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26/03/2025 | FRANCE | N°482566

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 26 mars 2025, 482566


Vu la procédure suivante :



M. D... B... et Mme C... A..., épouse B..., ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'avis de sommes à payer émis par le département de la Haute-Vienne le 4 mars 2021 en vue du recouvrement de la somme de 5 781,46 euros correspondant à un indu de revenu de solidarité active au titre de la période d'août 2016 à novembre 2017 et, d'autre part, la décision du 28 avril 2021 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Vienne a rejeté leur demande de remise d'un indu de revenu de

solidarité active d'un montant de 6 992,49 euros au titre de la période d...

Vu la procédure suivante :

M. D... B... et Mme C... A..., épouse B..., ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'avis de sommes à payer émis par le département de la Haute-Vienne le 4 mars 2021 en vue du recouvrement de la somme de 5 781,46 euros correspondant à un indu de revenu de solidarité active au titre de la période d'août 2016 à novembre 2017 et, d'autre part, la décision du 28 avril 2021 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Vienne a rejeté leur demande de remise d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 6 992,49 euros au titre de la période de mars 2019 à septembre 2020. Par un jugement n° 2100688 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 août et 14 novembre 2023 et le 6 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge du département de la Haute-Vienne la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de Mme A... et à la SCP Buk Lament, Robillot, avocat du département de la Haute-Vienne ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle ayant révélé que Mme A..., épouse B..., avait bénéficié de virements sur son compte bancaire en provenance du compte courant d'associé ouvert à son nom dans les écritures de la société à responsabilité limitée D'Entre Tours, la caisse d'allocations familiales de la Haute-Vienne a mis à la charge de M. et Mme B..., le 7 août 2018, une obligation de reversement d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 6 660,71 euros au titre de la période d'août 2016 à novembre 2017. Cette décision a été confirmée par le président du conseil départemental de la Haute-Vienne le 14 novembre 2018 sur le recours administratif préalable des intéressés et un avis de sommes à payer d'un montant de 5 781,46 euros a été émis à leur encontre le 4 mars 2021 par le département de la Haute-Vienne. La caisse d'allocations familiales de la Haute-Vienne a également mis à la charge des intéressés, le 18 décembre 2020, une obligation de reversement d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 6 992,49 euros au titre de la période du mois de mars 2019 au mois de septembre 2020, également confirmé par le président du conseil départemental de la Haute-Vienne le 28 avril 2021 sur le recours préalable des intéressés. Par un jugement du 15 juin 2023, contre lequel Mme A... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'avis de sommes à payer du 4 mars 2021 et de la décision du 28 avril 2021.

2. Le premier alinéa de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 262-3 du même code : " (...) L'ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l'article L. 132-1, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active (...) ". Le premier alinéa de l'article L. 132-1 prévoit que : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire ". L'article R. 262-6 de ce code précise que : " Les ressources prises en compte pour la détermination du montant du revenu de solidarité active comprennent, sous les réserves et selon les modalités figurant au présent chapitre, l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, et notamment les avantages en nature ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux. / Les dispositions de l'article R. 132-1 sont applicables au revenu de solidarité active " et l'article R. 132-1 que : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu (...) sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à (...) à 3 % du montant des capitaux ".

3. Pour l'application de ces dispositions, les sommes portées au crédit du compte courant ouvert au nom d'un associé dans les écritures d'une société sont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire de ce compte, regardées comme ayant le caractère de ressources devant être prises en compte pour le calcul de ses droits au revenu de solidarité active. Lorsque le titulaire du compte courant d'associé établit que les sommes portées au crédit de ce compte correspondent à un prêt qu'il a lui-même consenti à la société, ces sommes ne peuvent être regardées comme des ressources pour le calcul de ses droits au revenu de solidarité active. En revanche, lorsque ce prêt est consenti sans intérêts, le capital correspondant est considéré, en application de l'article L. 132-1 du code de l'action sociale et des familles, comme procurant à l'intéressé des ressources dont le montant est calculé par application de l'article R. 132-1 du même code.

