Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme à responsabilité limitée Informatique et Réseaux a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 30 avril 2019 par laquelle l'établissement public Fondation Calvet a refusé de lui payer les factures n° 18-1026 à n° 18-1029 du 20 août 2018, de condamner la Fondation Calvet à lui régler la somme de 4 448,88 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation de son préjudice financier, la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis, ainsi que la somme de 14 688 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, au titre du bénéfice dont a elle été privée du fait de la résiliation du marché.
Par un jugement n° 1902241 du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la Fondation Calvet à verser à la société Informatique et Réseaux sur la somme de 347,56 euros, les intérêts au taux légal courant du 27 juin 2019 à la date de paiement des factures n° 18-1026 à n° 18-1028, et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 28 février 2022, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Informatique et Réseaux, représentée par Me Passet, demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 31 décembre 2021 ;
2°) de condamner la Fondation Calvet à lui payer la somme de 4 448,88 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, au titre du règlement de la facture n°18-1029 du 20 août 2018 ;
3°) de condamner la Fondation Calvet à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis, ainsi que la somme de 14 688 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, au titre de l'indemnisation de la résiliation du marché ;
4°) de mettre à la charge de la Fondation Calvet une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité contractuelle de la Fondation Calvet doit être engagée à raison de l'absence de paiement de la facture n° 18-1029, d'un montant de 4 101,32 euros, afférente au transfert de données effectué ;
- elle conteste l'existence de problèmes informatiques qui seraient survenus de son fait ; les dysfonctionnements dont fait état la fondation ne sauraient lui être imputés ; le transfert des données ne pouvait lui être imposé au titre du pouvoir de modification unilatérale du contrat et par voie de conséquence des pénalités de retard ne pouvaient non plus lui être infligées à raison de ce pouvoir de modification ; par ailleurs une telle modification du contrat ne pouvait intervenir par le courrier du 15 février 2018, qui prononce la résiliation du contrat ;
- en ce qui concerne l'absence de contrat écrit ayant motivé la résiliation, elle procède de la faute commise par la Fondation Calvet tenant à l'absence de respect des règles relatives à la passation d'un contrat public ; la résiliation pour un motif d'intérêt général doit entraîner l'indemnisation du co-contractant ; elle a donc droit à une indemnisation sur le fondement de l'article 98 du code des marchés publics ;
- elle demande à être indemnisée du préjudice subi du fait de la perte de bénéfice du contrat dont elle a bénéficié pendant 16 ans, par l'allocation d'une somme correspondant à une année de prestation ;
- elle a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, du fait de la résiliation prononcée et de la mauvaise foi dont a fait montre la Fondation Calvet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2022, l'établissement public Fondation Calvet, représenté par Me Urien, conclut, à titre principal, au rejet de la requête de la société Informatique et Réseaux et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de cette dernière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société présente des conclusions qui sont irrecevables pour être nouvelles en appel, dès lors qu'elles sont fondées sur une cause juridique distincte de celle invoquée en première instance, dans la mesure où, en première instance, la société s'est fondée sur l'enrichissement sans cause, alors qu'en appel elle se fonde sur la responsabilité contractuelle ;
- à titre subsidiaire, la société n'est pas fondée à demander le règlement de prestations qu'elle n'aurait pas dû exécuter si elle avait donné les éléments techniques requis pour que la société DG Conseil puisse assurer l'infogérance et la maintenance dès le mois de mai 2018 ; de plus, la société Informatique et Réseaux n'a effectué aucune opération de maintenance sur le site pendant les mois de mai, juin et juillet 2018 et n'est donc pas fondée à demander le paiement de prestations qu'elle n'a pas exécutées ;
- la facture n° 18-1029 du 20 août 2018, que la société lui a adressée, diffère de celle communiquée au tribunal, dès lors qu'elle ne mentionne pas le déplacement du 13 août 2018 et ne fait état que de prestations pour les mois de mai et juin 2018, pour lesquels la société Informatique et Réseaux n'a réalisé aucune prestation ;
- pour ce qui est de la demande de condamnation à la somme de 14 688 euros toutes taxes comprises, elle est infondée dès lors qu'il était prévu que la résiliation ne prenne effet qu'à compter de la date à laquelle le transfert technique avec le nouvel attributaire interviendrait, ce transfert étant intervenu le 13 août 2018 ; dans ces conditions, la société appelante, qui ne démontre pas l'impossibilité qui aurait été la sienne de procéder au transfert de données avant cette dernière date, n'est pas fondée à soutenir que le marché n'était plus en cours d'exécution, lors de la modification unilatérale du contrat, par lettre du 15 février 2018 ;
