Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 24 mai 2022 par lequel la préfète du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2201594 du 6 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 août 2022, M. C..., représenté par Me Belaïche, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 mai 2022 par lequel la préfète du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 24 de l'accord de coopération en matière de justice entre la République française et la République du Mali ;
- elle méconnaît l'article 47 du code civil ;
- elle est entachée d'inexactitude matérielle des faits quant à sa minorité dès lors qu'il était âgé de seize ans à la date à laquelle il a été confié à l'aide sociale à l'enfance ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'une d'appréciation ;
- les décisions portant fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2023, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 28 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mai 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- l'accord de coopération en matière de justice entre la République française et la République du Mali du 9 mars 1962 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-383/13 du 10 septembre 2013, C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,
- et les observations de Me Belaïche, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant malien se présentant comme né le 20 août 2002 à Sabalibougou, également connu sous les alias D... C..., né le 15 septembre 1994 à Kolondinkoye, et Samba C..., né le 20 août 2002 à Bamako, s'est présenté devant le guichet unique des demandeurs d'asile de la préfecture des Hauts-de-Seine, le 16 novembre 2017, où sa demande d'asile a été enregistrée le même jour. La comparaison de ses empreintes décadactylaires au moyen du système Eurodac ayant révélé qu'il avait sollicité l'asile en Italie le 29 mai 2015, l'intéressé a été placé sous procédure dite Dublin et les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de reprise en charge. Par un arrêté du 9 janvier 2018, le préfet des Hauts-de-Seine a prononcé son transfert vers l'Italie. En vue de mettre à exécution son transfert, cette même autorité l'a placé en rétention administrative le 13 mars 2018. Toutefois, l'intéressé ayant refusé d'embarquer sur le vol prévu le 14 mars 2018 pour Milan, il a été déclaré en fuite.
2. Par une ordonnance du procureur de la République de Nîmes du 26 novembre 2018, M. C... a été provisoirement placé auprès de l'aide sociale à l'enfante du Gard en qualité de mineur non accompagné. Dans le cadre de son inscription en certificat d'aptitude professionnelle spécialité cuisine, l'intéressé a bénéficié d'un contrat d'apprentissage à compter du 22 juillet 2019, en qualité d'apprenti commis de cuisine au sein d'un restaurant à Sauve (Gard). Par un jugement en assistance éducative du 26 juillet 2019, il a été placé auprès de l'aide sociale à l'enfance du Gard jusqu'au 20 août 2020, date de sa majorité. Par la suite, l'intéressé a bénéficié d'un accompagnement en qualité de jeune majeur du 20 août 2020 au 30 octobre 2021. Le 2 juillet 2020, M. C... a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auprès de la préfecture du Gard. Le 24 mai 2022, l'intéressé a fait l'objet d'un placement en garde à vue par le service territorial de la police aux frontières de Nîmes dans le cadre d'une procédure judiciaire pour des faits d'usage de faux documents administratifs constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation, de tentative d'obtention frauduleuse de document administratif constatant un droit, une identité, une qualité ou accordant une autorisation et d'escroquerie commis au préjudice de la préfecture et du service de l'aide sociale à l'enfance du département du Gard. Par deux arrêtés du 24 mai 2022, la préfète du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans. Le même jour, cette autorité a prononcé son placement en rétention administrative. Saisi d'une demande tendant à la prolongation du placement en rétention de l'intéressé, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes a, par une ordonnance du 27 mai 2022, prononcé la mainlevée de cette mesure. M. C... relève appel du jugement du 6 juillet 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 24 mai 2022. Par un arrêté du 28 décembre 2022, la préfète du Gard lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions applicables à la situation de M. C..., notamment les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article L. 612-2 et celles des 1°, 5° et 7° de l'article L. 612-3 du même code. En outre, il mentionne l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative et personnelle de l'intéressé en rappelant les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français. Par ailleurs, il rappelle le principe posé à l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lequel l'obligation de quitter le territoire français est assortie d'une interdiction de retour d'une durée maximale de trois ans dès lors qu'aucun délai de départ volontaire n'est accordé à l'étranger éloigné et mentionne que le requérant ne justifie d'aucune circonstance faisant obstacle au prononcé d'une telle mesure. En outre, il mentionne que M. C... n'a pas déféré à une précédente mesure de transfert vers l'Italie et se maintient en France irrégulièrement, qu'il est célibataire et sans charges de famille, qu'il dispose de liens familiaux au Mali où vivent ses parents et son frère tandis que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas intenses et stables. Enfin, l'arrêté en litige mentionne la nationalité de M. C... en précisant qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté en litige, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement des décisions qu'il comporte est, par suite, suffisamment motivé.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R* 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". L'article R. 432-2 du même code dispose que : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R.* 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois (...) ". Il ne ressort pas de la motivation, exhaustive, de l'arrêté en litige qu'il n'aurait pas été précédé d'un examen particulier de la situation personnelle de l'appelant. S'il est constant que M. C... a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de son placement à l'aide sociale à l'enfance et de la conclusion d'un contrat d'apprentissage en qualité de commis de cuisine, il ressort des pièces du dossier que le silence gardé par l'autorité préfectorale sur cette demande a, en application des dispositions précitées de l'article R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, donné lieu à une implicite de rejet que l'arrêté préfectoral ultérieur du 28 décembre 2022 portant refus de titre de séjour n'a fait que confirmer.
