Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 7 août 2019 par laquelle la maire de la commune de Prouvy a décidé de changer son affectation au sein des services de la commune et d'enjoindre à la maire de la commune de Prouvy de la réintégrer sur le poste de responsable de l'office du restaurant scolaire municipal, d'autre part, de condamner la commune de Prouvy à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison de l'illégalité de la décision du 7 août 2019, et de mettre à la charge de la commune de Prouvy une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1908608 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Dominguez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 7 août 2019 de la maire de la commune de Prouvy ;
3°) d'enjoindre à la maire de la commune de Prouvy de la réintégrer dans le poste de responsable de l'office du restaurant scolaire municipal ;
4°) de condamner la commune de Prouvy à lui verser la somme de 5 000 euros en indemnisation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison de l'illégalité de la décision du 7 août 2019 ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Prouvy une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 7 août 2019, qui revêt le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée, est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'erreurs de fait dès lors qu'il n'existe aucune mésentente entre elle-même et ses collègues et qu'elle n'a formulé aucune demande de changement d'affectation ;
- cette décision n'est pas justifiée par l'intérêt du service ;
- cette décision est entachée d'un détournement de procédure ;
- elle a subi, du fait de l'illégalité de cette décision, un préjudice moral devant être évalué à 5 000 euros.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés le 10 mai 2023 et le 28 juin 2023, la commune de Prouvy, représentée par Me Jean-Pierre Coquelet, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions à fin d'indemnisation présentées par Mme B... en première instance sont irrecevables, en l'absence de réclamation préalable ayant fait naître une décision susceptible de lier le contentieux ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés ;
- la décision attaquée est également justifiée par la nécessité de veiller à l'hygiène du service de restauration scolaire.
Par une ordonnance du 1er juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- et les observations de Me Gaudin, représentant la commune de Prouvy.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., agent de maîtrise principal, exerçait, depuis quinze ans, les fonctions de responsable de l'office du restaurant scolaire municipal de la commune de Prouvy. Ses attributions incluaient notamment la maintenance et l'hygiène du matériel et des locaux. Lors de la préparation du service du 5 février 2019, un plat de riz qui figurait au menu du 7 janvier 2019 a été retrouvé par l'intéressée et les deux agentes placées sous sa responsabilité, en état de moisissure, dans un four qui n'était utilisé qu'occasionnellement. Mme B... a alors jeté le plat et s'est abstenue de porter cet incident à la connaissance de sa hiérarchie. Les faits ont toutefois été rapportés par les deux agentes du service au directeur général des services de la commune qui a reçu Mme B... en entretien le 11 février 2019. Le même jour, Mme B... a été informée de l'intention de la maire de la commune de Prouvy de lui infliger la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée n'excédant pas trois jours. Le 18 février 2019, le directeur général des services a rédigé un rapport en ce sens. Le 12 mars 2019, Mme B..., assistée d'une déléguée syndicale, a été reçue par la maire de la commune de Prouvy, en présence de son adjointe et du directeur général des services. Le 21 mars 2019, la maire de la commune de Prouvy a saisi la commission administrative paritaire en vue d'un changement d'affectation de Mme B... dans l'intérêt du service. Cet organisme a émis, le 11 juin 2019, un avis défavorable à la mesure envisagée, qui a été porté le 11 juillet 2019 à la connaissance de Mme B... et de la maire de la commune de Prouvy. Mme B... a alors adressé à la maire de la commune de Prouvy, le 15 juillet 2019, un courrier intitulé " recours gracieux ", par lequel elle lui demandait de suivre l'avis de la commission administrative paritaire et de la " réhabiliter " dans ses fonctions de responsable de l'office du restaurant scolaire municipal. Par un courrier du 7 août 2019, la maire de la commune de Prouvy a refusé de faire droit à la demande de l'intéressée en lui indiquant que sa volonté de l'affecter à un autre poste résultait du constat de difficultés relationnelles avec ses collègues, nuisant au bon fonctionnement du service, et qu'elle avait elle-même initialement émis le souhait de quitter son poste. Mme B... relève appel du jugement du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 août 2019, laquelle revêt le caractère d'une décision initiale de changement d'affectation et non le rejet d'un recours gracieux, ainsi qu'à l'indemnisation du préjudice moral résultant selon elle de l'illégalité de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision contestée :
2. D'une part, aux termes de l'article 52, alors en vigueur, de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement. / (...) ".
