Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 17 août 1998, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;
Le ministre demande à la Cour :
1?) d'annuler le jugement n? 961771, en date du 2 avril 1998, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a décidé que le revenu imposable de Mme Anne-Lise Y... devait être divisé par 2,5 parts pour le calcul de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1995, et accordé à l'intéressée la décharge de la différence entre la cotisation à laquelle elle a été assujettie et celle résultant du mode de calcul retenu ;
2?) d'ordonner que Mme Anne-Lise Y... soit rétablie au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1995, à raison de l'intégralité des droits dont la décharge a été accordée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu l'article 3 de la loi de finances pour 1996 n? 95-1346 du 30 décembre 1995 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2000 :
- le rapport de Mme F. LEYMONERIE, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. M. HEINIS, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi modifiée du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif : "Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par un jugement qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision sur le fond de l'affaire jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, a défaut jusqu'à l'expiration de ce délai" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 194 du code général des impôts, en vigueur à la date de l'imposition contestée et tel qu'il résulte de l'article 3 de la loi n? 95-1346 du 30 décembre 1995 : "I. A compter de l'imposition sur les revenus de 1995, le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 193 est fixé comme suit : ... célibataire ou divorcé ayant deux enfants à charge : 2 ... II. Le nombre de parts prévu au I est augmenté de 0,5 pour l'imposition des contribuables célibataires ou divorcés qui vivent seuls et supportent effectivement la charge du ou des enfants nonobstant la perception d'une pension alimentaire versée pour leur entretien en vertu d'une décision de justice" ; qu'aux termes de l'article 196 bis du même code : "1. La situation et les charges de famille dont il doit être tenu compte sont celles existant au 1er janvier de l'année d'imposition. Toutefois en cas d'augmentation des charges de famille en cours d'année, il est fait état de la situation au 31 décembre ..." ; que selon les dispositions des points 2 et 3 du même article, applicables en cas de mariage, de séparation des époux ou de divorce, la situation ou les charges de famille les plus favorables entre le début ou la fin de la période d'imposition peuvent être retenues ; qu'enfin, en vertu de l'article 6 du code général des impôts, en cas de mariage au cours de l'année d'imposition, les périodes antérieures et postérieures à l'événement font l'objet d'impositions distinctes ;
Considérant que le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur ces dispositions pour juger que, la situation et les charges de famille s'appréciant toujours au 1er janvier de l'année d'imposition, sauf dans les cas dérogatoires spécifiquement prévus, Mme X..., qui vivait seule au 1er janvier 1995 et avait la charge effective de ses deux enfants, devait bénéficier au titre de cette année de la demi-part supplémentaire prévue au II de l'article 194 du code général des impôts, nonobstant la circonstance qu'elle a vécu maritalement à compter du mois d'août 1995 ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE soutient que les conditions visées au II de l'article 194 n'ont pas pour conséquence de modifier la situation ou les charges de famille des personnes concernées, qui demeurent, en tout état de cause, fiscalement assimilées à des célibataires avec le même nombre de personnes à charge et que, dès lors, il n'y a pas lieu de se référer aux dispositions de l'article 196 bis du code précité pour apprécier si les contribuables remplissent ces conditions spécifiques ; qu'ainsi, la solution du litige dépend de l'interprétation qu'il convient de faire du II de l'article 194 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 30 décembre 1995 ; que cette interprétation soulève une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et de transmettre pour avis, en application des dispositions précitées de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1987, le dossier de ce recours au Conseil d'Etat ;
Article 1er : Il est sursis à statuer sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE jusqu'à ce que le Conseil d'Etat ait fait connaître son avis sur la question de savoir si les conditions prévues au II de l'article 194 du code général des impôts doivent s'apprécier au 1er janvier de l'année d'imposition, ainsi qu'il est dit au point 1 de l'article 196 bis du même code, ou d'une autre manière, en se référant, le cas échéant, à d'autres dispositions du code général des impôts.
Article 2 : Le dossier du recours est transmis au Conseil d'Etat. - - 98BX01476