Vu, I, sous le n° 06BX02262, la requête enregistrée au greffe le 31 octobre 2006 sous forme de télécopie et le 8 novembre 2006 en original, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ;
Le PREFET DE LA VIENNE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement rendu le 30 octobre 2006 par le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a, d'une part, annulé la décision distincte, contenue dans l'arrêté du 25 octobre 2006 portant reconduite à la frontière de M. X, désignant la Guinée comme pays à destination duquel ce dernier doit être reconduit, d'autre part, condamné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros à l'avocat de M. X au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par M. X devant le Tribunal administratif de Poitiers en tant qu'elles tendaient à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi et à ce qu'il soit accordé à l'avocat de M. X le bénéfice de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
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Vu, II, sous le n° 06BX02281, la requête enregistrée au greffe le 6 novembre 2006 sous forme de télécopie et le 8 novembre en original, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ;
Le PREFET DE LA VIENNE demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement susvisé, rendu le 30 octobre 2006 par le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a, d'une part, annulé la décision distincte, contenue dans l'arrêté du 25 octobre 2006 portant reconduite à la frontière de M. X, désignant la Guinée comme pays à destination duquel ce dernier doit être reconduit, d'autre part, condamné l'Etat à verser à l'avocat de M. X une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir au cours de l'audience publique du 19 janvier 2007, fait le rapport et entendu :
- les observations de Me Hay, avocat de M. X ;
- et les conclusions de M. Labouysse, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes du PREFET DE LA VIENNE sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la requête n° 05BX02262 :
En ce qui concerne l'appel incident de M. X, relatif à la légalité de la mesure de reconduite prise à son encontre :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « l'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité guinéenne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 7 mai 2004 refusant de lui délivrer un titre de séjour ; qu'il entrait ainsi dans l'un des cas où le préfet peut légalement ordonner la reconduite à la frontière ;
Considérant que l'arrêté contesté indique les motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle du requérant ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X est entré en France en 2003, à l'âge de 21 ans ; qu'à la suite de la notification d'une décision de refus de séjour du 7 mai 2004 consécutive au rejet de sa demande d'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 septembre 2003 confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 25 mars 2004, il s'est maintenu en France irrégulièrement ; que, s'il fait valoir qu'il vit maritalement avec une compatriote, celle-ci est elle aussi en situation irrégulière ; que leur enfant est né le 21 octobre 2005, soit un an avant l'arrêté litigieux ; que si l'intéressé soutient qu'il n'a plus d'attaches familiales en Guinée, il n'en justifie pas en produisant des certificats de décès à l'authenticité douteuse ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour en France de l'intéressé et de la situation irrégulière de sa compagne, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, la mesure contestée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale de M. X une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant que, s'il ressort des pièces versées au dossier que M. X souffre d'une hépatite B et de troubles gastriques, il n'est pas établi que le retour dans son pays d'origine emporterait pour son état de santé des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que l'intéressé n'entre pas ainsi dans le cas prévu au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant que le dépôt par M. X d'une demande de réexamen de sa situation au regard du statut de réfugié politique le 24 novembre 2006, soit postérieurement à la mesure d'éloignement litigieuse est sans incidence sur la légalité de celle-ci ;
Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué pour contester la légalité d'une mesure de reconduite ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel incident de M. X tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de reconduite pris à son encontre le 25 octobre 2006 doivent être rejetées ;
En ce qui concerne l'appel principal du PREFET DE LA VIENNE :
Considérant que le dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose qu'un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce dernier texte énonce que : « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ;
Considérant que M. X, dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Commission des recours des réfugiés et dont la demande de réexamen a été récemment rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, fait valoir qu'il a été incarcéré et torturé en 2001 dans son pays d'origine, à la suite d'une attaque de rebelles, et qu'il est considéré dans son pays comme un opposant au régime, de sorte que sa vie et sa liberté seraient en danger s'il devait y retourner ; que toutefois, outre que M. X soutient désormais que son père a été tué lors de cette attaque de rebelles en 2001 alors qu'il affirmait devant le premier juge que son père avait été tué lorsqu'il était encore bébé, la réalité des risques encourus personnellement par l'intéressé en octobre 2006, date à laquelle est intervenu l'arrêté litigieux, n'est pas établie par des éléments suffisamment probants ; qu'en particulier, le seul document produit pour établir ces risques actuels et personnels, qui consiste en une lettre émanant d'un ami, ne saurait suffire à établir la réalité de ces risques ; que, dans ces conditions, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le juge de la reconduite de première instance a annulé la décision fixant le pays de destination en se fondant sur la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le PREFET DE LA VIENNE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a, d'une part, annulé la décision distincte, contenue dans l'arrêté du 25 octobre 2006 portant reconduite à la frontière de M. X, et désignant la Guinée comme pays à destination duquel il doit être reconduit, d'autre part, condamné l'Etat à verser à l'avocat de M. X la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
En ce qui concerne les conclusions de M. X tendant à la délivrance d'un titre de séjour :
Considérant qu'eu égard à ce qui précède, les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de procéder au réexamen de sa situation doivent être rejetées ;
Sur la requête n° 06BX02281 :
Considérant que la présente décision statue sur la requête du PREFET DE LA VIENNE à fin de réformation du jugement dont il est demandé le sursis à exécution ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête à fin de sursis présentée par le préfet ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions de M. X présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement en date du 30 octobre 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Poitiers est annulé en tant qu'il a annulé la décision distincte fixant le pays à destination duquel M. X devait être reconduit et qu'il a condamné l'Etat à verser à l'avocat de M. X la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Poitiers est rejetée en tant qu'elle tend à l'annulation de la décision distincte fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit et en tant qu'elle sollicite le bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Les conclusions d'appel incident de M. X, ainsi que ses conclusions présentées en appel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 06BX02281.
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Nos 06BX02262,06BX02281