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16/10/2024 | FRANCE | N°476331

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 16 octobre 2024, 476331


Vu la procédure suivante :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions des 30 novembre 2017 et 13 janvier 2020 par lesquelles le maire d'Estrée-Blanche (Pas-de-Calais) a rejeté ses demandes tendant au versement de l'aide au retour à l'emploi à compter du 1er avril 2016, ainsi que d'enjoindre à la commune de lui accorder le bénéfice de l'aide au retour à l'emploi à compter du 1er avril 2016. Par un jugement n° 2002218 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.



Par une ordonnance n° 23DA00952 du 24 juillet 2023, enregistrée le 26 juillet...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions des 30 novembre 2017 et 13 janvier 2020 par lesquelles le maire d'Estrée-Blanche (Pas-de-Calais) a rejeté ses demandes tendant au versement de l'aide au retour à l'emploi à compter du 1er avril 2016, ainsi que d'enjoindre à la commune de lui accorder le bénéfice de l'aide au retour à l'emploi à compter du 1er avril 2016. Par un jugement n° 2002218 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Par une ordonnance n° 23DA00952 du 24 juillet 2023, enregistrée le 26 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 24 mai 2023 au greffe de cette cour, présenté par Mme A....

Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistré le 20 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- l'arrêté du 25 juin 2014 portant agrément de la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage et les textes qui lui sont associés ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Capron, avocat de Mme A... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune d'Estrée-Blanche ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., adjointe technique territoriale de 2ème classe employée par la commune d'Estrée-Blanche, a fait l'objet, le 28 janvier 2016, d'un avis du comité médical favorable à la reconnaissance de son inaptitude absolue et définitive à l'exercice de toutes fonctions. Par un arrêté du 25 mars 2016, le maire d'Estrée-Blanche l'a licenciée pour inaptitude physique et radiée des effectifs de la commune à compter du 1er avril 2016. Mme A... a été inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi le 7 avril 2016, Pôle emploi lui précisant par un courrier du 29 avril 2016 que sa demande de versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi relevait de la compétence de la seule commune d'Estrée-Blanche, dès lors qu'elle avait travaillé exclusivement pour cette commune et que celle-ci assurait elle-même la charge et la gestion de l'allocation d'assurance de ses agents en application de l'article L. 5424-2 du code du travail. Par un courrier du 24 novembre 2017, Mme A... a sollicité de la commune le versement de l'aide au retour à l'emploi, que le maire d'Estrée-Blanche lui a refusé par une décision du 30 novembre 2017. Par un courrier du 13 décembre 2019, Mme A... a de nouveau demandé au maire d'Estrée-Blanche de lui verser les allocations d'aide au retour à l'emploi qu'elle estimait lui être dues. Par une décision du 13 janvier 2020, le maire a rejeté sa demande. Mme A... se pourvoit en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Lille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 30 novembre 2017 et 13 janvier 2020 et à ce qu'il soit enjoint à la commune de lui accorder le bénéfice de l'aide au retour à l'emploi à compter du 1er avril 2016.

Sur le jugement, en tant qu'il rejette la demande d'annulation de la décision du 30 novembre 2017 :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

4. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant, après avoir relevé que la décision du 30 novembre 2017 avait été notifiée à Mme A... le 2 décembre suivant sans être revêtue de la mention des voies et délais de recours, de sorte que le délai de deux mois fixé par l'article R. 421-1 du même code ne lui était pas opposable, que la règle énoncée au point précédent trouvait néanmoins à s'appliquer à sa demande d'annulation de cette décision, laquelle ne saurait, contrairement à ce qu'elle soutient, être regardée comme un recours de pleine juridiction formé par un agent public pour réclamer une créance de rémunération qu'il estime détenir sur une personne publique, pour en déduire qu'elle l'avait présentée devant le tribunal administratif, le 30 mars 2020, à une date excédant le délai raisonnable, d'un an en l'absence de circonstances particulières, dans lequel ce recours pouvait être exercé, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit.

Sur le jugement, en tant qu'il rejette la demande d'annulation de la décision du 13 janvier 2020 :

5. L'article L. 5421-1 du code du travail dispose que " les personnes aptes au travail et recherchant un emploi ont droit à un revenu de remplacement dans les conditions fixées au présent titre ", le 1° de l'article L. 5421-2 de ce code prévoyant que ce revenu de remplacement peut prendre la forme d'une allocation d'assurance. En application des dispositions de l'article L. 5424-1 du même code, les fonctionnaires et agents des employeurs publics désignés par cet article, notamment les agents titulaires des collectivités territoriales, ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions prévues aux articles L. 5422-2 et L. 5422-3 du code du travail, qui portent sur la durée d'indemnisation et le calcul de l'allocation.

