Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 29 avril 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2202837 du 2 janvier 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2023, M. D..., représenté par Me Cohen Tapia, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 janvier 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il a été pris en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant tel que prévu aux articles 3 paragraphe 1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et à l'article 5 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant tel que prévu aux articles 3 paragraphe 1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et à l'article 5 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 décembre 2023, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant tunisien, né le 2 novembre 1972, est entré en France le 1er octobre 2021, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour à entrées multiples d'une durée de 90 jours, valable du 27 octobre 2017 au 26 octobre 2021, délivré par les autorités consulaires françaises en poste à Tunis. Le 11 mars 2022, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de la qualité de parent d'un enfant de nationalité française. M. D... relève appel du jugement du 2 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur les moyens communs à l'arrêté en litige :
2. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions applicables à la situation de M. D... en particulier l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel a été examinée sa demande de titre de séjour ainsi que, notamment le 3° de l'article L. 611-1 et l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les articles L. 721-3 à L. 721-5 du même code et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il mentionne l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative, familiale et personnelle de l'intéressé en rappelant les conditions de son entrée sur le territoire français et les raisons de fait et de droit pour lesquelles sa demande de titre de séjour doit être rejetée. Par ailleurs, dès lors que la décision obligeant l'appelant à quitter le territoire a été prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour lui-même motivé, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte, conformément aux dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, l'arrêté en litige mentionne la nationalité de M. D..., en précisant qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté en litige, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement des décisions qu'il comporte est, dès lors, suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier de la motivation de l'arrêté en litige, que le préfet de la Haute-Garonne se serait abstenu de procéder à un examen exhaustif de la situation personnelle de l'appelant.
4. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré, comme en l'espèce, de la violation de l'article 41 de la charte, par une autorité d'un État membre est inopérant. En tout état de cause, s'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union et qu'il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré, ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. En outre, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.
5. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. À l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.
6. La décision en litige ayant été prise sur sa demande, il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'était, en tout état de cause, pas tenu d'inviter expressément M. D... à présenter des observations qu'il demeurait libre d'apporter à l'appui de sa demande tandis qu'il n'est pas établi que l'intéressé aurait été placé dans l'incapacité de faire évoluer son dossier initial de demande de titre de séjour en apportant toute information qu'il jugeait utile. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit, dès lors, être écarté comme inopérant, l'appelant n'ayant, en tout état de cause, pas été privé du droit de faire valoir tout élément utile à l'occasion de l'instruction de sa demande.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Selon l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.
8. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au motif qu'il est parent d'un enfant français doit justifier, outre de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, de celle de l'autre parent, de nationalité française, lorsque la filiation à l'égard de celui-ci a été établie par reconnaissance en application de l'article 316 du code civil. Le premier alinéa de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que cette condition de contribution de l'autre parent doit être regardée comme remplie dès lors qu'est rapportée la preuve de sa contribution effective ou qu'est produite une décision de justice relative à celle-ci. Dans ce dernier cas, il appartient seulement au demandeur de produire la décision de justice intervenue, quelles que soient les mentions de celle-ci, peu important notamment qu'elles constatent l'impécuniosité ou la défaillance du parent français auteur de la reconnaissance. La circonstance que cette décision de justice ne serait pas exécutée est également sans incidence.
