Vu la procédure suivante :
M. et Mme A...et D... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés en date des 30 novembre 2012 et 18 décembre 2013 par lesquels le maire de la commune de l'île de Houat (Morbihan) a délivré à la SCI Immo 1 un permis de construire et un permis modificatif en vue de l'édification de trois logements puis deux logements sur la parcelle cadastrée section AE n° 812.
Par un jugement n° 1302249, 1402625 du 24 juin 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 16NT02954 du 16 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur appel dirigé contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 décembre 2017 et 13 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de la SCI Immo 1 et de la commune de l'île de Houat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Hoynck, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. et B..., à la SCP Foussard, Froger, avocat de la SCI Immo 1 et à la SCP Didier, Pinet, avocat de la commune de l'île de Houat ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés en date des 30 novembre 2012 et 18 décembre 2013 par lesquels le maire de la commune de l'île de Houat (Morbihan) a délivré à la SCI Immo 1 un permis de construire et un permis modificatif en vue de l'édification de trois logements, puis deux logements, sur la parcelle cadastrée section AE n° 812. Les requérants se pourvoient en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qui a rejeté leur appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Rennes qui a rejeté leurs demandes d'annulation de ces permis.
2. Si l'arrêt attaqué écarte le moyen tiré de ce que le terrain n'avait pas d'accès public ou privé à la voie publique en méconnaissance des dispositions du I de l'article UB3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune, la cour administrative d'appel n'a pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que les voies d'accès prévues pour le projet méconnaissaient les exigences de la lutte contre l'incendie et de la protection civile prévues par le II du même article.
3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. et Mme B...sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du permis de construire initial du 30 novembre 2012 :
5. En retenant qu'il ressortait des pièces du dossier et, en particulier, de l'attestation établie le 2 mai 2014 par les consorts C..., propriétaires de la parcelle AE 813, que ces derniers avaient consenti à la société SCI Immo 1 un droit de passage sur cette parcelle et qu'ainsi devait être écarté le moyen tiré de ce que le dossier de demande de permis de construire serait entaché de fraude en ce qu'il indique que le pétitionnaire dispose d'un droit de passage sur cette parcelle, les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à tous les arguments soulevés devant eux, n'ont ni omis de répondre à un moyen, ni insuffisamment motivé leur jugement, ni commis d'erreur de droit.
6. En premier lieu, eu égard, d'une part, au seul rapport de compatibilité prévu par l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme entre les documents d'urbanisme qu'il mentionne et entre ces documents et les règles spécifiques à l'aménagement et à la protection du littoral et, d'autre part, au rapport de conformité qui prévaut entre les décisions individuelles relatives à l'occupation ou à l'utilisation du sol et ces mêmes règles, la circonstance qu'une telle décision respecte les prescriptions du plan local d'urbanisme ne suffit pas à assurer sa légalité au regard des dispositions directement applicables des articles L. 146-1 et suivants de ce code.
7. Aux termes du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, alors applicable : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement (...) ". Aux termes du II du même article : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage [...] doit être justifiée et motivée, dans le plan d'occupation du sols, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. (...) ". Aux termes du III du même article : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eaux intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986. (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions, sous réserve des exceptions qu'elles prévoient, notamment pour les activités agricoles, que, dans les communes littorales, ne peuvent être autorisées, dans les zones situées en dehors des espaces déjà urbanisés, que les constructions réalisées en continuité soit avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement, et, s'agissant des espaces proches du rivage, à la condition qu'elles n'entraînent qu'une extension limitée de l'urbanisation spécialement justifiée et motivée et qu'elles soient situées en dehors de la bande littorale des cent mètres à compter de la limite haute du rivage. Ne peuvent déroger à l'interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu'ils n'entraînent pas une densification significative de ces espaces.
9. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet litigieux est situé, au nord de l'île de Houat, en bordure du littoral, dans une zone qui ne constitue pas, eu égard au nombre et à la faible densité d'habitations qui la caractérise, un espace déjà urbanisé, au sens du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme précité. Ce terrain se trouve néanmoins en continuité d'un ensemble d'habitations qui doit être regardé comme constituant une agglomération, au sens du I du même article. Il s'ensuit que les constructions litigieuses pouvaient légalement y être autorisées dans la seule limite du respect de la bande littorale des cent mètres. Or, s'il ressort des pièces du dossier et, notamment des photographies aériennes qui y ont été versées, que la limite nord de la parcelle AE n° 812 est distante de moins de cent mètres de la limite haute du rivage, la construction litigieuse, implantée en retrait de 4 mètres de la limite nord de cette parcelle, est située à l'extérieur de la bande littorale de cent mètres. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des I et III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme doit être écarté.
