Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... et Mme E... C... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2018 par lequel le maire de Saint-Denis a délivré un permis de construire à M. et Mme F... en vue de l'édification d'une maison d'habitation ainsi que l'arrêté du 21 août 2019 par lequel cette même autorité leur a délivré un permis de construire modificatif.
Par un jugement n°1901521 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de La Réunion a annulé les arrêtés du 29 janvier 2018 et du 21 août 2019.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 octobre 2021 et le 7 avril 2022, M. D... F... et Mme G... H... épouse F..., représentés par Me Belloteau, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 2 juillet 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... et Mme C... ;
3°) de mettre à la charge solidaire de M. B... et Mme C... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la demande de M. B... et Mme C... était tardive ;
- elle était irrecevable en l'absence de respect des formalités prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, s'agissant du recours contentieux et du recours gracieux ; M. B... et Mme C... n'ont jamais invoqué devant le tribunal la non-conformité de l'affichage ; l'affichage était conforme ; le tribunal a méconnu le principe du contradictoire car il a retenu la non-conformité de l'affichage sans demander de justification de la régularité ;
- cette demande était irrecevable en l'absence de numérotation des pièces en méconnaissance de l'article R. 414-3 du code de justice administrative ;
- M. B... et Mme C... ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- les moyens relatifs au contrôle de la conformité de la construction par rapport à l'autorisation sont inopérants ;
- les dispositions du cahier des charges de la zone d'aménagement concertée (ZAC) " Colline des Camélias " ne sont pas applicables, et seul le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Denis s'applique ;
- le projet ne méconnaît pas l'article Uj10 du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Denis ;
- la pente des toitures n'est pas réglementée et les toitures terrasses sont autorisées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2022, M. A... B... et Mme E... C..., représentés par Me Cerveaux, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de M. et Mme F... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- les moyens soulevés par M. et Mme F... ne sont pas fondés ;
- la pente de la toiture n'est pas conforme au cahier des charges de la ZAC " Colline des Camélias " ni au plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Denis dès lors qu'elle n'est pas orientée dans le sens de la pente du terrain ;
- le permis de construire initial comporte des incohérences qui ont été relevées par un architecte conseil dans un avis du 31 janvier 2019 ;
- les cotes figurant sur le dossier de demande du permis de construire modificatif sont erronées ;
- les hauteurs des façades est et ouest de la construction projetée méconnaissent la hauteur maximale de 10 m imposée par le plan local d'urbanisme de la commune ;
- les pentes de la toiture, de 30% dans le dossier de demande du permis de construire initial et de 20% dans le dossier de demande du permis de construire modificatif, sont non conformes au pourcentage de la pente des toitures prévu par le plan local d'urbanisme ;
- le projet méconnaît l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
- la construction en cours de réalisation d'un soubassement de 2,20 m méconnaît la hauteur de 1,69 m mentionnée dans le plan 5.10 du dossier de demande du permis de construire modificatif.
Par une intervention enregistrée le 7 novembre 2022, la commune de Saint-Denis, représentée par Me Armoudoum, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 2 juillet 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... et Mme C... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... et Mme C... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de M. B... et Mme C... était tardive ;
- M. B... et Mme C... ne justifiaient pas devant le tribunal de la notification de leur demande en méconnaissance de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- le projet n'était pas soumis au cahier des charges de la ZAC mais uniquement aux règles du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Denis ;
- le projet était conforme aux règles du plan local d'urbanisme.
Par ordonnance du 7 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 14 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Edwige Michaud, rapporteur,
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 29 janvier 2018, le maire de Saint-Denis a délivré un permis de construire à M. et Mme F... en vue de l'édification d'une maison d'habitation d'une surface de plancher de 150 m². Par un arrêté du 21 août 2019, cette même autorité leur a délivré un permis de construire modificatif. M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 2 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de La Réunion, saisis par M. B... et Mme C..., a annulé les arrêtés du 29 janvier 2018 et du 21 août 2019.
Sur l'intervention de la commune de Saint-Denis :
2. La commune de Saint-Denis avait présenté, devant le tribunal administratif de La Réunion, des écritures concluant au rejet de la demande présentée par M. B... et Mme C... tendant à l'annulation des arrêtés du 29 janvier 2018 et du 21 août 2019. Dès lors, la commune, partie au litige de première instance, avait qualité pour faire appel. Ainsi, son intervention dans la présente instance d'appel, présentée après l'expiration du délai d'appel, n'est pas recevable.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. / (...) ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier. (...). / Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis (...). / (...). / Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage. ". Aux termes de l'article A.424-17 du code de l'urbanisme : " (...). " Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis (...). Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme). ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'irrecevabilité tirée de l'absence d'accomplissement des formalités de notification prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne peut être opposée, en première instance, en appel ou en cassation, qu'à la condition, prévue au deuxième alinéa de l'article R. 424-15 du même code, que l'obligation de procéder à cette notification ait été mentionnée dans l'affichage du permis de construire.
5. Lorsque l'auteur d'un recours entrant dans le champ d'application de l'article R. 600- 1 du code de l'urbanisme n'a pas justifié en première instance de l'accomplissement des formalités de notification requises alors qu'il a été mis à même de le faire, soit par une fin de non-recevoir opposée par le défendeur, soit par une invitation à régulariser adressée par le tribunal administratif, il n'est pas recevable à produire ces justifications pour la première fois en appel. Il appartient néanmoins au juge, s'il est saisi de moyens en ce sens, y compris pour la première fois en appel, de vérifier si l'obligation de notification posée par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme peut, au regard des conditions fixées par l'article R. 424-15 du même code, être opposée à la demande.
6. La commune de Saint-Denis a opposé devant le tribunal administratif de La Réunion une fin de non-recevoir tirée de l'absence de notification du recours en méconnaissance de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Le tribunal administratif de La Réunion a écarté cette fin de non-recevoir au motif qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier de première instance, et notamment de la photographie du panneau d'affichage du permis de construire produite par les époux F..., que la mention de l'obligation de notification à peine d'irrecevabilité du recours contentieux y figurait. Toutefois, aucune des parties n'a opposé en première instance ni en appel de moyen tiré de l'inopposabilité de la formalité prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme qui ne ressortait d'ailleurs pas du dossier contrairement à ce qu'a estimé le tribunal. Dans ces conditions, M. et Mme F... sont fondés à soutenir que le tribunal a opposé d'office et à tort l'absence d'opposabilité de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme pour écarter la fin de non-recevoir soulevée, sans permettre aux parties de produire des éléments sur ce point. Le jugement du tribunal, rendu en méconnaissance du principe du contradictoire, est ainsi irrégulier et doit être annulé. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. B... et Mme C....
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
7. Alors que la fin de non-recevoir tirée de l'absence de notification de leur recours était opposée devant le tribunal, M. B... et Mme C... n'ont justifié, ni en première instance, ni en appel, avoir accompli les formalités prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et ne soutiennent d'ailleurs pas avoir accompli ces formalités. Ils ne soutiennent pas davantage que ces formalités leur étaient inopposables. Par suite, leur demande tendant à l'annulation des décisions contestées est irrecevable.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme F..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... et Mme C... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. B... et Mme C... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme F... et non compris dans les dépens. Enfin, les conclusions tendant à l'application de ces dispositions présentées par la commune de Saint-Denis qui, en tant qu'intervenante, n'a pas la qualité de partie à l'instance, doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la commune de Saint-Denis n'est pas admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 2 juillet 2021 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. B... et Mme C... devant le tribunal administratif de La Réunion est rejetée.
Article 4 : M. B... et Mme C... verseront à M. et Mme F... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., à Mme G... H... épouse F..., à M. A... B..., à Mme E... C... et à la commune de Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Sébastien Ellie, premier conseiller,
Mme Edwige Michaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2023.
La rapporteure,
Edwige MichaudLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX03847