Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 mai 2006 sous le n° 06BX01000, présentée pour M. et Mme Daniel X demeurant ... par Me Frugier ;
M. et Mme X demandent à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 0400211, en date du 2 mars 2006, par lequel le Tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de la Creuse, intervenue le 29 décembre 2003, refusant de soustraire les parcelles dont ils sont propriétaires au Grand-Bourg et à Chamborand du territoire soumis à l'action des associations communales de chasse agréées de ces deux communes ;
2° d'annuler ladite décision ;
3° d'ordonner au préfet de la Creuse de procéder au retrait desdites parcelles des territoires des associations communales de chasse agréées concernées ;
4° de condamner l'Etat à leur verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2008 :
- le rapport de M. Zupan, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Vié, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par courrier du 23 octobre 2003, M. et Mme X ont demandé au préfet de la Creuse de soustraire les parcelles dont ils sont propriétaires au Grand-Bourg et à Chamborand du territoire soumis à l'action des associations communales de chasse agréées de ces deux communes ; qu'ils relèvent appel du jugement, en date du 2 mars 2006, par lequel le Tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de refus opposée à ce courrier par le préfet de la Creuse ;
Sur la légalité de la décision contestée :
Considérant qu ‘au termes de l'article L. 422-10 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-698 du 26 juillet 2000 relative à la chasse : « L'association communale est constituée sur des terrains autres que ceux : 1° Situés dans un rayon de 150 mètres autour de toute habitation ; 2° Entourés d'une clôture telle que définie par l'article L. 424-3 ; 3° Ayant fait l'objet de l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse sur des superficies d'un seul tenant supérieures aux superficies minimales mentionnées à l'article L. 422-13 ; (...) 5° Ayant fait l'objet de l'opposition des propriétaires (...) qui, au nom de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse, interdisent, y compris pour eux-mêmes, l'exercice de la chasse sur leurs biens (...) » ;
Considérant, en premier lieu, que M. et Mme X, d'une part, ne contestent pas que les parcelles dont ils sont propriétaires sur le territoire des communes du Grand-Bourg et de Chamborand ne répondent pas aux conditions fixées par les dispositions précitées, dès lors notamment qu'elles n'atteignent pas une superficie d'un seul tenant de 60 hectares, seuil d'opposition en vigueur dans le département de la Creuse, d'autre part, indiquent eux-mêmes expressément qu'ils n'ont pas entendu faire état de convictions personnelles hostiles à la chasse ; qu'ils excipent cependant de l'incompatibilité de l'article L. 422-10 du code de l'environnement ainsi opposé à ladite demande avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'aux termes de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à cette convention : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général (...) » ; que l'article 11 de ladite convention, également invoqué par les requérants, stipule : « Toute personne a droit (...) à la liberté d'association (...) L'exercice des droits ainsi prévus ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) » ; qu'aux termes, enfin, de l'article 14 de la même convention : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ; que si les dispositions précitées de l'article L. 422-10 du code de l'environnement permettent aux seuls propriétaires de terrains d'un seul tenant d'une superficie supérieure à un seuil déterminé localement par arrêté préfectoral, ainsi qu'aux détenteurs de droits de chasse sur de tels terrains, de soustraire ceux-ci à l'action d'une association de chasse agréée, lorsqu'il en est constitué, pour des motifs étrangers aux convictions d'ordre éthique, la privation des droits de chasse que doivent supporter, quant à eux, les propriétaires ou détenteurs de droits de chasse ne remplissant pas cette condition de superficie, compensée par la possibilité qui leur est offerte de pratiquer la chasse sur l'ensemble du territoire de l'association de chasse agréée, trouve sa justification dans l'intérêt général attaché à l'encadrement technique de la chasse et à la gestion rationnelle du patrimoine cynégétique, ainsi que dans la nécessité, pour satisfaire à ces exigences, d'éviter le morcellement des territoires de chasse ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompatibilité desdites dispositions avec les stipulations internationales précitées doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que si le dispositif ainsi mis en place par le législateur, complété par le décret n° 2002-705 du 30 avril 2002 sur les associations communales et intercommunales de chasse agréées, insérées dans les dispositions réglementaires du code de l'environnement, n'est pas uniformément appliqué à l'ensemble des départements, la différence de traitement qui en résulte est justifiée, dans l'intérêt général, par les spécificités propres à chacun d'eux concernant l'état de leur patrimoine cynégétique et les structures de propriété qui y sont généralement constatées ;
Considérant enfin que, la décision contestée ayant nécessairement été prise sur le fondement particulier de l'article L. 422-10 du code de l'environnement, M. et Mme X ne sauraient utilement invoquer la méconnaissance, par le préfet de la Creuse, des dispositions générales de l'article 544 du code civil, définissant la propriété comme « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions en injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. et Mme X, n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ; que les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme X ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. et Mme X la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de condamner M. et Mme X à verser à l'association communale de chasse agréée du Grand-Bourg et à l'association communale de chasse agréée de Chamborand la somme de 600 euros chacune au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.
Article 2 : M. et Mme X verseront à l'association communale de chasse agréée du Grand-Bourg et à l'association communale de chasse agréée de Chamborand la somme de 600 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 06BX1000