9. Il ressort des pièces du dossier que, par acte d'huissier des 24 et 28 octobre 2019, M. D... a assigné Mme B... E..., ressortissante française mère de l'enfant Mohamed Amine, né le 20 mai 2009 à Toulouse et M. F..., ressortissant tunisien, devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins de contester la reconnaissance de paternité souscrite le 16 décembre 2008 par ce dernier. Après avoir ordonné, avant-dire droit, un examen biologique comparatif par la méthode dite des empreintes excluant la paternité biologique de M. A... à l'égard de l'enfant et concluant à celle de M. D... à hauteur de 99,999 %, le tribunal judiciaire de Toulouse, statuant en chambre du conseil, a, par un jugement du 10 janvier 2022, annulé la reconnaissance de paternité souscrite le 16 décembre 2008 par M. A... à l'égard de l'enfant Mohamed Amine et déclaré la paternité de M. D... à l'égard de celui-ci en ordonnant la mention de ce jugement en marge de l'acte de naissance de l'enfant dressé sur les registres de l'état civil de la mairie de Toulouse. Statuant sur les mesures relatives à l'enfant, le tribunal judiciaire de Toulouse a, par ce même jugement et en l'absence de contestation de la mère de l'enfant sur ce point, d'une part, confié l'exercice conjoint de l'autorité parentale à M. D... et à Mme E..., d'autre part, accordé à l'appelant un droit de visite et d'hébergement devant s'exercer sur le territoire français et, enfin, constaté l'accord de M. D... pour verser la somme de 100 euros au titre de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, somme que l'intéressé a été invité à payer amiablement à la mère de l'enfant.
10. M. D... se prévaut de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de son fils dès qu'il a eu connaissance de l'existence de son enfant au cours de l'année 2019 soit, selon lui, avant que le lien de filiation soit reconnu par le jugement précité du 10 janvier 2022. Il produit, en outre, une attestation de la mère de l'enfant mentionnant les liens affectifs qu'il a développés avec son fils ainsi que des attestations de cette dernière mentionnant avoir reçu les contributions suivantes pour son enfant : 160 euros en juillet 2020, 110 euros en août 2020, 150 euros au mois de septembre 2020 pour pourvoir à l'achat des fournitures scolaires et de tenues vestimentaires pour la rentrée, 100 euros au mois d'octobre 2020 ainsi qu'une paire de chaussures de sport, 100 euros au mois de novembre 2020, 150 euros au mois de décembre 2020 pour son argent de poche et l'achat de son cadeau de Noël, 120 euros au mois de janvier 2021, 110 euros au mois de février 2021, 100 euros au mois de mars 2021, 100 euros au mois d'avril 2021, 150 euros au mois de mai 2021 au titre de sa contribution mensuelle et l'anniversaire de son fils, 100 euros au mois de juin 2021, 120 euros au mois de juillet 2021, 100 euros pour le mois d'août 2021, 100 euros au mois de septembre 2021, 130 euros au mois d'octobre 2021, 110 euros au mois de novembre 2021, 130 euros au mois de décembre 2021, 100 euros au mois de janvier 2022, 120 euros au mois de février 2022 et, enfin, 140 euros au mois de mars 2022. Toutefois, ces attestations, au demeurant peu circonstanciées et dont la plus ancienne ne date que du mois de juillet 2020, ne sont accompagnées d'aucun justificatif probant tel que des virements bancaires ou des justificatifs de mandat ou de transfert d'argent de nature à établir la nature et la réalité des versements opérés par M. D... en faveur de son fils lorsqu'il se trouvait à l'étranger jusqu'en octobre 2021 et postérieurement à son entrée en France depuis au moins deux ans à la date de l'arrêté en litige. De même, l'intéressé ne produit aucun élément probant postérieur à son arrivée en France, tels que des photographies, des preuves d'achat ou des justificatifs relatifs à l'exercice de son droit de visite de nature à établir sa contribution à l'entretien et à l'éducation de ce dernier dans les conditions fixées par l'autorité judiciaire dans le jugement précité du 10 janvier 2022. Si l'appelant se prévaut des liens affectifs qu'il a développés avec son enfant en produisant une attestation rédigée en des termes généraux par la mère de l'enfant indiquant qu'il se rend aux rendez-vous scolaires de son fils et se charge régulièrement de venir le chercher à son collège, il ne produit aucun justificatif démontrant qu'il aurait exercé le droit de visite qui lui a été accordé par l'autorité judiciaire et qu'il s'était conformé à l'engagement qu'il a pris de verser amiablement une somme de 100 euros par mois. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que les éléments produits par l'appelant n'étaient pas de nature à établir qu'il contribue de manière effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant dans les conditions prévues aux points 7 et 8. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. D....
