Vu le recours du MINISTRE CHARGE DU BUDGET, enregistré au greffe de la Cour le 29 mars 1990 ; le ministre demande à la Cour :
1°/ de réformer le jugement du 16 novembre 1989 du Tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a accordé à la S.A.R.L. Gilbert Duran la décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1982 et 1983 ;
2°/ de remettre à la charge de la S.A.R.L. Duran les impositions contestées à concurrence, pour 1982, de 293.895 F dont 75.470 F de pénalités et, pour 1983, de 482.454 F dont 151.734 F de pénalités ;
Vu les autres éléments du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 1991 :
- le rapport de M. LALAUZE, conseiller ;
- et les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il est constant que la S.A.R.L. Gilbert Duran n'a pas souscrit dans le délai légal, au titre des exercices clos les 31 décembre 1982 et 1983, les déclarations prévues à l'article 223-1 du code général des impôts ; qu'elle se trouvait ainsi, par application de l'article L 66 du livre des procédures fiscales, en situation de taxation d'office à l'impôt sur les sociétés ; que, dès lors, les irrégularités, dont serait entachée la vérification de comptabilité à laquelle l'administration a procédé, sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Considérant qu'il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'irrégularité de la procédure de vérification de comptabilité dont a fait l'objet la S.A.R.L. Duran pour prononcer la décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1982 et 1983 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la S.A.R.L. Gilbert Duran tant devant la Cour que devant le tribunal administratif ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant, ainsi qu'il l'a été exposé ci-dessus, que les bases de l'impôt sur les sociétés mis à la charge de la S.A.R.L. Gilbert Duran ont été à bon droit arrêtées d'office au titre de 1982 et 1983 ; qu'il en résulte, d'une part, que le défaut de visa de la notification de redressement par un inspecteur principal, qui n'est exigé qu'en cas de rectification d'office, est sans influence sur la régularité de la procédure, d'autre part, que la commission départementale des impôts n'avait pas à être saisie du litige ; que dans ces conditions, il appartient à la société requérante d'apporter la preuve du caractère exagéré des bases d'imposition retenues par le service ;
Sur le bien-fondé :
En ce qui concerne la reconstitution de recettes :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si l'administration se prévaut essentiellement de la double circonstance que des réductions étaient accordées à certains clients sans qu'il en soit justifié, et que des compléments de salaires étaient versés en espèces sans être comptabilisés, ces irrégularités, quoique répétées et à les supposer toutes établies, n'étaient pas de nature à priver la comptabilité dans son ensemble de toute valeur probante ; que dès lors, cette comptabilité justifiait par elle-même le montant du chiffre d'affaires imposable de la société ; qu'elle rendait inutile et, par voie de conséquence, radicalement viciée dans son principe, toute reconstitution du chiffre d'affaires imposable par quelque méthode que ce soit ; que par suite, le ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accordé sur ce point la décharge des droits et pénalités litigieux à la S.A.R.L. Duran ;
En ce qui concerne les avantages en nature :
Considérant que la société requérante soutient que le montant des avantages en nature, correspondant à la mise à disposition de ses dirigeants de certains de ses véhicules, a été surévalué et constitue une charge déductible de ses bénéfices ; que, toutefois, ces avantages, dont il n'est pas établi que leur évaluation ait été excessive, n'ayant pas été déclarés, contrairement aux dispositions de l'article 54 bis du code général des impôts, l'administration est fondée à soutenir qu'ils devaient être regardés comme ayant constitué des avantages occultes au sens de l'article 111 c du code général des impôts et n'étaient donc pas susceptibles d'être déduits des charges de l'entreprise ;
En ce qui concerne les rétrocessions accordées à certains clients :
Considérant que si la société Duran conteste la réintégration dans l'assiette de l'impôt des "ristournes" consenties à certains clients, elle ne produit cependant aucun élément permettant de pallier le défaut de justifications de ces rabais constaté par le vérificateur ;
En ce qui concerne le compte courant des associés :
Considérant, s'agissant des réintégrations fondées sur les intérêts calculés sur le solde débiteur du compte courant des associés, que la société n'établit pas que la renonciation à percevoir, au cours des deux années litigieuses, des intérêts sur ledit solde, aurait eu pour mobile l'intérêt de l'entreprise ; que dans ces conditions, la société requérante doit être regardée comme ayant consenti à ses associés une libéralité dont le montant n'est pas déductible de son bénéfice ; que si elle soutient que le compte courant précité n'était débiteur que le 31 décembre des deux années en cause, il résulte de l'instruction, et notamment des pièces produites par la société, que ce compte courant est devenu débiteur du 20 septembre au 31 décembre 1982 et tout au long de l'année 1983 ; que dès lors, le montant des intérêts à réintégrer doit être fixé à 849 F pour 1982 et à 7.707 F pour 1983, ainsi que l'admet le ministre dans le dernier état de ses conclusions ;
Sur les pénalités :
Considérant que, ainsi qu'il a été décidé ci-dessus, la S.A.R.L. Duran doit être déchargée des redressements relatifs aux omissions de recettes ; que par suite, il n'y a pas lieu de maintenir les pénalités de mauvaise foi prévues à l'article 1729 du code général des impôts dont ces redressements étaient assortis ;
Considérant que, s'agissant des impositions maintenues, les intérêts de retard sont dus de plein droit sur la base de l'imposition à laquelle ils s'appliquent dès lors que l'insuffisance des chiffres déclarés excède le dixième de la base d'imposition ; qu'ils n'impliquent ainsi aucune appréciation par l'administration fiscale du comportement du contribuable et n'ont pas le caractère d'une sanction ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DELEGUE CHARGE DU BUDGET est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge de la totalité de l'impôt sur les sociétés auquel avait été assujettie la S.A.R.L. Gilbert Duran au titre de 1982 et de 1983 ;
Article 1er : La base de l'impôt sur les sociétés mis à la charge de la S.A.R.L. Gilbert Duran au titre de chacune des années 1982 et 1983 est réduite respectivement de 249.393 F et de 576.871 F.
Article 2 : La S.A.R.L. Gilbert Duran est déchargée des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse en date du 16 novembre 1989 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.