Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... et Mme A... B... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.
Par un jugement no 2001758 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 février 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Foudil, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition en litige ;
3°) de mettre la somme de 4 800 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la SNC C... et B... n'avait pas disposé d'un délai suffisant pour se faire assister d'un conseil avant le début des opérations de contrôle ;
- l'examen de comptabilité de la SNC a débuté sans que soit respecté un délai de deux jours francs permettant au contribuable de se faire assister d'un conseil ;
- ce contrôle n'a pas donné lieu à un débat oral et contradictoire, dès lors que le cabinet d'expertise comptable qui est intervenu n'était pas mandaté pour représenter la société ;
- l'administration n'était pas fondée à remettre en cause la provision constituée par la société pour dépréciation de son fonds de commerce.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mérenne,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... sont associés de la SNC C... et B..., qui exploite une pharmacie dans le 15ème arrondissement de Marseille. Celle-ci a fait l'objet d'un examen de comptabilité au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016. A l'issue de ce contrôle, l'administration a notamment remis en cause une provision pour dépréciation du fonds de commerce et a adressé une proposition de rectification le 8 décembre 2017 à la SNC d'une part, et à M. et Mme C... d'autre part. Ces derniers font appel du jugement du 17 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui en ont résulté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme C..., le tribunal a expressément écarté le moyen tiré de ce que la SNC n'avait pas disposé d'un délai suffisant pour se faire assister d'un conseil avant le début des opérations de contrôle au point 5 du jugement attaqué.
Sur la régularité de la procédure de contrôle :
3. Aux termes de l'article L. 13 G du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, les agents de l'administration peuvent, lorsque des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables tiennent leur comptabilité au moyen de systèmes informatisés, examiner cette comptabilité sans se rendre sur place. " Aux termes de l'article L. 47 du même livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / L'avis informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site internet de l'administration fiscale ou lui être remise sur simple demande. (...) ". Aux termes de l'article L. 47 AA du même livre : " 1. Dans un délai de quinze jours à compter de la réception d'un avis d'examen de comptabilité, le contribuable adresse à l'administration, sous forme dématérialisée répondant aux normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables. / (...) ".
4. En premier lieu, M. et Mme C... font valoir que l'administration fiscale ne pouvait, à l'occasion de l'avis d'examen de comptabilité du 5 octobre 2017, inviter la SNC à lui communiquer " les éléments justificatifs de la nature et du montant de la provision inscrite au bilan pour un montant de 164 329 euros " sans lui impartir préalablement un délai suffisant pour se faire assister par un conseil. Toutefois, et ainsi que l'a déjà jugé le tribunal administratif, cette demande ne pouvait être regardée par elle-même comme participant au contrôle de la comptabilité de la société, mais avait seulement pour objet de permettre la réalisation de ce contrôle. Par suite, cette demande ne caractérisait pas le début des opérations constitutives de l'examen de comptabilité pour la réalisation desquelles la SNC devait être mise à même de se faire assister par un conseil, et pour lesquelles un délai suffisant doit être laissé au contribuable. La charte des droits et obligations du contribuable vérifié, qui prévoit que " L'administration peut également vous demander tous renseignements, justifications et éclaircissements sur les opérations relatives à la période examinée. " au cours de la procédure d'examen de comptabilité, ne fait pas obstacle à la présentation d'une telle demande à l'occasion de l'avis prévu au premier alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.
5. En deuxième lieu, M. et Mme C... font valoir que l'avis d'examen de comptabilité a été notifié à la SNC C... et B... le 10 octobre 2017, que celle-ci lui a adressé une copie du fichier des écritures comptables le 11 octobre 2017 via le serveur dédié de l'administration, et qu'ainsi, elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour se faire assister par un conseil. Toutefois, l'avis d'examen de comptabilité du 5 octobre 2017 impartissait à la société un délai de quinze jours pour transmettre une copie des fichiers des écritures comptables, dans les conditions prévues par le premier alinéa de l'article L. 47 AA du livre des procédures fiscales. Si M. et Mme C... font valoir que la société a répondu rapidement à cette demande en raison des " pressions " exercées par l'administration fiscale à l'occasion d'une conversation téléphonique, ils ne l'établissent pas. Le délai de quinze jours, imparti à la société pour transmettre une copie du fichier des écritures comptables, laissait à la SNC un délai suffisant pour se faire assister par un conseil. La circonstance qu'elle ait spontanément adressé ce fichier dans un délai plus bref ne l'a pas privée de ce droit.
6. En troisième lieu, et ainsi que l'a déjà jugé le tribunal aux points 6 et 7 du jugement attaqué, l'administration a adressé une demande de renseignements au représentant légal de la société le 30 octobre 2017, s'est entretenu avec ce dernier le 17 novembre 2017 au sujet des éléments comptables et des documents communiqués, et l'a contacté le 6 décembre 2017 afin de lui faire part des conclusions de l'examen de comptabilité, conduisant à un débat sur ces conclusions. En réponse, le représentant légal de la société a spontanément désigné un membre de son cabinet d'expertise comptable pour répondre à l'administration. Si M. et Mme C... font valoir que ce dernier ne disposait pas d'un mandat exprès pour représenter la société lors du débat oral et contradictoire, ce moyen est inopérant dès lors que l'administration fiscale s'est toujours directement adressée au représentant légal de la société en lui offrant la possibilité d'un tel débat.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
7. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient effectivement été constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III à ce code : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ". Aux termes de l'article 38 sexies de la même annexe dans sa rédaction applicable au litige : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de matière irréversible, notamment (...) les fonds de commerce, (...) donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ".
