Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 mars 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours,
a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2301812 du 7 juin 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juin 2023, Mme B..., représentée
par Me Guyon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 29 mars 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de son conseil la somme
de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation
et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers
et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard notamment à sa durée de présence sur le territoire français, à la naissance de son fils en France, à l'ancienneté de son départ du Nigéria et au fait que le père de son fils vit en Italie ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code en raison de son parcours traumatique, lié à son appartenance à un réseau de prostitution, qui a été jugé crédible par la Cour nationale du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, dès lors que les menaces dont elle pourrait faire l'objet en cas de retour au Nigéria pourraient également concerner son fils ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne ; la circonstance que sa demande a été rejetée ne suffit pas à remettre en cause la réalité des risques en cas de retour au Nigéria, son appartenance à un réseau de prostitution ayant été jugée plausible par la Cour nationale du droit d'asile ; elle a déposé une plainte pénale pour traite des êtres humains, proxénétisme et viols ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une insuffisante motivation, tant sur le principe de la mesure que sur sa durée ; le fait de remplir un formulaire prérempli ne suffit pas à constituer une motivation, d'autant que la décision ne précise pas qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'elle ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- elle méconnaît l'article L. 612-8 du code, sa situation personnelle ne justifiant pas le fait pour le préfet de recourir à la possibilité d'assortir la mesure d'éloignement d'une telle interdiction de retour ; le tribunal a omis de répondre à ce moyen ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle compte tenu de son parcours ;
- elle est disproportionnée au regard de l'article L. 612-10 du code, quant à sa durée.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête, en renvoyant à ses écritures de première instance qu'il produit.
Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante nigériane née le 3 janvier 1985, est entrée en France le 27 avril 2021 afin de solliciter l'asile. Sa demande de protection a été rejetée, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile le 17 février 2023. Par un arrêté
du 29 mars 2023, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an. Mme B... relève appel du jugement du 7 juin 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que soutient la requérante, la première juge, qui a cité l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'est prononcée sur l'appréciation portée par le préfet quant au prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire ainsi que sur sa durée, en estimant que la décision n'était pas entachée d'erreur sur ce point. Le jugement n'est donc entaché d'aucune irrégularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 29 mars 2023 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. L'arrêté en litige vise les articles L. 424-1 et L. 424-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatifs à l'octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Il énonce l'état civil de Mme B..., la date de son entrée en France et du dépôt de sa demande d'asile, et précise que sa demande d'asile a été définitivement rejetée et qu'elle n'a ainsi plus le droit de se maintenir sur le territoire français. Après avoir rappelé les éléments de vie privée et familiale dont s'est prévalue l'intéressée, il en conclut que le refus de délivrer un titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et que Mme B... n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit. L'arrêté comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le refus de séjour est fondé, et les circonstances que les éléments de vie privée et familiale soient énoncés sous forme de liste avec des cases cochées ou que le préfet ne s'étende pas sur les allégations de l'intéressée quant aux risques qu'elle encourt en cas de retour au Nigéria sont sans incidence sur le caractère personnalisé des motifs. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de refus de séjour doit par suite être écarté.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Gironde a procédé à un examen particulier de la situation de Mme B....
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... était présente en France depuis un peu moins de deux ans à la date de l'arrêté, après avoir vécu en Italie, et que ce séjour n'était justifié que le temps de l'examen de sa demande d'asile. Elle ne fait état d'aucune attache privée ou familiale en France, à l'exception de son fils mineur,
né le 26 septembre 2021, peu de temps après son arrivée sur le territoire, de sa relation avec un compatriote résidant en Italie. Si elle met en avant l'inscription de son fils en crèche et le fait qu'elle allait suivre des cours de français à compter de l'année 2023, ces éléments ne sont pas suffisants pour démontrer une insertion particulière dans la société française. Bien qu'elle ait quitté le Nigéria depuis huit ans, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans ce pays, où résident encore ses frères et où elle a elle-même vécu jusqu'en 2015. Si elle soutient encourir des risques de représailles de la part d'un réseau de proxénétisme qui l'a envoyée en Italie, ces éléments sont sans incidence sur la décision de refus de séjour qui n'a ni pour objet, ni pour effet de la contraindre à rejoindre le Nigéria. Au surplus, sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile et elle n'apporte pas, dans le cadre de la présente instance, d'éléments de nature à établir la réalité des risques personnels qu'elle allègue. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Gironde n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a ainsi pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. La décision de refus de séjour n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer Mme B... de son fils, ni de séparer ce dernier de son père qui, selon les dires de la requérante, résiderait en Italie, ni de les reconduire au Nigéria. Par suite, le préfet de la Gironde, en prenant la décision contestée, n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
10. En cinquième lieu, au vu des éléments factuels énoncés au point 6, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme B....
11. En dernier lieu, Mme B... reprend en appel le moyen, qu'elle avait invoqué en première instance et tiré de ce que la décision en litige méconnaitrait
l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Bordeaux au point 11 de son jugement.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, eu égard à ce qui vient d'être dit sur la légalité de la décision de refus de séjour, Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 de ce code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
14. La décision vise les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne que la demande d'asile
de Mme B... a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile
le 17 février 2023 et qu'à compter de cette date, qui correspond à la date de lecture en audience publique de la décision, l'intéressée ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-1 du même code. Par suite la décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée.
15. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Gironde, avant d'édicter cette mesure d'éloignement, a procédé à un examen particulier de la situation de Mme B....
16. En dernier lieu, eu égard aux éléments factuels rappelés précédemment au point 7, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
17. Eu égard à ce qui précède, Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'éloignement.
18. Aux termes de l'article 3 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
19. Mme B... soutient qu'à la suite de l'assassinat par son ancien compagnon d'un membre d'un clan opposé, elle aurait craint pour sa vie et aurait quitté le Nigéria pour l'Italie en 2015 avec l'aide d'un ami de son père et qu'elle se serait ensuite retrouvée dans un réseau de prostitution au sein duquel elle aurait subi de nombreux sévices. Après s'être échappée une première fois en août 2020, elle aurait réintégré ce réseau en raison des représailles qu'aurait subies sa mère, au motif qu'elle n'aurait pas honoré sa
dette. Début 2021, elle se serait à nouveau enfuie avec l'aide de son nouveau compagnon et aurait rejoint la France grâce à l'aide financière de ce dernier. Toutefois, mis à part trois articles de presse faisant état de l'existence de réseaux de proxénétisme nigérians,
Mme B... n'apporte aucun élément, contemporain de la décision en litige, à l'appui de ses allégations selon lesquelles elle encourrait des risques pour sa vie et sa sécurité en cas de retour au Nigéria. Si elle produit, pour la première fois en appel, la copie d'une plainte pénale contre X, qui aurait été adressée au Procureur de la République, pour traite des êtres humains, proxénétisme, viol, violence et menace, cet élément est postérieur à la décision attaquée, tout comme la copie de messages de menaces de la part du frère de son proxénète, datés
d'avril 2023, alors au demeurant qu'elle avait déclaré, devant les instances chargées de l'asile, ne plus avoir de nouvelles de celui qui est présenté comme le frère de son proxénète depuis la naissance de son fils. Alors que la Cour nationale du droit d'asile lui a reproché des propos sommaires, Mme B... n'apporte pas davantage de précisions sur les circonstances dans lesquelles elle s'est échappée à deux reprises du réseau de prostitution, ni sur le financement par son compagnon de sa fuite en France alors que celui-ci vivait de la mendicité, ni sur les menaces de représailles qui auraient été adressées à ses frères. Dans ces conditions, en fixant comme pays de renvoi le Nigéria, le préfet de la Gironde n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
20. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux
articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de
ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
21. En premier lieu, il ressort de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
22. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
23. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
24. L'arrêté en litige vise les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise que la présence de Mme B... en France n'était due qu'aux délais d'instruction de sa demande d'asile et qu'elle ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens en France. La motivation de l'arrêté fait apparaître que le préfet a pris en compte l'ensemble des critères énoncés par l'article L. 612-10 et la circonstance que ceux-ci soient énoncés sous la forme de cases à cocher est sans incidence sur la suffisance de la motivation. De même, ainsi qu'il a été dit aux points précédents, le préfet n'avait pas à préciser expressément qu'il ne retenait pas deux des quatre critères, non remplis en l'espèce, pas plus qu'il ne devait motiver distinctement le principe et la durée de l'interdiction. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision prononçant une interdiction de retour d'un an doit être écarté.
25. En second lieu, lorsqu'il est saisi d'un moyen le conduisant à apprécier
les conséquences d'une mesure d'interdiction de retour sur la situation personnelle
de l'étranger et que sont invoquées des circonstances étrangères aux quatre critères posés
par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il incombe seulement au juge de l'excès de pouvoir de s'assurer que l'autorité compétente n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
26. Eu égard à la durée de présence de Mme B... sur le territoire, au fait que celle-ci n'était justifiée que par l'examen de sa demande d'asile et que l'intéressée n'a pas d'attaches privées ou familiales autres que son fils en bas âge, le préfet de la Gironde a pu légalement assortir sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. Si Mme B... soutient que son parcours depuis qu'elle a quitté le Nigéria, et notamment le fait qu'elle a été victime d'un réseau de proxénétisme en Italie, aurait dû inciter le préfet à s'abstenir d'une telle interdiction, celle-ci n'est pas entachée d'erreur manifeste quant à ses conséquences sur sa situation personnelle, dès lors que les craintes encourues du fait de son extraction du réseau ne sont, ainsi qu'il a été dit, pas établies. Enfin, la durée de cette interdiction d'un an n'apparaît pas disproportionnée.
27. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée
à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté
du 29 mars 2023.
Sur les frais liés au litige :
28. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président,
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.
Le rapporteur,
Olivier Cotte
Le président,
Luc Derepas
Le greffier,
Fabrice Benoit
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX01645