Vu I) le recours enregistré le 4 mars 2005 au greffe de la cour sous le n° 05BX00493, présenté par le MINISTRE DES SOLIDARITES, DE LA SANTE ET DE LA FAMILLE ;
Il demande à la cour d'annuler le jugement du 28 décembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. X ainsi qu'à la CPAM de la Dordogne des indemnités en réparation du préjudice résultant de la sclérose en plaques dont M. X est atteint ;
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Vu l'ensemble des pièces du dossier ;
Vu II) la requête enregistrée au greffe de la cour le 6 novembre 2006 sous le n° 06BX02284, présentée pour la CPAM DE LA DORDOGNE par la SCP Favreau et Civilise ;
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Vu l'ensemble des pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale et notamment les dispositions de l'article L 376-1 dans leur rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement convoquées à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2007 :
- le rapport de Mme Fabien, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le recours du MINISTRE DES SOLIDARITES, DE LA SANTE ET DE LA FAMILLE, enregistré sous le n° 05BX00493, et la requête de la CPAM DE LA DORDOGNE enregistrée sous le n° 06BX02284 présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
Considérant que par le jugement attaqué du 28 décembre 2004, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser, en réparation du préjudice résultant de la sclérose en plaques dont est atteint M. X, d'une part une indemnité de 60 000 euros à ce dernier et, d'autre part, une somme de 24 771,03 euros à la CPAM DE LA DORDOGNE au titre des arrérages échus de la pension d'invalidité servie à M. X ainsi que les arrérages à échoir, au fur et à mesure de leur échéance, jusqu'à ce que soit atteinte, globalement et tous débours inclus, la somme de 40 000 euros correspondant à la part de l'indemnité destinée à réparer l'atteinte à l'intégrité physiologique résultant de l'invalidité permanente partielle ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L 3111-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision rejetant la demande d'indemnisation de M. X : « Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation d'un dommage imputable directement à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre est supportée par l'Etat » ;
Considérant que M. X a reçu les 9 juillet, 18 août et 4 octobre 1994 trois injections de Genhevac dans le cadre de la vaccination obligatoire contre l'hépatite B qu'il a subie alors qu'il était employé comme agent d'entretien au centre hospitalier de La Rochelle ; qu'à la suite d'une parésie dont l'intéressé a été victime le 28 octobre 1996, une IRM pratiquée le 6 novembre 1996 a mis en évidence la sclérose en plaques dont il est atteint ; que l'intéressé produit une attestation de son médecin traitant indiquant qu'il l'a consulté dès septembre 1994 et janvier 1995 pour des troubles visuels et des paresthésies de la main droite ; qu'il résulte du rapport de l'expert, choisi par les parties dans le cadre de l'instruction par la commission de règlement amiable des accidents vaccinaux de la demande d'indemnisation de M. X, ainsi que des comptes-rendus médicaux que l'IRM pratiquée en novembre 1996 mettait en évidence en dehors de la lésion récente, des lésions démyélinisantes plus anciennes ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu que les troubles présentés en septembre 1994 et janvier 1995 ne relèveraient pas de la symptomatologie de la sclérose en plaques ou pourraient être liés à une autre cause que l'affection diagnostiquée en novembre 1996 et ayant provoqué des lésions avant cette date ; que l'expert n'a relevé aucun antécédent de cette pathologie antérieurement aux injections vaccinales reçues par M. X et n'a pas exclu son imputabilité à ladite vaccination ; que, dans ces conditions et compte tenu du bref délai ayant séparé les injections de l'apparition des troubles relatés par le médecin traitant de M. X, le lien de causalité entre la vaccination obligatoire contre l'hépatite B dont il a fait l'objet et la sclérose en plaques dont il souffre doit être regardé comme établi ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que M. X, né en 1956, a subi, en raison de la sclérose en plaques dont il est atteint, une invalidité temporaire totale du 28 octobre au 31 décembre 1996 et du 1er octobre 1997 au 6 avril 2000 et présente une invalidité permanente partielle chiffrée à 55 % ayant un fort retentissement professionnel ; que ses souffrances et son préjudice esthétique ont été évalués respectivement à 4 et 2 sur une échelle de 7 ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des préjudices personnels subis par M. X, au titre des souffrances endurées, de son préjudice esthétique et des troubles dans ses conditions d'existence résultant de son invalidité temporaire totale pendant une période de 32 mois ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence, incluant son préjudice moral et sexuel, résultant de son invalidité permanente partielle en les évaluant à 80 000 euros ;
Considérant que si M. X justifie avoir travaillé dans le cadre d'un contrat emploi solidarité de fin juin à mi-octobre 1994 puis dans le cadre de contrats à durée déterminée du 10 octobre 1994 au 11 janvier 1996 et du 24 mars au 30 avril 1997, il n'établit pas la réalité de pertes de revenus autres que celles compensées par l'attribution, à compter du 1er décembre 1999, d'une pension de groupe 2 lui étant versée par la CPAM DE LA DORDOGNE en application des dispositions de l'article L 341-1 du code de la sécurité sociale et dont le montant annuel, fixé à partir de son salaire annuel moyen des dix dernières années, s'élève actuellement à 7 355,58 euros ; que, par suite, le poste des préjudices liés aux pertes de revenus inclut les arrérages échus de cette rente d'un montant de 29 087,31 euros au 31 mai 2005 ainsi que les arrérages à échoir dont le capital représentatif s'élève à 58 109,08 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice total imputable devant être réparé par l'Etat comporte d'une part les préjudices personnels subis par ce dernier d'un montant de 80 000 euros et, d'autre part, au titre des pertes de revenus, les arrérages échus de la pension d'invalidité d'un montant de 29 078,31 euros ainsi que les arrérages à échoir de ladite pension devant, en l'absence d'accord de l'Etat sur le versement d'un capital représentatif, être remboursés au fur et à mesure de leur échéance ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le MINISTRE DES SOLIDARITES, DE LA SANTE ET DE LA FAMILLE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à réparer le préjudice lié à la sclérose en plaques dont est atteint M. X ; que ce dernier est en revanche fondé à demander que le jugement attaqué soit réformé pour porter de 60 000 à 80 000 euros le montant de l'indemnité devant lui être versée par l'Etat ; que la CPAM DE LA DORDOGNE est également fondée à demander que le jugement attaqué soit réformé pour, d'une part, porter de 24 771,03 à 29 078,31 euros le montant de l'indemnité devant lui être versée par l'Etat et pour, d'autre part, supprimer le plafonnement du remboursement par l'Etat des arrérages à échoir de la rente d'invalidité qu'elle verse à M. X ;
Considérant que M. X, admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, ne justifie pas avoir exposé pour les besoins de la présente instance des frais autres que ceux couverts par ladite aide ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme qu'il demande en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner à ce titre l'Etat à verser une somme de 300 euros à la CPAM DE LA DORDOGNE ;
DECIDE :
Article 1er : Le montant de l'indemnité que l'Etat est condamné à verser à M. X est porté de 60 000 euros à 80 000 euros.
Article 2 : Le montant de l'indemnité que l'Etat est condamné à verser à la CPAM DE LA DORDOGNE est porté de 24 771,03 à 29 078,31 euros.
Article 3 : L'Etat remboursera au fur et à mesure de leur versement les arrérages à échoir de la pension d'invalidité servie à M. X.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 28 décembre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat est condamné à verser une somme de 300 euros à la CPAM DE LA DORDOGNE en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le recours du MINISTRE DES SOLIDARITES, DE LA SANTE ET DE LA FAMILLE est rejeté.
Article 7 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté.
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N° 05BX00493/06BX02284