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État ".
12. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Si les dispositions de l'article L. 435-1 du code permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " à un étranger pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article, et notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu déroger à la règle rappelée ci-dessus ni imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article.
13. Il ressort de la demande de titre de séjour produite en défense que M. D... n'a pas sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet de la Haute-Garonne a seulement procédé à l'examen de la situation de l'intéressé dans le cadre de l'exercice du pouvoir de régularisation dont il dispose même sans texte sans examiner d'office si l'intéressé remplissait les conditions prévues par cet article. Par suite, l'appelant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
15. M. D... se prévaut de la présence de son fils de nationalité française en France, des mentions contenues dans le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 10 janvier 2022 selon lesquelles son enfant ne peut sortir du territoire français et de l'état de santé de la mère de ce dernier. Toutefois, en dehors de la seule présence de son fils, qu'il n'a rencontré qu'à l'âge de douze ans et avec lequel il ne démontre pas entretenir des liens affectifs stables et effectifs, M. D..., qui est entré en France de manière récente, le 1er octobre 2021, ne démontre pas disposer de liens privés et familiaux particulièrement intenses au regard des liens qu'il a conservés ou développés dans son pays d'origine, qu'il a quitté à l'âge de 49 ans et dans lequel il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dès lors que son épouse, ses trois enfants, respectivement nés en 2002, 2006 et 2012, dont deux sont mineurs à la date de la décision en litige, ainsi que ses deux parents y résident. Compte tenu de ces éléments, il doit, dès lors, être tenu pour établi que l'intéressé a fixé le centre des intérêts personnels et familiaux au Tunisie tandis qu'il ne justifie d'aucun obstacle sérieux à ce qu'il puisse obtenir des visas en vue de rendre visite à son enfant en France. Par suite, en refusant à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
16. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Aux termes de l'article 9 de la même convention : " 1. Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. (...) ". L'article 5 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dite " directive retour " dispose que : " Lorsqu'ils mettent en œuvre la présente directive, les états membres tiennent dûment compte : / a) de l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ".
17. D'une part, M. D... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que celles-ci créent seulement des obligations entre États sans ouvrir de droits aux intéressés. D'autre part, la décision attaquée, qui se borne à refuser à M. D... la délivrance d'un titre de séjour n'implique, par elle-même, aucune séparation entre l'appelant et son fils de nationalité française. En outre, dès lors qu'il pourra, le cas échéant, ainsi qu'il a été dit au point 15, rendre visite à son fils en France au moyen d'un visa et qu'il a développé une nouvelle cellule familiale en Tunisie où vivent son épouse et ses trois autres enfants, le préfet de la Haute-Garonne n'a, dès lors, méconnu ni les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ni celles de l'article 5 de la directive dite retour en refusant à M. D... la délivrance d'un titre de séjour.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
18. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie ainsi qu'il a été dit aux points 7 à 17, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait, par voie de conséquence, illégale, doit être écarté.
19. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 3 paragraphe 1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 5 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 15 et 17.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
20. D'une part, aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 721-3 du même code : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une décision de mise en œuvre d'une décision prise par un autre État, d'une interdiction de circulation sur le territoire français, d'une décision d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire français ". D'autre part, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. Dès lors que la décision par laquelle l'autorité préfectorale fixe le pays à destination duquel l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français est susceptible d'être éloigné ne trouve pas sa base légale dans la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et n'est pas davantage prise pour son application, M. D... ne peut utilement exciper, à l'appui de sa demande d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. À supposer que M. D... ait entendu se prévaloir de l'exception d'illégalité entachant la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, un tel moyen doit, en tout état de cause, être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 18 et 19.
21. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 29 avril 2022. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00286