- faute pour la société d'avoir rempli ses obligations quant au transfert de données, elle était en droit de lui infliger des pénalités de retard jusqu'à la date du 13 août 2018 et ces pénalités, modiques, n'étaient pas de nature à bouleverser l'équilibre financier du contrat ;
- pour ce qui est de l'absence de contrat écrit, la résiliation du contrat n'a pas été motivée par cette circonstance, mais par la volonté, eu égard à la durée d'exécution du contrat, pendant une quinzaine d'années, de remettre en concurrence le marché, dans le respect des principes de la commande publique ;
- contrairement à ce que soutient la société appelante, la conclusion d'un marché sans formalité et de façon verbale en 2002 n'était pas illégale au regard des dispositions alors applicables ; en tout état de cause, l'appelante ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre la faute qui serait constituée par l'illégalité du contrat conclu en 2002 et le préjudice qu'elle allègue, alors qu'elle a bénéficié pendant quinze ans d'un marché d'infogérance et de maintenance informatique, qu'elle pratiquait des tarifs très largement supérieurs à ceux de ses concurrents, et qu'elle n'a pas présenté d'offres lors de l'appel public à la concurrence ;
- si l'appelante invoque l'article 98 du code des marchés publics, celui-ci était abrogé à la date de la résiliation du marché ; de plus, la personne publique est en droit de prononcer, dans l'intérêt du service, comme c'est le cas en l'espèce, une résiliation d'un contrat dont la durée n'a pas été déterminée, sans que cela ouvre droit à indemnité au profit du co-contractant ; en l'espèce, la mise en concurrence a permis de diminuer sensiblement les dépenses exposées pour les prestations de maintenance informatique et d'infogérance ;
- pour ce qui est de la demande de la société tendant à obtenir réparation au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, si elle fait valoir l'existence d'un lien entre la baisse de son chiffre d'affaires, à compter de l'année 2016, et l'atteinte à la réputation qu'elle subirait, cette atteinte n'est en tout état de cause, pas établie .
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bentolila,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Urien, représentant la fondation Calvet.
Considérant ce qui suit :
1. L'établissement public Fondation Calvet a conclu oralement en 2002 un marché public de maintenance informatique avec la société Informatique et Réseaux. Par une lettre du 15 février 2018, la Fondation Calvet a prononcé la résiliation de ce contrat à effet au 16 avril 2018, avec une période de " transférabilité " de trois mois au cours de laquelle la société Informatique et Réseaux était tenue de fournir à la Fondation Calvet, ou à l'attributaire du nouveau marché à venir de maintenance informatique, l'ensemble des éléments requis pour assurer la reprise des opérations de maintenance. Par la même décision, l'établissement public a informé la société Informatique et Réseaux qu'elle serait également tenue de lui restituer certaines données dans un délai de quinze jours à compter d'une demande qui lui serait faite ultérieurement, sous peine de pénalités de retard de 150 euros par jour. Par un courrier du 27 avril 2018, la Fondation Calvet a informé la société Informatique et Réseaux de l'attribution du nouveau contrat à la société DG Conseil. Par un courrier du 24 mai 2018, la Fondation Calvet a mis en demeure la société Informatique et Réseaux de transférer à la société DG Conseil les éléments et informations nécessaires à la poursuite du contrat dans un délai de 15 jours sous peine de pénalités de 150 euros par jour de retard. Par courrier du 6 juin 2018, la société Informatique et Réseaux a transmis à la Fondation Calvet un devis pour les opérations de transfert et a contesté les modalités de la résiliation, la période de " transférabilité ", ainsi que les pénalités de retard. Par une ordonnance n° 1801818 rendue le 23 juillet 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a enjoint à la société Informatique et Réseaux de communiquer ou de transférer à la Fondation Calvet les éléments nécessaires à la poursuite de la maintenance de ses outils informatiques, dans un délai de dix jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard. L'entreprise s'est conformée à cette injonction lors d'une réunion du 13 août 2018. Le 20 août suivant, la société Informatique et Réseaux a émis quatre factures d'un montant total de 4 448,88 euros, que la Fondation Calvet a refusé de payer par un courrier du 30 avril 2019. La société Informatique et Réseaux a demandé au tribunal administratif de Nîmes, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler cette décision du 30 avril 2019 et de condamner la Fondation Calvet à lui verser les sommes de 4 448,88 euros, 3 000 euros et 14 688 euros en réparation, respectivement, du préjudice financier subi à raison de l'absence de paiement des factures précitées, de son préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence, ainsi que de la perte du bénéfice dont elle estime avoir été privée.
