Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour respectivement les 11 mai 1989 et 22 février 1990 présentés pour Mme Lucienne X... demeurant au lieu-dit Bordes Cremade à Villeneuve d'Olmes (Ariège) ; Mme X... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 mars 1989 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire du département de l'Ariège et de la Compagnie générale des eaux à l'indemniser des préjudices qu'elle a subis à la suite de l'accident dont elle a été victime, le 13 janvier 1986, alors qu'elle circulait à cyclomoteur sur le chemin départemental n° 117 à Lavelanet ;
2°) de les condamner solidairement à réparer le préjudice subi par elle et, avant dire droit, de désigner un expert à l'effet de l'examiner, de décrire les blessures reçues et leurs conséquences, de fixer la date de leur consolidation, de déterminer la durée de l'incapacité temporaire de travail, de dire s'il subsiste une incapacité permanente, d'indiquer les divers préjudices subis ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 1992 :
- le rapport de M. PIOT, conseiller ;
- les observations de Me MAXWELL, avocat du département de l'Ariège ;
- et les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant que l'accident de cyclomoteur dont a été victime Mme X... le 13 janvier 1986, a eu lieu à 3h 40 du matin, alors qu'elle se rendait à son travail en empruntant le chemin départemental n° 117 dans la traversée de la commune de Lavelanet ; que la circonstance que la détérioration de la voie aurait résulté de l'exécution de travaux pour le compte d'un tiers, ne peut exonérer le département à l'égard d'un usager, dès lors qu'il ne conteste pas que l'entretien de cette voie, dont il était propriétaire, lui incombait ; qu'ainsi, le département de l'Ariège n'est pas fondé à se prévaloir de la circonstance que les affaissements dont s'agit auraient été la conséquence de travaux effectués par la Compagnie générale des eaux en vue de satisfaire les exigences de salubrité et d'hygiène publique, dont la commune est en charge, pour solliciter sa mise hors de cause ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de gendarmerie, que la chaussée présentait, à une quinzaine de mètres du point de chute et en amont de celui-ci, deux excavations d'une profondeur de 20 et 15 cm, ou "nids de poule", sur la voie de circulation de la cyclomotoriste ; que, dans ces conditions, et alors même que la victime a déclaré, après avoir subi un traumatisme crânien, ne plus se souvenir des circonstances de l'accident, le lien de causalité entre celui-ci et l'état défectueux de la chaussée doit être regardé comme établi ; que, par suite, c'est à tort que, par son jugement en date du 20 mars 1989, le Tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur l'absence de lien de causalité pour rejeter la demande de l'intéressée ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la demande présentée par Mme X... devant le Tribunal administratif de Toulouse ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de gendarmerie déjà cité, que le panneau mobile destiné à signaler la présence des défectuosités de la chaussée était renversé, face lisible contre le sol ; qu'en l'absence de signalisation appropriée, l'obstacle excédait ainsi ceux qu'un usager circulant à cyclomoteur et normalement attentif pouvait s'attendre à rencontrer sur son chemin ; que, dans ces conditions, le département de l'Ariège et la Compagnie générale des eaux n'apportent pas la preuve que l'ouvrage ait été normalement entretenu ; qu'enfin, si l'accident s'est produit sur le trajet habituel de la victime, il n'est pas établi qu'elle ait commis en la circonstance une négligence de nature à atténuer la responsabilité de l'entreprise et du département, lesquels doivent, conformément à la demande de la victime, être déclarés solidairement et entièrement responsables des conséquences dommageables de cet accident ;
Considérant que Mme X... est, par suite, fondée de ce chef à solliciter l'annulation du jugement attaqué ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant qu'il y a lieu de renvoyer Mme X... devant le Tribunal administratif de Toulouse pour qu'il soit statué sur l'évaluation du préjudice ;
Sur les conclusions d'appel provoqué de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Ariège :
Considérant que la situation de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Ariège n'est pas aggravée par l'effet du présent arrêt ; que, dès lors, ses conclusions d'appel provoqué ne sont pas recevables ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse en date du 20 mars 1989 est annulé en tant qu'il a rejeté la requête de Mme X....
Article 2 : Le département de l'Ariège et la Compagnie générale des eaux sont déclarés solidairement et entièrement responsables des conséquences dommageables de l'accident survenu le 13 janvier 1986 à Mme X....
Article 3 : Mme X... est renvoyée devant le Tribunal administratif de Toulouse pour qu'il soit statué sur l'évaluation de son préjudice.
Article 4 : Les conclusions d'appel provoqué de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Ariège sont rejetées.