Vu les procédures suivantes :
I. Sous le n° 476000, la société Accorinvest a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 342 233 euros, correspondant à la contribution tarifaire d'acheminement dont elle a supporté le coût au titre des années 2016 à 2018. Par une ordonnance n° 2006691 du 26 avril 2021, la présidente de la 1ère section de ce tribunal a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Par un arrêt n° 21PA03373 du 17 mai 2023, la cour administrative d'appel de Paris, saisie de l'appel formé par la société Accorinvest, a annulé cette ordonnance et, statuant par la voie de l'évocation, rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 juillet et 17 octobre 2023 et le 8 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Accorinvest demande au Conseil d'Etat :
1°) à titre principal, d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation du paragraphe 2 de l'article 1er de la directive 2008/118/CE du 16 décembre 2008 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II. Sous le n° 476009, la Société générale a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 678 363 euros, correspondant à la contribution tarifaire d'acheminement dont elle a supporté le coût au titre des années 2017 et 2018. Par une ordonnance n° 2006804 du 26 avril 2021, la présidente de la 1ère section de ce tribunal a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Par un arrêt n° 21PA03378 du 17 mai 2023, la cour administrative d'appel de Paris, saisi de l'appel formé par la Société générale, a annulé cette ordonnance et, statuant par la voie de l'évocation, rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 juillet et 17 octobre 2023 et le 8 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société générale demande au Conseil d'Etat :
1°) à titre principal, d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation du paragraphe 2 de l'article 1er de la directive 2008/118/CE du 16 décembre 2008 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 ;
- la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'énergie ;
- la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;
- le décret n° 2005-123 du 14 février 2005 ;
- le décret n° 2017-1204 du 28 juillet 2017 ;
- la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 3 avril 2013 portant décision relative aux tarifs d'utilisation d'un réseau public d'électricité dans le domaine de tension HTB ;
- la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du
12 décembre 2013 portant décision relative aux tarifs d'utilisation d'un réseau public d'électricité dans le domaine de tension HTA ou BT ;
- la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du
17 novembre 2016 portant décision sur les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité dans le domaine de tension HTB ;
- la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du
17 novembre 2016 portant décision sur les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité dans les domaines de tension HTA et BT ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Pau, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, Bonichot et associés, avocat de la société Accorinvest et de la société Générale ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Accorinvest et la Société générale ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à leur verser une indemnité correspondant à la contribution tarifaire d'acheminement qu'elles estiment avoir indûment acquittée au titre, respectivement, des années 2016 à 2018 et 2017 et 2018. Par deux ordonnances du 26 avril 2021, la présidente de la 1ère section du tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. La société Accorinvest et la Société générale se pourvoient en cassation contre les arrêts du 17 mai 2023 par lesquels la cour administrative d'appel de Paris a annulé ces ordonnances et, statuant par la voie de l'évocation, rejeté les demandes présentées par la société Accorinvest et par la Société générale devant le tribunal.
Sur le cadre juridique :
En ce qui concerne le droit de l'Union européenne :
3. Aux termes de l'article 1er de la directive 2008/118/CE du Conseil du
16 décembre 2008 relative au régime général d'accise et abrogeant la directive 92/12/CEE, alors en vigueur : " 1. La présente directive établit le régime général des droits d'accise frappant directement ou indirectement la consommation des produits suivants, ci-après dénommés " produits soumis à accise " : / a) les produits énergétiques et l'électricité relevant de la directive 2003/96/CE (...). / 2. Les Etats membres peuvent, à des fins spécifiques, prélever des taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation communautaires applicables à l'accise ou à la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d'imposition, le calcul, l'exigibilité et le contrôle de l'impôt (...). / 3. Les Etats membres peuvent prélever des taxes sur : / a) les produits autres que les produits soumis à accise ; / b) les prestations de services, y compris celles relatives aux produits soumis à accise, n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires (...) ".
4. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne relative à la notion de " taxes indirectes supplémentaires ", au sens de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE, cité au point 3, en particulier de l'arrêt du 4 juin 2015, Kernkraftwerke Lippe-Ems GmbH du 4 juin 2015 (C-5/14), que cette disposition, qui vise à tenir compte de la diversité des traditions fiscales des Etats membres en la matière et du recours fréquent aux impositions indirectes pour la mise en œuvre de politiques non budgétaires, permet aux Etats membres d'établir, en sus de l'accise minimale, d'autres impositions indirectes poursuivant une finalité spécifique. Il s'ensuit que la notion de " taxes indirectes supplémentaires ", au sens de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE, vise les taxes indirectes qui frappent la consommation des produits énumérés à l'article 1er, paragraphe 1, de cette directive, autres que les " droits d'accise ", au sens de cette dernière disposition, et qui sont prélevées à des fins spécifiques. Dès lors, afin de déterminer si une imposition est susceptible de relever de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE, il convient de vérifier si cet impôt constitue une taxe indirecte frappant directement ou indirectement la consommation d'un produit soumis à accise.
5. Il ressort également de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, en particulier de son arrêt du 10 juin 1999, Braathens Sverige AB (C-346/97), que tel est le cas lorsqu'il existe un lien direct et indissociable entre un tel impôt et la consommation du produit soumis à accise.
En ce qui concerne le droit national :
S'agissant de la contribution tarifaire sur les prestations de transport et de distribution d'électricité, dite contribution tarifaire d'acheminement :
6. Aux termes de l'article 18 de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières : " I. - Il est institué au profit de la Caisse nationale des industries électriques et gazières une contribution tarifaire sur les prestations de transport et de distribution d'électricité (...) / II. - Cette contribution tarifaire est due : / 1° Pour l'électricité : / a) Par les gestionnaires des réseaux publics de transport ou de distribution qui la perçoivent, en addition du tarif d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution, (...) auprès des consommateurs (...), avec lesquels ces gestionnaires ont conclu un contrat d'accès au réseau ; / b) Par les fournisseurs d'électricité qui la perçoivent en addition de leur prix de vente auprès des consommateurs (...), lorsque ces fournisseurs ont conclu un contrat d'accès aux réseaux (...) pour alimenter ces consommateurs ; / c) Par les fournisseurs d'électricité qui la perçoivent en addition des tarifs de vente (...) / III. - La contribution tarifaire est assise : / 1° Pour l'électricité : / - sur la part fixe hors taxes du tarif d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité lorsque la contribution tarifaire est due en application du a du 1° du II ; / - sur la part fixe hors taxes de la part relative à l'utilisation des réseaux, comprise dans le prix de vente de l'électricité, lorsque la contribution tarifaire est due en application du b du 1° du II ; / - sur la part fixe hors taxes de la part relative à l'utilisation des réseaux, comprise dans les tarifs réglementés de vente de l'électricité, lorsque la contribution tarifaire est due en application du c du 1° du II (...). / (...) / IV.- La contribution tarifaire est due, à raison des contrats conclus par les personnes mentionnées au II pour la réalisation des prestations mentionnées au I, lors de l'encaissement des acomptes ou du prix par le redevable ou, sur option de ce dernier, au moment du débit ; dans ce cas, elle est due en tout état de cause lors de l'encaissement des acomptes ou du prix s'il précède le débit. / (...) / VII. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article ".
7. Aux termes de l'article 1er du décret du 14 février 2005 relatif à la contribution tarifaire sur les prestations de transport et de distribution d'électricité et de gaz naturel, dans sa rédaction antérieure au décret du 28 juillet 2017 relatif à la contribution tarifaire sur les prestations de transport et de distribution d'électricité et de gaz naturel : " I.- La part fixe hors taxes du tarif d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, mentionnée au 1° du III de l'article 18 de la loi du 9 août 2004 susvisée, est constituée de la somme des termes suivants : / - la composante annuelle de gestion telle que définie par la décision approuvant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en vigueur ; / - la composante annuelle de comptage telle que définie par la décision approuvant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en vigueur ; / - la part fixe de la composante annuelle des soutirages (...) ; / - la part fixe de la composante annuelle des alimentations complémentaires et de secours (...) ". Le II de ce même article précise le calcul de la part fixe de la composante annuelle des soutirages en fonction du niveau de tension, en se référant aux décisions approuvant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en vigueur. Son III précise que " la part fixe de la composante annuelle des alimentations complémentaires et de secours est constituée de la composante annuelle des alimentations complémentaires et de secours telle que définie par la décision approuvant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en vigueur, dont est déduite la part énergie lorsque l'alimentation de secours est à un domaine de tension différent de celui de l'alimentation principale ".