4. Il s'ensuit qu'en regardant les versements effectués sur le compte bancaire de Mme A... en provenance du compte courant d'associé ouvert à son nom dans les écritures de la société D'Entre Tours comme des ressources devant être prises en compte pour le calcul de ses droits au revenu de solidarité active au motif que les sommes figurant au crédit d'un compte courant d'associé constitueraient nécessairement de telles ressources, sans rechercher si, ainsi que le soutenait l'intéressée, les sommes portées au crédit du compte courant d'associé correspondaient à un prêt sans intérêts qu'elle avait consenti en 2011 sur ses fonds personnels à la société D'Entre Tours et les mouvements en litige entre ce compte courant d'associé et son compte bancaire constituaient des remboursements de ce prêt, le tribunal a commis une erreur de droit.

5. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition ni d'aucun principe que l'absence de déclaration, au titre du revenu de solidarité active, des capitaux détenus par un allocataire entraînerait, par principe, la prise en compte comme ressources du montant total de ces capitaux. Le département de la Haute-Vienne n'est dès lors pas fondé à demander que soit substitué au motif retenu par le tribunal administratif celui, appelant au demeurant une appréciation de fait qu'il n'appartient pas au juge de cassation de porter, tiré de ce que les sommes versées à Mme A... par la société D'Entre Tours devraient être prises en compte comme ressources, quelle que soit leur nature, pour leur montant total dès lors qu'elles n'ont pas été déclarées au titre du revenu de solidarité active.

6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, le jugement attaqué doit être annulé.

7. Il y a lieu de mettre à la charge du département de la Haute-Vienne une somme de 3 000 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le département de la Haute-Vienne.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 15 juin 2023 du tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Limoges.

Article 3 : Le département de la Haute-Vienne versera à Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le département de la Haute-Vienne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme C... A..., épouse B..., et au département de la Haute-Vienne.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 mars 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Edouard Geffray, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Raphaël Chambon, M. Vincent Mazauric, conseillers d'Etat ; M. Cyril Noël, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 26 mars 2025.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Cyril Noël

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 482566
Date de la décision : 26/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-02-06 AIDE SOCIALE. - DIFFÉRENTES FORMES D'AIDE SOCIALE. - REVENU MINIMUM D'INSERTION (RMI). - RESSOURCES PRISES EN COMPTE POUR LA DÉTERMINATION DES DROITS – SOMMES PORTÉES AU CRÉDIT DU COMPTE COURANT D’ASSOCIÉ – 1) PRÉSOMPTION D’INCLUSION DANS CES RESSOURCES, SAUF PREUVE CONTRAIRE – 2) SOMMES CORRESPONDANT À UN PRÊT CONSENTI PAR L’ALLOCATAIRE À LA SOCIÉTÉ – EXCLUSION – CAS D’UN PRÊT SANS INTÉRÊTS – INCLUSION, COMME BIEN NON-PRODUCTIF DE REVENUS (ART. R. 132-1 DU CASF).

04-02-06 1) Pour l’application des articles L. 262-2, L. 262-3, L. 132-1, R. 262-6 et R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF), les sommes portées au crédit du compte courant ouvert au nom d’un associé dans les écritures d’une société sont, sauf preuve contraire apportée par l’associé titulaire de ce compte, regardées comme ayant le caractère de ressources devant être prises en compte pour le calcul de ses droits au revenu de solidarité active (RSA). ...2) Lorsque le titulaire du compte courant d’associé établit que les sommes portées au crédit de ce compte correspondent à un prêt qu’il a lui-même consenti à la société, ces sommes ne peuvent être regardées comme des ressources pour le calcul de ses droits au RSA. ...En revanche, lorsque ce prêt est consenti sans intérêts, le capital correspondant est considéré, en application de l’article L. 132-1 du CASF, comme procurant à l’intéressé des ressources dont le montant est calculé par application de l’article R. 132-1 du même code.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 mar. 2025, n° 482566
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyril Noël
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET ; SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:482566.20250326
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