Vu la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 21 janvier 1999 présentée pour la S.A.R.L. FRANCE MENAGE DIFFUSION, représentée par son gérant en exercice, dont le siège social est ... ; la S.A.R.L. FRANCE MENAGE DIFFUSION demande que la cour :
- réforme le jugement en date du 19 novembre 1998, du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il ne lui a accordé qu'une décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mai 1990, 1991 et 1992 ;
- ordonne qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;
- lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2002 :
- le rapport de Mme Boulard, premier conseiller ;
- les observations de Me Y..., avocat pour la S.A.R.L. FRANCE MENAGE DIFFUSION ;
- les observations de Mme X..., représentant le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
- et les conclusions de M. Heinis, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la S.A.R.L. FRANCE MENAGE DIFFUSION, qui exploite un commerce d'articles de solderie, quincaillerie, outillage, vêtements, chaussures et meubles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 mai 1990, 1991 et 1992 ; qu'à l'issue de cette vérification, l'administration a notamment réintégré dans les résultats imposables de cette société des amortissements et des omissions de recettes ; que les rappels d'impôt sur les sociétés en litige au titre de 1990, 1991 et 1992 procèdent de ces réintégrations ;
Sur les amortissements :
Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts rendu applicable pour la détermination des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment ... 2° ... les amortissements réellement effectués par l'entreprise ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que ne peuvent être déduits du bénéfice imposable que les amortissements qui ont été effectivement inscrits dans les écritures comptables à la clôture de chacun des exercices concernés ; qu'il appartient en toute hypothèse au contribuable de justifier que cette inscription a été effectuée avant l'expiration du délai imparti pour souscrire la déclaration des résultats annuels de l'entreprise ;
Considérant qu'il est constant que la S.A.R.L. FRANCE MENAGE DIFFUSION a souscrit sa déclaration de résultats au titre de l'exercice clos en 1990 le 31 mai 1992, celle au titre de l'exercice clos en 1991 le 31 août 1992 et celle au titre de l'exercice clos en 1992 le 17 février 1993 ; que ces déclarations ont donc été souscrites en dehors du délai légal, qui expirait trois mois après la clôture de chaque exercice ; que si la société requérante soutient que la dotation aux amortissements a été effectivement comptabilisée avant l'expiration du délai légalement imparti, elle n'apporte pas d'élément justifiant de l'antériorité de cet enregistrement comptable ; que la seule circonstance que la décision de rejet de la réclamation fasse mention, à propos de la reconstitution de recettes, de ce que la comptabilité de la société serait "régulière en la forme", tout en lui déniant d'ailleurs un caractère probant et en maintenant la réintégration des amortissements comme ayant été enregistrés tardivement, ne suffit pas à établir que les écritures comptables ont été passées avant l'expiration du délai de déclaration ; que, dans ces conditions, les amortissements en litige ne sauraient être regardés comme ayant été réellement effectués au sens des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts ; que, par suite, ils ne pouvaient être déduits du résultat des exercices en cause ;
Sur la reconstitution des recettes :
Considérant qu'il est constant que la comptabilité présentée par la société requérante au titre de chacun des exercices vérifiés enregistrait globalement les recettes journalières sans qu'en soit justifié le détail ; que ce mode d'enregistrement des recettes constitue une grave irrégularité qui prive la comptabilité de sa valeur probante ; que, par application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales et dès lors que le rehaussement des recettes a été imposé conformément à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires pour les exercices clos en 1990 et 1991, la charge de démontrer l'exagération de cette imposition au titre desdits exercices incombe à la société ; que, s'agissant de l'exercice clos en 1992, la charge de la preuve pèse sur la société en vertu de l'article L. 192 du même livre, dès lors qu'elle était en situation de taxation d'office pour avoir souscrit sa déclaration après les 30 jours d'une première mise en demeure ;
Considérant que les recettes de la société requérante ont été reconstituées en fonction d'un coefficient appliqué aux achats revendus ; que la comptabilité de la société étant, ainsi qu'il est dit ci-dessus, dépourvue de justificatif quant au détail des ventes réalisées et les tarifs n'ayant pas été conservés, ce coefficient a été déterminé à partir d'un état des stocks au titre de l'exercice clos en 1990 que la société a pu produire et qui faisait apparaître, pour plus de 200 articles figurant sur cet inventaire, leur prix de vente et d'achat, et à partir du relevé des prix, portant également sur plus de 200 références, effectivement pratiqués dans le magasin ; que pour contester cette reconstitution, la société requérante soutient qu'a été insuffisamment prise en compte l'incidence de la Adémarque inconnue et des soldes ;