8. Aux termes de l'article 1er de ce même décret, dans sa rédaction issue du décret du 28 juillet 2017, applicable à compter du 1er août 2017 : " (...) la part fixe hors taxes du tarif d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité est constituée de la somme des éléments du tarif tels que définis dans les décisions sur les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en vigueur, énumérés aux 1° à 4° : / 1° La composante annuelle de gestion ; / 2° La composante annuelle de comptage ; / 3° La part fixe de la composante annuelle de soutirages. Cette part fixe est constituée des termes figurant dans les formules tarifaires relatives à cette composante, qui sont fonction des puissances souscrites, à l'exclusion des composantes mensuelles des dépassements de puissance souscrite ; / 4° La part fixe de la composante annuelle des alimentations complémentaires et de secours. Cette part fixe est constituée de la composante annuelle des alimentations complémentaires et de secours, à l'exclusion de la part énergie et des composantes mensuelles des dépassements de puissance souscrite lorsque l'alimentation de secours est à un domaine de tension différent de celui de l'alimentation principale ".
9. Aux termes de l'article 2 de ce même décret : " Le fournisseur d'électricité qui perçoit la contribution tarifaire en application du b ou du c du 1° du II de l'article 18 de la loi du 9 août 2004 susvisée calcule la part fixe hors taxes de la part relative à l'utilisation des réseaux dans le prix de vente ou le tarif de vente conformément à l'article 1er ".
S'agissant des tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité :
10. Aux termes de l'article L. 341-3 du code de l'énergie : " Les méthodes utilisées pour établir les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité sont fixées par la Commission de régulation de l'énergie (...) ". En application de ces dispositions, la Commission de régulation de l'énergie a, par une délibération du
3 avril 2013, fixé les tarifs, dits " TURPE 4 HTB ", applicables aux utilisateurs raccordés en haute tension B (HTB) à compter du 1er août 2013. Ces tarifs ont été remplacés, à compter du 1er août 2017, par les tarifs, dits " TURPE 5 HTB ", approuvés par une délibération du 17 novembre 2016. Par une délibération du 12 décembre 2013, la Commission a fixé les tarifs, dits " TURPE 4 HTA-BT ", applicables aux utilisateurs raccordés en haute tension A (HTA) et en basse tension (BT) à compter du 1er janvier 2014. Ces derniers tarifs ont été remplacés par les tarifs, dits " TURPE 5 HTA-BT ", approuvés par une délibération ultérieure du 17 novembre 2016. Il résulte de ces délibérations que les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité sont facturés au travers de quatre composantes principales : la composante de gestion, la composante de comptage, la composante de soutirage et la composante annuelle des alimentations complémentaires et de secours.
11. En application des dispositions de l'article 1er du décret du 14 février 2005 citées aux points 7 et 8, la contribution tarifaire d'acheminement est assise sur la composante de gestion, la composante de comptage, la part fixe de la composante de soutirage et la part fixe de la composante annuelle des alimentations complémentaires et de secours.
12. La composante de gestion est facturée sous la forme d'un terme fixe par point de connexion et par contrat appliqué à tous les utilisateurs selon leur domaine de tension de raccordement, en haute, moyenne ou basse tension, et selon leur dispositif contractuel, prenant la forme d'un contrat d'accès au réseau public de distribution ou d'un contrat unique.
13. La composante de comptage dépend du régime de propriété du compteur, du domaine de tension, de la puissance de soutirage souscrite ou de la puissance maximale d'injection, de son contrôle et des grandeurs mesurées.
14. La part fixe de la composante de soutirage dépend du domaine de tension, du tarif optionnel utilisé par les gestionnaires de réseaux pour facturer l'utilisation des réseaux et de la puissance souscrite ou, pour les tarifs à différenciation temporelle selon la saison ou l'heure de la journée, des puissances souscrites. Seule la part variable de la composante de soutirage dépend de l'énergie soutirée.
15. La part fixe de la composante annuelle des alimentations complémentaires et des alimentations de secours est fonction essentiellement de la longueur et du type de raccordement, selon qu'il est aérien ou souterrain. Les alimentations de secours relevant d'un domaine de tension inférieur à ceux des alimentations principales font l'objet de frais spécifiques.
16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 15, ainsi que l'a au demeurant jugé la cour administrative d'appel par des motifs non contestés en cassation, que la contribution tarifaire d'acheminement est assise sur la part fixe des tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité, laquelle est essentiellement fonction du domaine de tension et de la puissance souscrite dans le cadre du contrat de raccordement aux réseaux, à l'exclusion de la part variable de ces tarifs, seule à dépendre de la quantité d'électricité consommée.
