Vu le recours enregistré le 25 septembre 1996 au greffe de la cour sous le n 96BX02082 présenté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE ; le MINISTRE demande à la cour d'annuler le jugement en date du 19 juin 1996 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à verser une somme de 837.389 F à l'organisme de gestion de l'enseignement catholique du lycée Le Porteau en remboursement de la part patronale légalement obligatoire des cotisations sociales afférentes aux régimes de prévoyance des maîtres des établissements d'enseignement privé sous contrat d'association ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la constitution, notamment en son article 55 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la sécurité sociale, notamment en ses articles L. 723-3 et L. 723-4 ;
Vu la loi n 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée ;
Vu la loi de finances n 95-1346 du 30 décembre 1995 ;
Vu le décret n 96-627 du 16 juillet 1996 ;
Vu le décret n 95-161 du 15 février 1995 relatif aux droits de plaidoirie ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 1998 :
- le rapport de F. ZAPATA, rapporteur ;
- les observations de Me MEUNIER, avocat de l'organisme de gestion de l'enseignement catholique (O.G.E.C.) du lycée Le Porteau ;
- et les conclusions de J.F. DESRAME, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du recours du ministre :
Considérant que par décret du 1er février 1996 publié au Journal Officiel du 3 février 1996, M. René X..., administrateur civil, adjoint au sous-directeur des affaires juridiques du ministère de l'éducation nationale, a reçu délégation pour signer notamment les mémoires produits devant la juridiction administrative ; que, dès lors, la fin de non-recevoir doit être écartée ;
Au fond :
Considérant qu'aux termes de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1959 modifiée : "les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d'activité des maîtres titulaires de l'enseignement public ainsi que les mesures sociales et les possibilités de formation dont ils bénéficient sont applicables également et simultanément aux maîtres justifiant du même niveau de formation, habilités par agrément ou par contrat à exercer leurs fonctions dans des établissements d'enseignement privé liés à l'Etat par contrat ... l'égalisation des situations prévue au présent article sera conduite progressivement et réalisée dans un délai maximum de cinq ans" ; que selon l'article 107 de la loi de finances n 95-1346 du 30 décembre 1995 : "sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les obligations de l'Etat tenant, pour la période antérieure au 1er novembre 1995, au remboursement aux organismes de gestion des établissements d'enseignement privé sous contrat de la cotisation sociale afférente au régime de retraite et de prévoyance des cadres, institué par la convention collective du 14 mars 1947 et étendu par la loi n 72-1223 du 29 décembre 1972 portant généralisation de la retraite complémentaire au profit des salariés et anciens salariés sont égales à la part de cotisation nécessaire pour assurer l'égalisation des situations prévue par l'article 15 de la loi n 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés ... cette part est fixée par décret en Conseil d'Etat ; qu'aux termes de l'article 1er du décret n 96-627 du 16 juillet 1996 portant application de l'article 107 de la loi de finances pour 1996 : "pour l'application de l'article 107 de la loi du 30 décembre 1995 susvisée, la part de cotisation afférente au régime de retraite et de prévoyance des cadres nécessaire pour assurer l'égalisation des situations prévue à l'article 15 de la loi du 31 décembre 1959 susvisée, est fixée à 0,062 % de la rémunération brute inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale au titre des périodes concernées" ;
Considérant que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a accordé à l'organisme de gestion de l'enseignement catholique (O.G.E.C.) du lycée Le Porteau une somme égale au montant de la part patronale de cotisations sociales afférentes au régime de retraite et de prévoyance des cadres institué par la convention collective nationale du 14 mars 1947 et étendu par la loi n 72-1223 du 29 décembre 1972, que cet organisme a payée au titre des années 1990, 1991, 1992, 1993 et 1994 ; que si les cotisations versées constituent, pour l'application des dispositions précitées des lois du 31 décembre 1959 et du 30 décembre 1995, des charges sociales obligatoires pour l'employeur, l'article 1er précité du décret du 16 juillet 1996 a toutefois limité à 0,062 % de la rémunération brute inférieure au plafond pour les cotisations de sécurité sociale, la part de cotisation afférente au régime de retraite et de prévoyance des cadres incombant à l'Etat ; qu'en conséquence, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE est fondé à soutenir que c'est à tort que l'Etat a été condamné à rembourser à cet l'organisme la totalité des cotisations qu'il a versées, et à demander la réformation du jugement attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu pour la cour saisie de l'affaire par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur le montant des sommes dûes par l'Etat et d'examiner les autres moyens soulevés par l'organisme de gestion de l'enseignement catholique (O.G.E.C.) du lycée Le Porteau ;
