Vu la requête enregistrée le 23 septembre 2005 au greffe de la cour, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE ;
Le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 août 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Limoges a annulé son arrêté du 25 juillet 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. X et celui du même jour fixant le pays de renvoi ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Limoges ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu le code du travail ;
Vu l'accord d'association entre la communauté économique européenne et l'Algérie du 22 avril 2002 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2006 :
- le rapport de M. Zapata ;
- les observations de M° Malabre, avocat de M. X ;
et les conclusions de M. Gosselin, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière du 25 juillet 2005 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « 'L'autorité compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : …3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait… » ;
Considérant que M. X, de nationalité algérienne, a fait l'objet d'un premier arrêté de reconduite à la frontière, le 12 novembre 2002 ; que, malgré cette mesure, il s'est maintenu sur le territoire français ; que, le 10 janvier 2004, il a contracté mariage avec une ressortissante française ; qu'en application de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, il s'est vu délivrer un certificat de résident algérien valable une année, du 15 avril 2004 au 14 avril 2005 ; qu'à la suite d'une demande de renouvellement de ce titre, le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE ayant été informé par ses services que la communauté de vie entre les époux avait cessé et que l'épouse de M. X avait introduit devant le tribunal de grande instance de Limoges une demande d'annulation de son mariage, a opposé un refus de séjour, le 12 mai 2005 ; que l'intéressé s'étant maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification dudit refus, il entrait dans le cas où en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que, pour décider la reconduite à la frontière de M. X, par arrêté du 25 juillet 2005, le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE s'est fondé sur l'absence de vie commune entre les deux époux et sur la circonstance que le mariage contracté le 10 janvier 2004 entre M. X et Mlle Y n'est pas de nature à permettre la régularisation de la situation administrative de l'intéressé au regard de la législation applicable aux étrangers en France ; qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, le 26 octobre 2004, Mme X a introduit une action en annulation de son mariage auprès du tribunal de grande instance de Limoges, au motif notamment que son mari exerçait une emprise violente sur elle pour obtenir la régularisation de sa situation administrative, que, d'autre part, elle a déclaré aux autorités de police, le 24 avril 2005, qu'elle avait cessé toute vie commune avec son époux depuis octobre 2004 ; que la lettre de Mme X du 18 mai 2005 indiquant qu'elle s'est réinstallée avec son mari, le lendemain de la fin de son hospitalisation au centre hospitalier spécialisé Esquirol de Limoges, ne saurait, établir l'existence d'une vie commune effective entre les époux ; que, dès lors, c'est à tort que le juge des reconduites à la frontières du tribunal administratif de Limoges a estimé que le préfet n'a pas tenu compte d'une reprise de la vie commune entre époux et a annulé pour ce motif l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux ;
Considérant toutefois qu'il appartient au juge d'appel des reconduites à la frontière, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X à l'encontre de l'arrêté litigieux ;
Considérant que l'arrêté de reconduite concernant M. X est suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le moyen manque en fait ;
Considérant que M. Livenais, directeur de cabinet du PREFET DE LA HAUTE-VIENNE a reçu, par arrêté du 6 juillet 2005 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Vienne, délégation pour signer au nom du préfet l'arrêté litigieux ;
Considérant que M. X a fait l'objet d'une décision de refus de séjour le 12 mai 2005 qui lui a été notifiée, le 15 mai 2005, date à laquelle a commencé à courir le délai d'un mois prévu par l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que s'il soutient que le préfet ne pouvait prendre cet arrêté de reconduite à la frontière dès lors qu'aucune décision ne lui a été notifiée en réponse aux lettres du 18 mai et du 10 juin 2005, ces courriers, en l'absence d'éléments nouveaux dans la situation familiale de l'intéressé ainsi qu'il a été dit plus haut, ne sauraient valoir demande nouvelle ; que, dès lors, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du dit code ;
Considérant que M. X ne peut utilement se prévaloir de ce que son épouse aurait, le 9 août 2005, signé une déclaration selon laquelle elle entendait se désister de son action en annulation de son mariage, dès lors que ce document a été rédigé postérieurement à la date de la décision litigieuse ;
Considérant que M. X excipe de l'illégalité de la décision de refus de séjour au regard de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse qui dispose que : « Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : …2. au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française… Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2 ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux » ; que selon l'article 7 bis du même accord : « Les ressortissant algériens… peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années….Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit…a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2, et au dernier alinéa de ce même article » ; qu'en l'absence de communauté de vie effective entre les époux X, le préfet a pu, sans méconnaître les dispositions précitées de l'accord franco-algérien, refuser de renouveler le certificat de résidence d'un an et de délivrer le certificat de résidence valable dix ans ;
Considérant que la portée des stipulations de l'accord franco-algérien n'est pas équivalente à celles des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 ou du 1° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant, sous certaines conditions, la délivrance d'un titre de séjour à un étranger conjoint d'un ressortissant français ; que, dès lors, le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE n'avait pas à saisir la commission du titre de séjour prévue par l'article L. 312-1 dudit code avant de refuser de renouveler le titre de séjour délivré à M. X ;
Considérant que si M. X soutient qu'il vit en France depuis 2000 où son frère réside régulièrement et que son épouse est enceinte, eu égard au fait qu'il n'établit pas qu'il n'a pas conservé d'attaches familiales en Algérie et compte tenu des effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris ; que, par suite, les moyens tirés de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation et que l'arrêté méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou celles des articles 6 et 7 de l'accord franco-algérien ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant que le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article R. 341-3 du code du travail et de l'arrêté ministériel du 14 décembre 1984 est inopérant dès lors que le préfet ne s'est pas fondé sur la situation de l'emploi pour refuser d'accorder le titre de séjour ;
Considérant que M. X ne saurait utilement se prévaloir à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière le concernant des stipulations de l'accord d'association signé le 22 avril 2002 entre la communauté européenne et l'Algérie qui fixe les garanties reconnues aux travailleurs algériens en matière de conditions de travail et de rémunération ;
Considérant, enfin, que la circonstance que, par ordonnance du 5 décembre 2005, le juge des mises en état du tribunal de grande instance de Limoges a prononcé la radiation de l'affaire ayant pour objet la demande en nullité du mariage introduite par Mme Y- X, est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué qui doit s'apprécier à la date à laquelle cet arrêté est pris ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE VIENNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Limoges a annulé ses arrêtés du 25 juillet 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et fixant l'Algérie comme pays de destination ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il verse à M. X une somme en remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement en date du 11 août 2005 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Limoges est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Limoges est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
5
No 05BX01982