3. D'autre part, un changement d'affectation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'en application de la décision contestée du 7 août 2019, Mme B... devait, à l'issue du congé de maladie dont elle bénéficiait depuis le 11 février 2019, être affectée sur le poste d'agent d'entretien polyvalent. Dans l'exercice de ses nouvelles fonctions, elle ne devait assurer l'encadrement de deux agents que lors de ses interventions sur le site de l'école de la commune, à raison de quatorze heures hebdomadaires. La réduction de ses responsabilités devait entraîner une diminution de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise dont elle bénéficiait, passant de 150 euros à 54 euros mensuels.
5. Toutefois, il ressort en particulier du rapport rédigé le 18 février 2019 par le directeur général des services de la commune de Prouvy et de l'attestation établie par ce dernier le 23 décembre 2020, qu'au cours de l'entretien du 11 février 2019, Mme B... a manifesté de la rancœur à l'égard de ses deux collègues et exprimé la volonté de ne plus travailler avec elles. L'attestation rédigée le 14 décembre 2019 par la déléguée syndicale qui a accompagné Mme B... lors de l'entretien du 12 mars 2019 avec la maire de la commune, aux termes de laquelle l'intéressée n'avait pas exprimé le souhait de changer d'affectation, n'est pas en contradiction avec les indications figurant dans l'attestation du directeur général des services, selon lesquelles Mme B... s'était contentée d'indiquer qu'elle ne souhaitait pas travailler le mercredi matin. Les réticences alors manifestées par l'intéressée étaient ainsi seulement relatives aux modifications de son emploi du temps qu'aurait pu entraîner la nouvelle affectation envisagée. Les messages cordiaux adressés à Mme B... par ses collègues au cours du mois de mai 2019 ne remettent pas non plus en cause le ressentiment que celle-ci avait initialement manifesté à leur égard, dès lors que ces agentes rapportent de manière suffisamment circonstanciée, dans des attestations rédigées en janvier 2020, avoir entendu différentes personnes leur rapporter que l'intéressée portait à leur encontre des accusations de " complot ". Le ressentiment conservé par Mme B... à l'égard des agentes placées sous sa responsabilité était, ainsi, de nature à nuire au bon fonctionnement du service. Enfin, la décision contestée ne comporte aucune appréciation sur le caractère éventuellement fautif des agissements de Mme B..., ni aucune référence aux textes applicables en matière disciplinaire. Dans ces conditions, alors même que la maire de la commune de Prouvy avait initialement engagé à l'encontre de Mme B... une procédure disciplinaire qu'elle a ensuite abandonnée, la décision de changement d'affectation contestée procède de considérations relatives à l'intérêt du service et ne peut être regardée comme inspirée par la volonté de sanctionner l'intéressée.
6. Il s'ensuit que la décision de changement d'affectation contestée ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée. Elle n'est, par suite, pas au nombre des décisions devant être motivées en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit, par suite, être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision contestée :
7. En premier lieu, il résulte des circonstances de fait analysées au point 5, que Mme B... conservait, à la date de la décision contestée du 7 août 2019, un ressentiment important à l'égard de ses deux collègues, de nature à compromettre le bon fonctionnement du service. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction que la maire de la commune de Prouvy aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif, alors même qu'elle a cru devoir mentionner, dans la décision contestée, que celle-ci faisait suite au souhait initialement manifesté par l'intéressée de changer d'affectation. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée doit être annulée en raison d'erreurs de fait et d'une erreur d'appréciation dont elle serait entachée.
8. En second lieu, dans les circonstances de l'espèce, le détournement de procédure allégué n'est pas établi.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
9. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de la commune de Prouvy est engagée à son encontre du fait de l'illégalité de la décision contestée.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré par la commune de Prouvy de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'indemnisation présentées par Mme B... en première instance, que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 7 août 2019 de la maire de la commune de Prouvy et, par voie de conséquences, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de cette décision.
Sur les frais d'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais, non compris dans les dépens, exposés par Mme B... devant la cour soient mis à la charge de la commune de Prouvy, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B..., sur le fondement des mêmes dispositions, les frais exposés en appel par la commune de Prouvy.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées en appel par la commune de Prouvy sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Prouvy.
Délibéré après l'audience publique du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.
La rapporteure,
Signé : D. Bureau
La présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet du Nord ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Roméro
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N°22DA01102