Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2023 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2301165 du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Dufraisse, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 4 janvier 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un certificat de résidence en raison de son état de santé, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de droit lorsque la préfète estime que le fait qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine a pour conséquence que la disponibilité du traitement en Algérie serait sans incidence ; la neutralisation d'un tel motif ne peut être effectuée dès lors qu'il n'est pas établi que la seule atteinte à l'ordre public, opposée par la préfecture, l'aurait amenée à prendre la même décision ; il a en effet effectué sa peine mineure, bien avant le dépôt de sa demande de titre de séjour et n'a plus été poursuivi depuis les faits reprochés commis en 2021 ; dans le même temps, son état de santé s'est aggravé en raison d'une infection à la légionellose ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, puisque le médicament qui lui est prescrit pour sa maladie auto-immune, relevant de la catégorie des bio-médicaments, n'est pas disponible en Algérie et que, quand bien même il le serait, il n'est pas effectivement accessible du fait de l'insuffisance de l'accès aux soins dans sa ville d'origine et du coût de ce médicament ; la seule circonstance que l'une des molécules qui le compose soit disponible en Algérie n'établit pas que ce médicament serait utilisé pour traiter la pathologie qu'il présente ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, puisqu'à la suite de son infection, qui a aggravé sa maladie
auto-immune, il a besoin deux fois par mois de se rendre en milieu hospitalier pour recevoir une injection sous-cutanée d'un médicament composé d'agents anti-TNF.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête, en renvoyant à ses écritures de première instance, qu'il produit.
M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Cotte,
- et les observations de Me Dufraisse, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 30 octobre 1990, est entré en France en janvier 2020. Après avoir fait l'objet, le 24 juillet 2020 à la suite de son interpellation pour dégradation de biens privés, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour de deux ans, il a sollicité, le 13 mai 2022, son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 4 janvier 2023, la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour pendant une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 1er juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a refusé d'annuler cet arrêté préfectoral.
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 4 janvier 2023 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". L'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui comprend un service médical, a notamment pour mission de participer à la procédure d'instruction des demandes de titre de séjour en qualité d'étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale prévue à l'article L. 425-9. Aux termes de cette dernière disposition, relative à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " pour raisons de santé, " (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". L'article R. 313-22 du même code précise que : " L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
3. Il résulte des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé et des dispositions des articles L. 121-1, L.121-4, L. 313-11 et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précitées, que la décision de délivrer un titre de séjour aux ressortissants algériens résidant habituellement en France, ou de le renouveler, est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, émis au vu d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office, et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités pour l'intéressé de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêté en litige que, pour refuser la délivrance d'un certificat de résidence à M. B..., la préfète de la Gironde a estimé que, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine et qu'" en tout état de cause, l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine est sans incidence ". En statuant ainsi, alors que les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien imposent de vérifier si le ressortissant algérien dont l'état de santé requiert une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la préfète de la Gironde a commis une erreur de droit.
5. Toutefois, la préfète de la Gironde s'est également fondée, pour rejeter la demande de M. B..., sur la menace que son comportement représente pour l'ordre public.
6. Les stipulations de l'accord franco-algérien ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné, une première fois, le 5 février 2021, à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits, commis six mois après son entrée sur le territoire, de menace de mort réitérée et dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui. Il a été à nouveau condamné, le 9 août 2021, à quatre mois d'emprisonnement pour des faits, commis un an après la précédente infraction, de violence en réunion suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours et vol en réunion. Eu égard à la nature des faits dont il s'est rendu coupable depuis son entrée en France, et alors même que la dernière infraction a été commise plus d'un an avant l'édiction de l'arrêté en litige, la préfète de la Gironde a pu légalement estimer que le comportement de M. B... représentait une menace pour l'ordre public.
8. Il résulte de l'instruction, et notamment du fait que le collège de médecins de l'OFII, qui avait été consulté par la préfète de la Gironde avant l'édiction de l'arrêté en litige, avait estimé, dans son avis du 12 septembre 2022, que le traitement dont M. B... a besoin est effectivement disponible dans son pays d'origine, que la préfète de la Gironde aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur le seul motif relatif à la menace à l'ordre public.
9. En second lieu, en l'absence de dispositions expresses s'y opposant, l'autorité compétente peut légalement, à titre gracieux et lorsque la situation particulière de l'intéressé le justifie, faire droit à une demande de délivrance d'un certificat de résidence émanant d'un ressortissant algérien qui ne remplit pas les conditions énoncées par les stipulations de l'accord franco-algérien pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour.
10. Dans les circonstances de l'espèce, alors, d'une part, que M. B... n'a aucune attache privée ou familiale sur le territoire, que sa famille réside en Algérie et qu'il ne démontre aucune volonté d'insertion, d'autre part, que le traitement que requiert son état de santé est disponible en Algérie et qu'il n'est pas établi, contrairement à ce qui est soutenu, qu'il ne serait pas effectivement accessible, et enfin, que son comportement est constitutif d'une menace pour l'ordre public, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de l'intéressé.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.
Le rapporteur,
Olivier Cotte
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX01821