8. D'autre part, aux termes de l'article L. 123-14 du code de commerce : " Les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise. / Lorsque l'application d'une prescription comptable ne suffit pas pour donner l'image fidèle mentionnée au présent article, des informations complémentaires doivent être fournies dans l'annexe. / Si, dans un cas exceptionnel, l'application d'une prescription comptable se révèle impropre à donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ou du résultat, il doit y être dérogé. Cette dérogation est mentionnée à l'annexe et dûment motivée, avec l'indication de son influence sur le patrimoine, la situation financière et le résultat de l'entreprise ". Aux termes de l'article 322-1 du plan comptable général, dont les dispositions ont été reprises pour les exercices ouverts après le 1er janvier 2014 à l'article 214-6 : " (...) 4 - La dépréciation d'un actif est la constatation que sa valeur actuelle est devenue inférieure à sa valeur nette comptable. / 5 - La valeur brute d'un actif est sa valeur d'entrée dans le patrimoine (...). / 7 - La valeur nette comptable d'un actif correspond à sa valeur brute diminuée des amortissements cumulés et des dépréciations. / 8 - La valeur actuelle est la valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage (...). / 10 - La valeur vénale est le montant qui pourrait être obtenu, à la date de clôture, de la vente d'un actif lors d'une transaction conclue à des conditions normales de marché, net des coûts de sortie. (...) / 11 - La valeur d'usage d'un actif est la valeur des avantages économiques futurs attendus de son utilisation et de sa sortie. Elle est calculée à partir des estimations des avantages économiques futurs attendus. Dans la généralité des cas, elle est déterminée en fonction des flux nets de trésorerie attendus. (...). "
9. La déductibilité fiscale d'une provision est subordonnée, en application des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et de l'article 38 quater de l'annexe II à ce code, outre aux conditions relatives à la dépréciation elle-même, à ce que la provision en cause ait été constatée dans les écritures de l'exercice conformément, en principe, aux prescriptions comptables. S'agissant de la dépréciation d'un élément d'actif, il résulte des dispositions du plan comptable général citées au point précédent que la passation de l'écriture comptable correspondante est subordonnée au constat selon lequel la valeur actuelle de cet élément d'actif, valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage, est devenue notablement inférieure à sa valeur nette comptable. Par suite, la seule circonstance que la valeur vénale d'un élément d'actif soit devenue inférieure à sa valeur nette comptable ne saurait, en principe, justifier la déductibilité fiscale d'une provision s'il apparaît que la valeur d'usage reste supérieure à cette valeur nette comptable, faisant ainsi obstacle à la comptabilisation d'une dépréciation.
10. La SNC C... et B... a acquis le 30 avril 2004 le fonds de commerce d'une officine de pharmacie pour un montant de 1 305 000 euros, dont 45 000 euros de matériel, et a enregistré à ce titre une immobilisation de 1 251 058,79 euros. La société a ensuite constitué une provision pour dépréciation de fonds de commerce d'un montant de 164 329 euros au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2013. Cette provision a été maintenue en comptabilité pour les exercices de la période examinée, clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016. L'administration fiscale a remis en cause cette provision pour la réintégrer au résultat imposable de la société pour l'exercice clos le 30 septembre 2014.
11. M. et Mme C... font valoir que l'administration fiscale ne pouvait comparer les exercices clos entre 2013 et 2016 à ceux clos entre 2001 et 2003, dès lors que ces derniers étaient antérieurs à la cession du fonds de commerce, et qu'elle aurait dû les comparer à l'exercice clos en 2004. Il résulte cependant de l'instruction que la valeur du fonds de commerce, telle qu'inscrite au bilan, correspondait à la valeur de cession déterminée en avril 2004 compte tenu du chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation constatés pour les exercices clos entre 2001 et 2003. L'administration était dès lors fondée à prendre ces exercices pour point de comparaison, ainsi que l'y invitait d'ailleurs la société contrôlée. Le chiffre d'affaires de cette dernière au cours de la période contrôlée s'est révélé stable, de l'ordre de 1,2 million d'euros, par rapport à la période de référence. Le résultat imposable n'a pas davantage diminué de manière significative. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que la valeur d'usage de l'actif au titre duquel la provision pour dépréciation a été constituée soit devenue notablement inférieure à sa valeur nette comptable. M. et Mme C... se réfèrent également à des études établies par l'organisme Interfimo relatives au prix de cession des officines de pharmacie dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Ainsi qu'il a été dit au point 9, la seule circonstance que la valeur vénale d'un élément d'actif soit devenue inférieure à sa valeur nette comptable ne saurait, en principe, justifier la déductibilité fiscale d'une provision s'il apparaît que la valeur d'usage reste supérieure à cette valeur nette comptable. Par ailleurs ces études à caractère général ne suffisent pas pour établir que le fonds de commerce concerné aurait subi une réelle dépréciation au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2014. Dans ces conditions, M. et Mme C... ne justifient pas du bien-fondé de la provision constituée au titre de la dépréciation de ce fonds de commerce. Dès lors, l'administration était fondée à remettre en cause sa déduction.
12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Leur requête doit donc être rejetée, y compris leurs conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et Mme A... B... épouse C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président-assesseur,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.
La greffière,
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No 22MA00601