Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 9 septembre 1996, présentée pour Mme Ingrid Y... demeurant ... (Gironde) ;
Mme Y... demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 16 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande à fin d'annulation de la décision du président du conseil général de la Gironde en date du 16 décembre 1991 la titularisant à compter du 1er juin 1991 dans le grade d'éducatrice de jeunes enfants, en tant qu'elle l'a promue au 3ème échelon de son grade avec une ancienneté de deux ans maximum ;
- d'annuler l'article 2 de cette décision ;
- de prescrire au conseil général de la Gironde, en application des articles L.8-2 et L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de la rétablir dans ses droits en ce qui concerne la reprise d'ancienneté dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt de la cour de céans, sous peine d'une astreinte de 500 F par jour de retard jusqu'à entière exécution ;
- de condamner le conseil général de la Gironde à lui verser 500 F au titre des frais qu'elle a engagés non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n 62-1198 du 3 octobre 1962, modifié par le décret n 72-903 du 14 septembre 1972, relatif au recrutement et à l'avancement du personnel des établissements relevant des services départementaux de l'aide sociale à l'enfance ;
Vu le décret n 68-132 du 9 février 1968, modifié par le décret n 77-1169 du 17 octobre 1977, relatif à certaines dispositions du statut des personnels des établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics et prévoyant la titularisation de certains agents auxiliaires de ces établissements ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 modifiée ;
Vu le décret n 92-245 du 17 mars 1992 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 1999 :
- le rapport de Melle ROCA, rapporteur ;
- et les conclusions de M. VIVENS, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la décision du 16 décembre 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 30 du décret du 3 octobre 1962 alors en vigueur relatif au recrutement et à l'avancement du personnel des établissements relevant des services départementaux de l'aide sociale à l'enfance, dans sa rédaction issue du décret n 72-903 du 14 septembre 1972 : "Les candidats aux emplois prévus par les sections III et IV du présent décret, qui antérieurement à leur recrutement ont exercé des fonctions correspondant à leur qualification soit dans un établissement public en qualité de non titulaires, soit dans un établissement privé habilité, conventionné ou agréé, bénéficient lors de leur titularisation, d'une bonification d'ancienneté égale à la moitié de la durée des services ci-dessus visés, à condition que ces services aient été accomplis de façon continue. Cette bonification ne peut excéder quatre années. Elle est applicable aux agents en fonctions à la date du présent décret ; elle ne peut être attribuée qu'une fois au cours de la carrière des intéressés ..." ; que cet article figure dans la section VI du texte relative aux dispositions communes, laquelle distingue, s'agissant des conditions de nomination dans les emplois visés au décret, les agents titulaires et les agents non titulaires ; qu'ainsi la bonification d'ancienneté prévue par l'article 30 s'applique aux agents non titulaires en fonctions à la date du 14 septembre 1972 mais également, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, à ceux dont le recrutement est postérieur à cette date ;
Considérant que Mme Y..., qui a occupé un emploi d'éducatrice de jeunes enfants non titulaire dans le centre départemental d'aide à la famille de X... à compter du mois de septembre 1983, et qui a été titularisée, par décision du président du conseil général de la Gironde en date du 16 décembre 1991, dans le grade d'éducatrice de jeunes enfants à compter du 1er juin 1991, entre dans le champ d'application de l'article 30 précité ; que, par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que le président du conseil général de la Gironde a refusé de la faire bénéficier des dispositions de cet article et l'a promue, par cette même décision du 16 décembre 1991, au 3ème échelon de son grade en ne retenant qu'une ancienneté de deux ans maximum ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler l'article 2 de la décision du 16 décembre 1991, ensemble le jugement attaqué du tribunal administratif de Bordeaux ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt" ; qu'aux termes de l'article L.8-3 du même code : "Saisi de conclusions en ce sens, le tribunal ou la cour peut assortir dans la même décision, l'injonction prescrite en application de l'article L.8-2 d'une astreinte qu'il prononce dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L.8-4 et dont il fixe la date d'effet." ;
Considérant que l'annulation de l'article 2 de la décision du 16 décembre 1991 implique nécessairement que le département de la Gironde reconstitue la carrière de Mme Y... à compter de la date de sa titularisation intervenue le 1er juin 1991 en prenant en compte l'ancienneté de l'agent déterminée par application des dispositions de l'article 30 du décret n 62-1198 du 3 octobre 1962 modifié, alors en vigueur ; qu'il y a lieu d'enjoindre au département d'agir en ce sens dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le département de la Gironde à verser 500 F à Mme Y... au titre des frais qu'elle a engagés, non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 avril 1996, et l'article 2 de la décision du président du conseil général de la Gironde en date du 16 décembre 1991 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au département de la Gironde, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, de reconstituer la carrière de Mme Y... depuis la date de sa titularisation intervenue le 1er juin 1991 en prenant en compte, à cette date, l'ancienneté de l'agent déterminée par application des dispositions de l'article 30 du décret n 62-1198 du 3 octobre 1962 modifié, alors en vigueur.
Article 3 : Le département de la Gironde versera 500 F à Mme Y... en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus de la requête de Mme Y... est rejeté.