Vu la requête enregistrée le 9 juillet 2012, présentée par le préfet de la Guadeloupe ; il demande à la cour d'annuler le jugement n°1000421 du 11 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a annulé son arrêté 10/136 du 13 juillet 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. B...A..., ressortissant haïtien ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2013 :
- le rapport de M. Joecklé, président-assesseur ;
- les conclusions de M. de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
- et les observations de Me Fouchet, avocat de M. A...;
1. Considérant que M. B...A..., ressortissant haïtien, a déclaré être entré clandestinement sur le territoire français le 9 février 1992 ; qu'il a présenté, le 14 février 2003, une demande de titre de séjour, laquelle a été rejetée par un arrêté du 29 octobre 2007 du préfet de la Guadeloupe ; que, par un jugement du 24 avril 2008, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté le recours formé par M. A...à l'encontre de cet arrêté ; que, par un arrêté du 7 novembre 2008, le préfet de la Guadeloupe a décidé la reconduite à la frontière de l'intéressé et, par un jugement du 6 mai 2010, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté la demande de M. A...tendant à l'annulation de cet arrêté ; que, par un arrêt du 26 avril 2011, la cour de céans a rejeté l'appel formé par M. A... à l'encontre dudit jugement ; que l'intéressé ayant été interpellé par les services de police le 13 juillet 2010, le préfet de la Guadeloupe a, par l'arrêté contesté du 13 juillet 2010, ordonné la reconduite de M. A...à la frontière ; que le préfet relève appel du jugement du 11 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a annulé cet arrêté au motif qu'il avait porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels il avait été pris et méconnaissait par là-même les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. A...demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation dudit jugement en tant qu'il n'a pas statué sur la légalité de la décision du préfet de la Guadeloupe du même jour fixant le pays de renvoi et l'annulation de cette décision ;
Sur l'appel principal :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;
3. Considérant que, pour accueillir le moyen tiré de l'atteinte à la vie privée et familiale, le tribunal administratif de Basse-Terre a relevé d'une part, que M. A...affirmait résider en France depuis 1992, soit depuis 18 ans à la date dudit arrêté, en compagnie de son fils depuis 2005 et disposer d'un contrat à durée indéterminée, d'autre part, que l'inexactitude de ces faits ne ressortait d'aucune pièce du dossier alors que des documents tendant à attester d'une certaine ancienneté du séjour et de la scolarité d'un enfant nommé Phidly A...étaient versés aux débats et, enfin que, bien que mis en demeure de produire ses observations, le préfet de la Guadeloupe n'avait pas produit de défense, de sorte qu'il devait, en application des dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, être réputé avoir acquiescé aux faits avancés par M.A... ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier tel qu'il se présente en appel que, si M. A...soutient qu'il réside depuis 1992 en France où il serait bien inséré, qu'il bénéficie d'un contrat à durée indéterminée et vit avec son fils, né en Haïti et dont il a la charge, il n'établit ni que ce dernier possède la nationalité française, ni depuis quand il réside en France ; que, si la durée de séjour de M. A...en France est importante, il s'agit toutefois d'un séjour qui a toujours été irrégulier ; que la mère de son fils réside en Haïti ; que, dans ces conditions, eu égard aux conditions du séjour en France de l'intéressé et compte tenu des fortes attaches familiales conservées par le requérant dans son pays d'origine, où résident sa mère, ses trois frères et soeurs et son premier enfant et où il a vécu jusqu'à au moins l'âge de vingt-huit ans, et alors même que l'intéressé n'a commis aucun acte malhonnête, l'arrêté contesté du 13 juillet 2010 par lequel le préfet de la Guadeloupe a décidé sa reconduite à la frontière n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur une telle atteinte pour annuler ledit arrêté ;
5. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A...à l'appui de sa demande ;
6. Considérant que l'arrêté du 13 juillet 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A...a été signé par M. Jaumouillié, secrétaire général de la préfecture de Guadeloupe, en vertu d'une délégation de signature qui lui a été consentie par un arrêté préfectoral du 11 juillet 2010 ; que, toutefois, le préfet de la Guadeloupe n'a, en dépit de la mesure d'instruction diligentée par la cour le 27 février 2013, pas justifié de la publication de ce dernier arrêté ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté du 13 juillet 2010 a été signé par une autorité administrative incompétente ; qu'un tel moyen, qui est d'ordre public, peut être soulevé pour la première fois en appel même si aucun moyen de légalité externe n'a été invoqué en première instance ; que l'arrêté contesté doit, par suite, être annulé pour incompétence ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande présentée devant le tribunal administratif, que M. A...est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2010 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions incidentes de M.A... :
8. Considérant que, dans sa demande enregistrée le 3 août 2010 au greffe du tribunal administratif de Basse-Terre, M. A...demandait expressément l'annulation de l'arrêté préfectoral du 13 juillet 2010 " et de la décision de l'éloignement vers mon pays " ; que M. A... avait joint copie de la décision distincte du 13 juillet 2010 par laquelle le préfet de la Guadeloupe a fixé le pays de renvoi à destination duquel il devait être reconduit ; que le tribunal administratif a omis de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de cette dernière décision ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler son jugement du 11 mai 2012 en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions ;
9. Considérant qu'il y a lieu de se prononcer immédiatement sur cette partie de la demande par la voie de l'évocation ;
10. Considérant que la décision du 13 juillet 2010 fixant le pays à destination duquel M. A...serait éloigné a été signée par M. Jaumouillié, secrétaire général de la préfecture de Guadeloupe, en vertu d'une délégation de signature qui lui a été consentie par un arrêté préfectoral du 11 juillet 2010, le préfet de la Guadeloupe n'a, en dépit de la mesure d'instruction diligentée par la cour le 27 février 2013, pas justifié de la publication de ce dernier arrêté ; qu'il en découle que la décision contestée du 13 juillet 2010 a été signée par une autorité administrative incompétente et doit, par suite, être annulée ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande présentée devant le tribunal administratif de Basse-Terre, que M. A...est fondé à demander l'annulation de la décision du 13 juillet 2010 du préfet de la Guadeloupe fixant le pays de renvoi ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Considérant que l'exécution du présent arrêt n'entraîne pas nécessairement la délivrance à M. A...d'une carte de séjour temporaire ; que, par suite, s'il appartient au préfet de la Guadeloupe de réexaminer la situation de M.A..., les conclusions présentées par l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Fouchet, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au profit de Me Fouchet, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 11 mai 2012 du tribunal administratif de Basse-Terre, l'arrêté et la décision du 13 juillet 2010 susvisés du préfet de la Guadeloupe sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Basse-Terre est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à Me Fouchet sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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N° 12BX01762