10. En deuxième lieu, l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme, alors en vigueur et dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article L. 121-31 du même code, dispose que : " Les propriétés riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de trois mètres de largeur d'une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons ". Si la servitude de passage longitudinale sur les propriétés riveraines du domaine public maritime ainsi instituée a pour objet d'instaurer un droit de passage réservé aux piétons, elle peut en outre avoir pour effet, dans certaines circonstances, d'assurer la desserte d'une parcelle.
11. Il ressort des pièces du dossier que la SCI Immo 1 a acquis une parcelle cadastrée AE n° 54 contigüe au terrain d'assiette du permis de construire litigieux, lui permettant d'accéder au chemin côtier, dit " chemin des douaniers ", situé directement à l'extrémité de cette parcelle. Dans les circonstances de l'espèce et eu égard aux particularités de l'île de Houat, notamment à la quasi-absence de véhicules motorisés autorisés à y circuler, ce chemin côtier doit être regardé comme assurant une desserte suffisante de la parcelle litigieuse, conformément aux exigences du I de l'article UB 3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune, aux termes duquel : " Accès - Pour être constructible, un terrain doit avoir un accès à une voie publique ou privée, soit directement soit par l'intermédiaire d'un droit de passage acquis sur un fonds voisin. Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique ".
12. La circonstance alléguée que la SCI Immo 1 aurait fait réaliser un cheminement artificiel au travers de cette parcelle AE n° 54 au moyen d'un remblaiement de ce terrain contraire aux prescriptions du nouveau document local d'urbanisme, adopté le 10 février 2017, doit, en tout état de cause, être écarté dès lors qu'elle est sans incidence sur la légalité des autorisations de construire délivrées avant son adoption et qui, en outre, ne portaient pas sur la réalisation de tels travaux.
13. En troisième lieu, l'autorité compétente et, en cas de recours, le juge administratif saisi d'un moyen en ce sens, doivent s'assurer qu'une ou plusieurs voies d'accès au terrain d'assiette du projet pour lequel un permis de construire est demandé permettent de satisfaire aux exigences posées par les règles d'urbanisme relatives à l'accès des engins d'incendie et de secours. Pour apprécier les possibilités d'accès de ces services au terrain d'assiette, il appartient seulement à l'autorité compétente et au juge de s'assurer que les caractéristiques physiques d'une voie d'accès permettent l'intervention de leurs engins, la circonstance que cette voie ne serait pas ouverte à la circulation publique ou grevée d'une servitude de passage étant sans incidence.
14. Aux termes du II de l'article UB 3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune : " Voirie - Les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies publiques et privées doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent ou aux opérations qu'elles doivent desservir ; - Les voies doivent présenter des caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la sécurité des usagers, de la lutte contre l'incendie et de la protection civile ". Il ressort des pièces du dossier qu'en cas de sinistre survenu sur le terrain d'assiette du projet, les pompiers seraient en mesure d'y accéder depuis la rue du Port, située à 66 mètres et sur laquelle se trouve une bouche à incendie, en empruntant le cas échéant des voies privées, sans incidence sur ce point étant la contestation de l'existence d'un droit de passage au profit du pétitionnaire. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le permis de construire litigieux aurait été délivré en méconnaissance des dispositions précitées du II de l'article UB 3 du règlement du plan d'occupation des sols de l'île de Houat doit être écarté.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du permis de construire modificatif du 18 décembre 2013 :
15. Il ressort des pièces du dossier que le seul objet du permis de construire modificatif a été, comme l'a relevé le tribunal administratif, de modifier la façade Est du projet, tout en supprimant un escalier extérieur et un abri maçonné, et en créant deux nouvelles lucarnes ainsi que deux cheminées, le projet ne comportant désormais plus que deux logements au lieu des trois initialement envisagés. Aucun des moyens d'annulation soulevés en appel par les requérants n'est articulé à l'encontre des vices propres dont serait entaché ce permis modificatif. Il s'ensuit que ces moyens sont inopérants et doivent être écartés pour ce motif.
16. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée en défense, M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 24 juin 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.
17. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. et Mme B...le versement à la SCI Immo 1, d'une part, et à la commune de l'île de Houat, d'autre part, d'une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SCI Immo 1 et de la commune de l'île de Houat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 16 octobre 2017 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : La requête d'appel de M. et Mme B...et le surplus de leurs conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 3 : M et Mme B...verseront une somme de 1 000 euros à la SCI Immo 1 et une somme de 1 000 euros à la commune de l'île de Houat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...et D... B..., à la commune de l'île de Houat et à la SCI Immo 1.