Considérant qu'en application des dispositions précitées, la somme que l'Etat a été condamné à verser par le jugement attaqué est ramenée au montant limité au taux de 0,062 % des rémunérations brutes inférieures au plafond fixé par les cotisations de sécurité sociale, au titre des années 1990, 1991, 1992, 1993 et 1994 ;
Considérant que les dispositions de l'article 107 précité de la loi du 30 décembre 1995 ont pour objet non de réduire rétroactivement les obligations financières de l'Etat à l'égard des organismes de gestion des établissements d'enseignement privés mais d'en réaffirmer l'étendue telle qu'elle a été définie par les prescriptions de l'article 15 ajouté à la loi du 31 décembre 1959 par la loi du 25 novembre 1977 et de permettre ainsi un règlement des dettes de l'Etat à l'égard de ces organismes conforme à ces prescriptions ; que ces dispositions qui ne font pas obstacle au droit des organismes de gestion de demander la compensation du retard mis par le gouvernement à prendre les mesures nécessaires à une exacte application de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1959 modifiée ne sont constitutives ni d'une atteinte au principe du droit à un procès équitable énoncé par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni d'une atteinte au principe de non discrimination édicté à l'article 14 de cette convention ;
Considérant que ces dispositions ne peuvent davantage être regardées comme portant atteinte au droit de toute personne physique ou morale au respect de ses biens énoncé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la fraction des cotisations sociales qui excède ce qui est nécessaire pour parvenir à l'égalisation des situations entre les maîtres de l'enseignement privé et les maîtres titulaires de l'enseignement public, au remboursement de laquelle l'organisme de gestion d'un établissement enseignant privé qui l'a acquittée ne détient pas un droit, ne constitue pas un bien dont l'article 107 précité aurait eu pour effet de déposséder cette personne morale ;
Considérant qu'il est subsidiairement demandé que l'Etat soit condamné du fait de sa carence à prendre les décrets d'application prévus par l'article 15 précité de la loi du 31 décembre 1959 modifiée ; que, toutefois, d'une part, il n'est pas établi que l'intervention plus précoce de tels décrets aurait eu pour effet de dispenser les organismes employeurs de maîtres de l'enseignement privé du paiement de l'intégralité de la cotisation exigible en vertu de la convention collective nationale étendue du 14 mars 1947 ; que, d'autre part, pour la partie des cotisations inférieure au montant de 0,062 % fixé par le décret du 16 juillet 1996, le préjudice subi est indemnisé par le remboursement ainsi mis à la charge de l'Etat ; que, dès lors, les conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 723-3 du code de la sécurité sociale : " ... les droits alloués aux avocats pour la plaidoirie et perçus par eux ... sont affectés au financement du régime d'assurance-vieillesse de base de la caisse nationale des barreaux français. Ils sont recouvrés auprès de chaque avocat ... par chaque barreau et sont versés à la caisse nationale des barreaux français, sans préjudice de la faculté, pour chaque avocat ou société d'avocats, de les verser directement à ladite caisse" ; que selon l'article L. 723-4 du même code : "lorsque l'avocat est désigné au titre de l'aide judiciaire ou commis d'office, les droits de plaidoirie sont à la charge de l'Etat" ; qu'en vertu de l'article 1 du décret n 95-161 du 15 février 1995 relatif aux droits de plaidoirie : "le droit de plaidoirie prévu au premier alinéa de l'article L. 723-3 du code de la sécurité sociale est exigible devant les juridictions administratives de droit commun ..." ; que selon l'article 2 du même décret : "le droit de plaidoirie est dû à l'avocat pour chaque plaidoirie faite aux audiences dont la liste est fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice" ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que le droit de plaidoirie n'étant pas compris dans les dépens, le juge compétent pour régler le litige a le pouvoir de condamner la partie perdante à rembourser le montant de ce droit lorsqu'il est demandé par l'avocat de l'autre partie, au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que l'Etat n'étant pas la partie perdante, les dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce qu'il soit condamné à verser à l'organisme de gestion de l'enseignement catholique (O.G.E.C.) du lycée Le Porteau la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à l'organisme de gestion de l'enseignement catholique (O.G.E.C.) du lycée Le Porteau par le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 19 juin 1996 est ramenée au montant limité au taux de 0,062 % des rémunérations brutes inférieures au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale, pour les années 1990, 1991, 1992, 1993 et 1994.
Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 19 juin 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la demande présentée devant le tribunal administratif de Poitiers par l'organisme de gestion de l'enseignement catholique (O.G.E.C.) du lycée Le Porteau est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de l'organisme de gestion de l'enseignement catholique (O.G.E.C.) du lycée Le Porteau tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.