2. Par un jugement n° 1902241 du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la Fondation Calvet à verser à la société Informatique et Réseaux, les intérêts au taux légal courant du 27 juin 2019 à la date de paiement des factures n°18-1026 à 18-1028 sur la somme de 347,56 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
3. La société Informatique et Réseaux relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait pas droit à l'intégralité de ses demandes.
Sur le paiement de la facture n° 18-1029 :
4. En ce qui concerne, en premier lieu, les prestations que l'appelante aurait accomplies en mai, juin et juillet 2018 au profit de la Fondation Calvet, elle ne justifie pas plus en appel qu'en première instance, de la réalité de ces prestations. En ce qui concerne, en second lieu, la demande tendant au paiement de prestations de transfert de données qui auraient été accomplies le 13 août 2018, par la société, il résulte de l'instruction que la facture n° 18-1029, datée du 20 août 2018, adressée à la Fondation Calvet, ne porte pas la mention " déplacement du 13 août 2018 ", à la différence de celle produite par la société devant les premiers juges et produite de nouveau en appel , qui comporte cette mention . En tout état de cause, la facture n° 18-1029 dans sa version transmise aux premiers juges et en appel, ne procède pas à un chiffrage de la prestation du 13 août 2018 dès lors que son montant est identique à celui figurant sur la facture adressée à la Fondation Calvet portant sur les mois de mai, juin et juillet 2018. Les conclusions présentées par la société Informatique et Réseaux doivent donc être rejetées.
Sur la résiliation du marché et le droit à indemnisation du titulaire :
5. En premier lieu, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, la Fondation Calvet pouvait, au motif de la volonté de mettre en concurrence un marché que la société Informatique et Réseaux exécutait sans contrat écrit depuis 2002, ce qui constituait un motif d'intérêt général, prononcer la résiliation du marché. En second lieu, la Fondation Calvet, qui ne s'était pas engagée pour une durée déterminée vis-à-vis de la société Informatique et Réseaux, pouvait mettre fin au contrat sans que celle-ci puisse prétendre à indemnité du fait de cette résiliation. À cet égard, la circonstance selon laquelle la Fondation Calvet aurait commis une faute en ne concluant pas de contrat écrit est sans incidence sur la régularité de la résiliation du contrat dans l'intérêt général. Dans ces conditions, les conclusions présentées par la société Informatique et Réseaux tendant à la condamnation de la Fondation Calvet à lui verser la somme de 14 688 euros à titre d'indemnité de résiliation doivent être rejetées.
Sur le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :
6. Les conclusions tendant à la réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence sont, comme le soutient l'intimée, irrecevables faute d'avoir été précédées d'une demande indemnitaire, alors qu'en tout état de cause, la société Informatique et Réseaux ne justifie de la réalité ni du préjudice moral ni des troubles dans les conditions d'existence qu'elle allègue.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel de la société Informatique et Réseaux, que celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a limité la condamnation de la Fondation Calvet au paiement d'intérêts sur la somme de 347,56 euros.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Fondation Calvet, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Informatique et Réseaux demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Informatique et Réseaux au bénéfice de la Fondation Calvet, la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Informatique et Réseaux est rejetée.
Article 2: La société Informatique et Réseaux versera la somme de 1 500 euros à la Fondation Calvet sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme à responsabilité limitée Informatique et Réseaux et à l'établissement public Fondation Calvet.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023
Le rapporteur
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL00721