Sur les moyens des pourvois :
17. A l'appui de leurs demandes d'indemnisation, la société Accorinvest et la Société générale soutenaient devant les juges du fond que la contribution tarifaire d'acheminement ne respectait pas les règles de taxation posées par l'article 1er, paragraphe 2 de la directive 2008/118/CE du 16 décembre 2008. Par les arrêts attaqués, la cour administrative d'appel de Paris a écarté ce moyen en jugeant qu'en l'absence de lien direct et indissociable entre cette contribution et la consommation d'électricité, la contribution tarifaire d'acheminement ne constituait pas un impôt indirect frappant directement ou indirectement la consommation d'électricité et, en conséquence, qu'elle ne relevait pas des dispositions de l'article 1er, paragraphe 2 de la directive.
18. A l'appui de leur pourvoi en cassation, les sociétés requérantes soutiennent, en premier lieu, que la contribution tarifaire d'acheminement constitue un impôt indirect frappant directement ou indirectement la consommation d'électricité, du seul fait que les dispositions du 1° du II de l'article 18 de la loi du 9 août 2004 citées au point 6 et celles de l'article 2 du décret du
14 février 2005 citées au point 9 instituent un mécanisme légal de répercussion de cet impôt sur le consommateur final.
19. La réponse à ce moyen dépend de la question de savoir si l'existence d'un mécanisme légal de répercussion de l'impôt sur le consommateur final d'un produit soumis à accise implique à lui seul l'existence d'un lien direct et indissociable entre cet impôt et la consommation de ce produit, même dans le cas où cet impôt est calculé indépendamment de la quantité d'électricité effectivement consommée.
20. En second lieu, les sociétés requérantes soutiennent qu'il existe un lien direct et indissociable entre la contribution tarifaire d'acheminement et la consommation d'électricité aux motifs que, d'une part, le contrat d'accès à raison duquel cette taxe est due est nécessairement lié à un contrat de fourniture d'électricité à un consommateur final et que, d'autre part, la part fixe des tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité sur laquelle est assise cette taxe est notamment fonction de la puissance souscrite par le consommateur final lui-même, laquelle est habituellement en rapport avec le profil de sa consommation. Le ministre soutient, pour sa part, qu'un tel lien n'existe pas, notamment au motif, repris par les arrêts attaqués, que la contribution pourrait être perçue sans même qu'une quantité d'électricité ait été consommée.
21. Ce moyen soulève la question de savoir si une imposition telle que la contribution tarifaire d'acheminement, qui est assise sur la part fixe des tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité, à l'exclusion de la part variable de ces tarifs, seule à dépendre de la quantité d'électricité consommée, mais qui est due à raison des contrats d'accès au réseau conclus par les consommateurs ou leurs fournisseurs, doit être regardée comme présentant un lien direct et indissociable avec la consommation d'électricité.
22. Ces questions sont déterminantes pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d'Etat. Elles présentent une difficulté sérieuse. Il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur les conclusions présentées par les sociétés requérantes.
D E C I D E :
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Article 1er : Il est sursis à statuer sur les pourvois de la société Accorinvest et de la Société générale jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :
1° Les dispositions de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE, doivent-elles être interprétées en ce sens que l'existence d'un mécanisme légal de répercussion de l'impôt sur le consommateur final d'un produit soumis à accise implique à lui seul l'existence d'un lien direct et indissociable entre cet impôt et la consommation de ce produit, de sorte qu'il doive être considéré comme une taxe indirecte supplémentaire au sens de de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE, même dans le cas où cet impôt est calculé indépendamment de la quantité de produit effectivement consommée '
2° Les dispositions de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE, doivent-elles être interprétées en ce sens qu'une imposition, telle que la contribution tarifaire d'acheminement, qui est assise sur la part fixe des tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité, à l'exclusion de la part variable de ces tarifs, seule à dépendre de la consommation d'électricité, mais qui est due à raison des contrats d'accès au réseau conclus par les consommateurs ou leurs fournisseurs, présente un lien direct et indissociable avec la consommation d'électricité, de sorte qu'elle doive être regardée comme une taxe indirecte supplémentaire au sens de ces dispositions '
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Accorinvest, à la Société générale, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics et à la Cour de justice de l'Union européenne.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 novembre 2024 où siégeaient :
M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat, M. Olivier Saby, maître des requêtes et M. Olivier Pau, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 29 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Pau
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :