Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2113605/8 du 5 janvier 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 février 2023, M. A... B..., représenté par Me Layla Saidi, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 janvier 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour d'une durée de dix ans sans délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens de l'instance ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé et méconnaît de ce fait les stipulations du 1) de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les droits de la défense dès lors qu'il n'a pas été régulièrement convoqué devant la commission du titre de séjour ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas, en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée le 14 juin 2023, produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fullana,
- et les observations de Me Saidi, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant égyptien né le 12 mars 1979, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 1er septembre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français. Par un jugement n° 2113605/8 du 5 janvier 2023, dont le requérant relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".
3. Il ressort de l'arrêté en litige que pour refuser le renouvellement du titre de séjour de M. B... en qualité de père d'un enfant français, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur la circonstance que celui-ci représentait une menace à l'ordre public dès lors qu'il est connu au fichier du traitement des antécédents judiciaires pour des faits de violence et de menaces de mort en 2017 ainsi que pour des faits d'agression sexuelle et viol incestueux sur son fils en 2019. M. B... conteste les faits qui lui sont reprochés et il ressort des pièces du dossier que le juge aux affaires familiales a confirmé, en 2017, 2019, 2020 puis, après le signalement de faits supposés de viol et d'inceste, en 2021, l'exercice conjoint de l'autorité parentale sur l'enfant, le droit de garde du père, d'abord sous l'égide d'une association qui a rédigé une note de fin de mission favorable au requérant après le suivi des visites en 2018, puis seul avec son enfant. Il ressort également des pièces du dossier que M. B... n'avait fait l'objet d'aucune condamnation pénale à la date de l'arrêté en litige, plusieurs des plaintes de son ex-compagne ayant été classées sans suite et le Tribunal judiciaire de Bobigny ayant annulé le 13 janvier 2020 la citation de partie civile constituée par son ex-compagne pour des faits de violence sur conjoint aux motifs que le tribunal n'était pas " en mesure de déterminer avec précision la nature, le lieu et la date des faits reprochés ". Enfin, le juge aux affaires familiales a rejeté, le 27 août 2020, la demande d'ordonnance de protection présentée par son ex-compagne. S'il ressort de cette ordonnance que M. B... a reconnu des faits de violence au mois de mars 2017 dans le cadre d'une " altercation réciproque entre époux ", ces faits, pour regrettables qu'ils soient, ne sont pas de nature à eux seuls à démontrer que la présence sur le territoire français de M. B... constitue une menace actuelle et suffisamment grave à l'ordre public. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, le refus de titre de séjour en litige et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, la décision fixant le pays de renvoi et l'interdiction de retour sur le territoire français sont entachés d'illégalité et doivent être annulés.
4. Il résulte ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou à tout préfet territorialement compétent, de délivrer à M. B..., sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il y a lieu en revanche de rejeter sa demande d'injonction tendant à la délivrance d'un titre de séjour valable dix ans, les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoyant pas la délivrance d'un titre de séjour d'une telle durée, et, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions tendant au prononcé d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, faute de dépens dans la présente instance, les conclusions tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de l'Etat doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2113605/8 du 5 janvier 2023 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 1er septembre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. B..., sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable un an, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Topin, présidente,
- Mme Jayer, première conseillère,
- Mme Fullana, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2023.
La rapporteure,
M. FULLANALa présidente,
E. TOPIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 23PA00497