Considérant qu'à l'appui de sa critique du taux de Adémarque inconnue retenu pour déterminer les omissions de recettes dont procèdent les impositions en litige, soit 2 % du chiffre d'affaires, la société requérante fait valoir qu'il ne prend pas en compte la "casse" des marchandises, qu'elle évalue à un taux de 1,5 %, ce qui la conduit à réclamer un taux de démarque globale de 3,5 % ; qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur avait, dans la notification de redressements en date du 27 août 1993, évalué la "démarque inconnue" aux taux, selon les exercices, de 1,21 % et 1,23 %, et que la commission départementale a rehaussé ces évaluations en les portant au taux global de 2 %, que l'administration a accepté et en fonction duquel elle a établi les impositions ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la "démarque inconnue" ait été évaluée, par le vérificateur, puis par la commission, en omettant de prendre en considération l'incidence de la casse ; que la notification précitée du 27 août 1993, qui rectifie sur ce point une notification antérieure, précise au contraire que la démarque, qu'elle retient comme élément de la reconstitution des recettes et qu'elle définit comme représentant la valeur des marchandises achetées qui n'ont pu être revendues "quelles qu'en soient les raisons", englobe la casse des marchandises ; qu'en se référant aux coefficients de démarque retenus par le vérificateur qu'elle a été d'avis de majorer compte tenu de la nature des produits vendus et des conditions de vente du magasin, la commission départementale a fait porter son appréciation sur les éléments qui composaient ces coefficients, y compris par conséquent l'estimation de la casse ; qu'ainsi, la détermination du coefficient de démarque ne peut être considérée comme erronée dans son principe ; que la rectification opérée à cet égard par la seconde notification de redressements ne révèle pas qu'une erreur ait été commise dans l'estimation de la démarque ; que la société requérante n'établit pas, en se référant à des études faisant état d'un taux moyen théorique de démarque, même si ces études portent sur le même type de magasin que celui qu'elle exploite et si certaines d'entre elles ont été utilisées par le vérificateur pour ses propres estimations, que son taux de démarque effectif serait supérieur à celui admis en définitive par le service ;
Considérant, s'agissant des soldes, que le service a retenu une marge réduite pour certains achats effectués auprès de la centrale d'achats Centrakor faisant l'objet d'opérations spécifiques ; que, pour les autres achats, le vérificateur a évalué la perte de recettes découlant des soldes à 1,5 % du chiffre d'affaires ; que, pour évaluer l'incidence des soldes, la commission, suivie par l'administration, a estimé que, compte tenu de l'ouverture puis de la liquidation d'un magasin à Chasseneuil et de l'ouverture d'un magasin à Loches, un abattement de 30 % devait, à concurrence de 8 % des achats revendus en dehors de ceux effectués auprès de la centrale précitée, être appliqué sur le coefficient général de revente ; qu'en appel, la société demande que cet abattement, dont elle admet le taux, affecte 10 % des achats qu'elle a effectués auprès d'autres fournisseurs que la centrale d'achats ; que toutefois la société, qui se borne à se prévaloir des événements commerciaux retenus par la commission et d'une pratique qu'elle affirme continue de soldes sur quatre mois d'exploitation, n'apporte aucun élément de justification à l'appui de son argumentation ;
Sur les pénalités pour mauvaise foi :
Considérant que la S.A.R.L. FRANCE MENAGE DIFFUSION conteste la majoration de 40 % pour mauvaise foi qui a été appliquée aux rappels d'impôts sur les sociétés au titre de 1990 et 1991 correspondant au rehaussement de ses recettes ;
Considérant, en premier lieu, que la notification de redressements du 27 août 1993, indique le texte qui constitue le fondement légal de la sanction retenue pour chaque chef de redressement, dont les minorations de recettes ; que s'agissant de ce dernier chef de rehaussement, le vérificateur rappelle que la reconstitution du chiffre d'affaires, "qui a révélé des minorations de recettes", est "motivée par l'absence de justification des recettes journalières" pour "l'ensemble de la période vérifiée" et expose que la société ne pouvait "ignorer l'obligation" de "comptabiliser l'ensemble des recettes encaissées" par elle ; qu'est ainsi suffisamment motivée l'application des majorations prévues en cas de mauvaise foi ;
Considérant que la non-conservation du justificatif des recettes sur toute la période en litige, le caractère systématique des minorations de recettes ainsi que l'importance de ces minorations au regard des résultats déclarés révèlent, en l'espèce, la volonté délibérée de la part de la société d'éluder une partie de l'impôt dû ; que l'administration doit dès lors être regardée comme apportant la preuve de la mauvaise foi de la société ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A.R.L. FRANCE MENAGE DIFFUSION n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige et des pénalités y afférentes ;
Article 1er : La requête de la S.A.R.L. FRANCE MENAGE DIFFUSION est rejetée.