Vu l'ordonnance du président du Tribunal administratif de Poitiers en date du 10 janvier 2006, transmettant à la Cour administrative d'appel de Bordeaux, en application de l'article R. 361-3 du code de justice administrative, le dossier de la requête de M. Yannick X, enregistrée le 23 décembre 2005 ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 janvier 2006, présentée pour M. Yannick X, domicilié ..., par Me Demaison ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 04 / 3038 du 3 novembre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a annulé le titre de perception émis le 31 juillet 2003 par le ministre de la défense pour un montant de 22 105 euros, représentant le préjudice subi par l'Etat du fait de la destruction accidentelle d'un autocar militaire, en tant que son montant excédait la somme de 16 578,75 euros ;
2°) d'annuler intégralement le titre contesté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2006,
le rapport de M. Vié, premier conseiller ;
et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le ministre de la défense a émis, le 31 juillet 2003, un titre de perception à l'encontre de M. X pour avoir paiement d'une somme de 22 105 euros, en réparation du préjudice subi par l'Etat du fait de la destruction accidentelle d'un autocar militaire le 26 octobre 1996 ; que M. X demande l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Poitiers en date du 3 novembre 2005 en tant que celui-ci, qui l'a déclaré responsable à hauteur de 75 % des conséquences dommageables de l'accident, n'a annulé ledit titre de perception que dans la mesure où son montant excédait la somme de 16 578,75 euros ; que, par la voie de l'appel incident, le ministre de la défense demande que la responsabilité intégrale du requérant dans la réalisation du dommage soit retenue ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, qui effectuait son service national en qualité d'appelé sur la base aérienne de Saintes (Charente-Maritime), s'est procuré, le 26 octobre 1996 vers 23h30, les clefs de l'autocar militaire dont il était le chauffeur afin d'accomplir un dernier tour de base avant d'être libéré de ses obligations militaires ; que l'intéressé a perdu le contrôle du véhicule, qui a terminé sa course contre un bâtiment après avoir percuté un arbre ; que le requérant, qui, en permission au moment des faits, revenait d'un bar situé en ville, ne bénéficiait d'aucune autorisation de conduire le véhicule en cause et a fait l'objet d'un contrôle d'alcoolémie positif peu après l'accident ; que, dans ces conditions, il a commis une faute personnelle détachable du service, de nature à engager sa responsabilité dans les conséquences dommageables de l'accident ;
Considérant, cependant, que l'absence du sous-officier de permanence, la circonstance que le garage n'avait pas fait l'objet d'une fermeture , de même que l'absence d'opposition du soldat de permanence à l'utilisation manifestement illicite du véhicule, constituent des carences de l'administration exonératoires de responsabilité pour M. X ; qu'il y a lieu, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, de limiter à 25 % des conséquences dommageables l'incidence de ces circonstances ;
Sur la créance de l'administration :
Considérant, en premier lieu, que l'article 130 de l'instruction générale du 16 janvier 1989 relative à la réparation amiable ou judiciaire des dommages causés ou subis par les armées dispose : « Indépendamment de l'enquête ouverte aussitôt que possible, et pour permettre à l'administration de poursuivre le recouvrement du préjudice subi par l'Etat par voie d'action portée, s'il y a lieu, devant les tribunaux judiciaires, les dégâts causés à des immeubles ou à du matériel militaire doivent toujours faire l'objet, non seulement d'une constatation contradictoire mais également d'une évaluation contradictoire et détaillée, à moins que le matériel ne soit secret ou que des motifs sérieux ne s'y opposent ; ces motifs doivent être indiqués. En conséquence, chaque fois que des dégâts sont causés par un tiers à des immeubles ou à du matériel militaire, l'auteur des dégâts doit être mis en demeure, par lettre recommandée avec avis de réception, d'assister ou de se faire représenter à ce constat ou à cette évaluation [...] » ; que l'article 208 de cette même instruction rappelle que doivent être considérés comme des tiers les agents de l'Etat lorsqu'ils ont commis une faute personnelle détachable de l'exécution du service ;
Considérant que ces dispositions par lesquelles le ministre de la défense s'est borné à donner aux agents de ses services des instructions sur la méthode à suivre pour constituer les dossiers relatifs à des dommages subis par les armées, doivent être regardées comme de simples mesures d'organisation du service, qui ne peuvent utilement être invoquées par des tiers auteurs d'un dommage causé à des immeubles ou à du matériel militaire ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'absence de caractère contradictoire de l'évaluation du préjudice de l'Etat au regard de l'instruction générale du 16 janvier 1989 doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'autocar accidenté n'a pas fait l'objet de réparation, eu égard à la différence entre le montant des réparations, évalué par le concessionnaire de la marque, aux termes d'un devis du 20 novembre 1996, à la somme de 308 302,50 francs (47 000 euros), et la valeur vénale du véhicule, estimée par l'expert de l'administration à 175 000 F (26 679 euros) ; que M. X ne fournit aucun élément de nature à contester utilement la somme de 22 105 euros représentative du préjudice subi par l'Etat, eu égard à la valeur vénale du véhicule susmentionnée, de laquelle a été déduite la somme de 30 000 francs (4 574 euros), correspondant aux éléments récupérés pour montage sur véhicule similaire ;
Considérant que, compte tenu du partage de responsabilité susmentionné, la créance de l'administration s'élève à la somme de 16 578,75 euros ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni M. X, ni le ministre de la défense, ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a annulé le titre de perception du 31 juillet 2003 en tant que son montant excédait la somme de 16 578,75 euros ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme demandée au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. X et les conclusions incidentes du ministre de la défense sont rejetés.
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06BX00068