6. L'article L. 5422-4 du code du travail prévoit que la demande en paiement de l'allocation d'assurance est déposée auprès de Pôle emploi, devenu l'opérateur France Travail, par le travailleur privé d'emploi " dans un délai de deux ans à compter de sa date d'inscription comme demandeur d'emploi " et que l'action en paiement " est précédée du dépôt de la demande en paiement. Elle se prescrit par deux ans à compter de la date de notification de la décision prise " par Pôle emploi. Aux termes du paragraphe 1er de l'article 46 du règlement général annexé à la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage, agréé par arrêté du 25 juin 2014 : " Le délai de prescription de la demande en paiement des allocations est de 2 ans suivant la date d'inscription comme demandeur d'emploi " et aux termes de son article 47 : " L'action en paiement des allocations ou des autres créances visées à l'article 46, qui doit être obligatoirement précédée du dépôt de la demande mentionnée à cet article, se prescrit par 2 ans à compter de la date de notification de la décision ".

7. Il résulte de ces dispositions que les règles législatives de prescription citées au point 6 s'appliquent également aux demandes en paiement d'allocations d'assurance introduites par les fonctionnaires et agents des employeurs publics désignés par l'article L. 5424-1 du code du travail dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec les règles gouvernant l'emploi de ces personnes, sans qu'y fassent obstacle, lorsque ces allocations sont dues par une personne publique mentionnée à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, les dispositions de cet article prévoyant la prescription quadriennale des créances sur ces personnes publiques, lesquelles s'appliquent " sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi ".

8. Il s'ensuit que le tribunal administratif de Lille n'a pas commis d'erreur de droit en faisant application à la demande en paiement d'allocations de Mme A..., alors même qu'était en cause une créance de la commune, du délai de prescription de deux ans prévu par les dispositions citées au point 6.

9. Enfin, Mme A... ne saurait utilement soutenir que le tribunal administratif, qui a appliqué les règles de prescription de la demande en paiement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi et non celles relatives à la prescription de l'action en paiement, aurait commis une erreur de droit quant au point de départ de la prescription de l'action en paiement des allocations en retenant la date d'inscription du travailleur comme demandeur d'emploi et non la date de notification de la décision prise par Pôle emploi sur la demande de paiement et en se fondant sur une date antérieure à celle de l'exigibilité des créances, qui sont dues chaque mois.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle conteste. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être également rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Estrée-Blanche au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme A... est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Estrée-Blanche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la commune d'Estrée-Blanche.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 octobre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Vincent Mazauric, M. Edouard Geffray, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Cyril Noël, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 16 octobre 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Cyril Noël

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 476331
Date de la décision : 16/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CESSATION DE FONCTIONS - LICENCIEMENT - ALLOCATION POUR PERTE D'EMPLOI - ALLOCATION D'ASSURANCE-CHÔMAGE VERSÉE AUX AGENTS INVOLONTAIREMENT PRIVÉS D'EMPLOI (ART - L - 5424-1 DU CODE DU TRAVAIL) – PRESCRIPTION APPLICABLE À UNE DEMANDE EN PAIEMENT – PRESCRIPTION BIENNALE (ART - L - 5422-4).

36-10-06-04 Les règles législatives de prescription de l’article L. 5422-4 du code du travail s’appliquent également aux demandes en paiement d’allocations d’assurance introduites par les fonctionnaires et agents des employeurs publics désignés par l’article L. 5424-1 du code du travail dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec les règles gouvernant l’emploi de ces personnes, sans qu’y fassent obstacle, lorsque ces allocations sont dues par une personne publique mentionnée à l’article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, les dispositions de cet article prévoyant la prescription quadriennale des créances sur ces personnes publiques, lesquelles s’appliquent « sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi ».

TRAVAIL ET EMPLOI - POLITIQUES DE L'EMPLOI - INDEMNISATION DES TRAVAILLEURS PRIVÉS D'EMPLOI - FONCTIONNAIRES ET AGENTS DES EMPLOYEURS PUBLICS DÉSIGNÉS PAR L’ARTICLE L - 5424-1 DU CODE DU TRAVAIL – PRESCRIPTION APPLICABLE À UNE DEMANDE EN PAIEMENT – PRESCRIPTION BIENNALE (ART - L - 5422-4).

66-10-02 Les règles législatives de prescription de l’article L. 5422-4 du code du travail s’appliquent également aux demandes en paiement d’allocations d’assurance introduites par les fonctionnaires et agents des employeurs publics désignés par l’article L. 5424-1 du code du travail dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec les règles gouvernant l’emploi de ces personnes, sans qu’y fassent obstacle, lorsque ces allocations sont dues par une personne publique mentionnée à l’article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, les dispositions de cet article prévoyant la prescription quadriennale des créances sur ces personnes publiques, lesquelles s’appliquent « sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi ».


Publications
Proposition de citation : CE, 16 oct. 2024, n° 476331
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyril Noël
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP CAPRON ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:476331.20241016
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