5. En troisième lieu, aux termes du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ". Ces dispositions, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Elles ne prévoient pas de droit pour un étranger à être entendu dans le cadre de la procédure de prise d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français.
6. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé, notamment par son arrêt C 383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des États tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des États membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des États tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu. Ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
7. Dans le cadre ainsi posé, et s'agissant plus particulièrement des décisions relatives au séjour des étrangers, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans ses arrêts C 166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 visés ci-dessus, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
8. Enfin, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt du 10 septembre 2013 cité au point 6, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment des procès-verbaux d'audition dressés par le service territorial de la police aux frontières de Nîmes le 24 mai 2022, que M. C... a été spécifiquement interrogé sur les conditions de son entrée sur le territoire, sur sa situation administrative et la régularité de son séjour sur le territoire français, sur ses ressources, ses liens en France et dans son pays d'origine, ainsi que sur son état de santé mais que la perspective d'un éloignement ne lui a pas été présentée. Par suite, M. C... doit être regardé comme n'ayant pas été informé de l'intention de la préfète du Gard de prendre à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, que les arguments que M. C... aurait pu, le cas échéant, avancer, relatifs au contrat d'apprentissage qu'il a conclu en qualité de commis de cuisine dans un restaurant, à son expérience professionnelle dans le domaine de la restauration et à sa demande de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 en qualité de salarié auraient pu influer sur le contenu de cette décision dès lors que l'intéressé a expressément reconnu, lors de son audition, être majeur lors de son arrivée dans le Gard et s'être prévalu de sa minorité en vue de bénéficier d'un droit au séjour en qualité de mineur confié à l'aide sociale à l'enfance. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de l'appelant à être entendu doit, dans les circonstances de l'espèce, être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 24 de l'accord de coopération en matière de justice entre la République française et la République du Mali du 9 mars 1962 : " Seront admis, sans légalisation, sur les territoires respectifs de la République française et de la République du Mali les documents suivants établis par les autorités administratives et judiciaires de chacun des deux États : / Les expéditions des actes de l'état civil ; / Les expéditions des décisions, ordonnances, jugements, arrêts et autres actes judiciaires ; / Les déclarations écrites ou autres documents judiciaires enregistrés ou déposés dans les tribunaux des deux États ; / Les actes notariés ; / Les certificats de vie de rentiers viagers. / Les documents énumérés ci-dessus devront être revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et, s'il s'agit d'expéditions, être certifiés conformes à l'original par ladite autorité. En tout état de cause, ils seront établis matériellement de manière à faire apparaître leur authenticité ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ". Dès lors que la mesure d'éloignement en litige ne se fonde pas sur le caractère frauduleux des actes d'état civil produits par l'appelant mais sur la circonstance qu'il ne justifie pas de son entrée régulière sur le territoire français et qu'il s'y maintient de manière irrégulière après avoir fait l'objet d'un arrêté de transfert édicté par le préfet des Hauts-de-Seine le 9 janvier 2018 dont il s'est soustrait à la mise à exécution, M. C... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations et dispositions.
11. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que la décision en litige est entachée d'inexactitude matérielle des faits quant à la minorité de l'appelant est inopérant et doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que lors de son audition par les services de la police aux frontières le 24 mai 2022, M. C... a expressément déclaré être majeur et s'être présenté en qualité de mineur en vue de bénéficier d'un placement auprès de l'aide sociale à l'enfance du Gard pour, par la suite, pouvoir prétendre à un droit au séjour.
12. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". M. C... se prévaut de son insertion socio-professionnelle acquise dans le cadre de son emploi de cuisinier. Toutefois, par ces seuls éléments, qui ne sont étayés par aucune pièce probante, l'appelant ne justifie pas de la nature, de l'ancienneté et de la stabilité des liens qu'il a développés en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine alors qu'il est entré et se maintient en France de manière irrégulière en dépit d'un précédent arrêté de transfert édicté par le préfet des Hauts-de-Seine le 9 janvier 2018. Par ailleurs, l'intéressé, qui se déclare célibataire et sans enfant, dispose de nombreuses attaches au Mali, attestées par la présence de ses parents et de son frère. Dans ces conditions, compte tenu des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé sur le territoire français, la préfète du Gard n'a pas, en faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :
13. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". L'article L. 612-3 du même code précise que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / 7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ".
14. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que M. C... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, édictée par un arrêté de transfert vers l'Italie du préfet des Hauts-de-Seine du 9 janvier 2018, à laquelle il n'a pas déféré en refusant d'embarquer sur le vol chargé de l'acheminer en Italie afin que sa demande d'asile soit examinée par les autorités en charge de l'asile de cet État. Dès lors que l'intéressé s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne justifie pas de circonstances humanitaires particulières, l'autorité préfectorale pouvait, pour ce seul motif, refuser de lui accorder un délai de départ volontaire. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier des déclarations recueillies lors de son audition par les services de la police aux frontières, que M. C... a présenté des documents d'état civil frauduleux en vue d'établir sa minorité de sorte qu'un délai de départ volontaire pouvait légalement lui être refusé pour ce motif. Par suite, la préfète du Gard n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se fondant sur les dispositions du 5° de l'article L. 612-3 du même code pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. C....
Sur les décisions portant fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français :
15. L'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, ainsi qu'il a été dit aux points 3 à 12, le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient, par voie de conséquence, illégales doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Gard du 24 mai 2022. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées au titre de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21752