Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2206747 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juin 2023, M. C..., représenté par Me Aymard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Aymard en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est privée de base légale par l'illégalité de la décision lui refusant le séjour ;
- la décision fixant le pays de destination a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2023.
Par un mémoire enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à son mémoire de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1 M. C..., ressortissant de nationalité congolaise né le 23 mars 1988, déclare être entré irrégulièrement en France le 14 octobre 2014. Sa demande d'asile a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 octobre 2015. Il a bénéficié de titres de séjour en raison de son état de santé à compter du 1er décembre 2016, dont le dernier expirait le 3 octobre 2021. Le 18 août 2021, il a sollicité à titre principal le renouvellement de ce titre de séjour et la délivrance d'une carte de résident portant la mention " résident de longue durée UE " sur le fondement de l'article L. 426-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A titre subsidiaire, il a demandé la délivrance d'une carte de résident sur le fondement de l'article 11 de la convention franco-congolaise signée le 31 juillet 1993 à Brazzaville. Par un courrier du 22 mars 2022, il a déclaré renoncer à sa demande de titre de séjour pour soins. Par un arrêté du 9 décembre 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 23 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " En vertu de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Pour l'application de ces dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
3. L'appelant fait valoir qu'il réside depuis plus de sept années en France, dont cinq en situation régulière, a toujours travaillé, et bénéficie d'une promesse d'embauche. Il fait également valoir qu'il a épousé en septembre 2020 une compatriote et qu'une enfant est née de cette union le 6 avril 2022. Toutefois, M. C... n'a été admis sur le territoire français que pour le temps strictement nécessaire à l'administration des soins que son état de santé requérait. S'il produit pour la première fois en appel des bulletins de paie et ses avis d'imposition pour les années 2020 et 2021, il ressort de ces documents qu'il n'a travaillé que de façon ponctuelle de 2017 à 2020. Par ailleurs, si son épouse bénéficie de la protection subsidiaire en Roumanie et détient un titre de voyage pour étranger délivré par les autorités roumaines, elle ne justifie pas pour autant d'un droit au séjour en France. Dans ces conditions, M. C..., qui ne peut en outre se prévaloir d'éléments postérieurs à l'arrêté contesté, n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et aurait méconnu les stipulations précitées de l'article de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale.
Sur la légalité de la mesure d'éloignement :
4. D'une part, il résulte de ce qui de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'illégalité de la décision lui refusant le séjour priverait de base légale la décision lui faisant obligation de quitter le territoire.
5. D'autre part, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les motifs exposés au point 3.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
6. Aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. Il est constant que l'épouse de M. C..., de nationalité congolaise, est bénéficiaire de la protection subsidiaire en Roumanie. Par conséquent, la cellule familiale ne peut se reconstituer au Congo mais rien n'exclut en revanche qu'elle se reconstitue en Roumanie. Or, la décision fixant le pays de renvoi ne mentionne que le pays d'origine du requérant ainsi que les pays non membre de l'union européenne dans lesquels il serait légalement admissible, ce qui exclut la Roumanie. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que cette décision a méconnu l'intérêt supérieur de son enfant tel que protégé par les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, puisqu'elle implique nécessairement sa séparation avec l'un de ses parents.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant que ce jugement n'a pas annulé la décision fixant le pays de renvoi en ce qu'elle inclut le Congo et exclut la Roumaine comme pays de destination possible.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction de M. C... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
10. En application des dispositions des article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et au bénéfice de Me Aymard une somme de 1 000 euros sous réserve qu'il renonce au bénéfice de la contribution de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 9 décembre 2022 fixant le pays de renvoi est annulée en tant qu'elle inclut le Congo et exclut la Roumaine comme pays de renvoi.
Article 2 : Le jugement attaqué du tribunal administratif de Bordeaux du 23 mars 2023 est annulé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Aymard une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de la contribution de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2023.
Le rapporteur,
Manuel B...
Le président,
Laurent PougetLa greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX01789 2