit en estimant que les engagements pris étaient de nature à maintenir une pression concurrentielle dans les cinq zones concernées, dans leur zone de chevauchement et, par conséquent, sur l'ensemble du département du Loir-et-Cher.
11. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Axéréal Participations, les SAS Soufflet Agriculture et Sobra ne sont pas fondées à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision qu'elles attaquent.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par les SAS Soufflet Agriculture et Sobra soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge de ces sociétés le versement d'une somme de 3 000 euros à la société Axéréal Participations au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SAS Soufflet Agriculture et de la SAS Sobra est rejetée.
Article 2 : La SAS Soufflet Agriculture et la SAS Sobra verseront solidairement à la société Axéréal Participations la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article3 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Soufflet Agriculture, à la société par actions simplifiée Sobra, à l'Autorité de la concurrence, à la société Axéréal Participations et au ministre de l'économie et des finances.