Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 6 septembre 2006, présentée pour la FEDERATION PROFESSIONNELLE DES ENTREPRISES DE L'EAU (FP2E), anciennement dénommée syndicat professionnel des entreprises des services d'eau et d'assainissement (SPDE), dont le siège est 83 avenue Foch à Paris (75116), par Me Saint-Esteben et Me Seng, avocats ;
La FEDERATION PROFESSIONNELLE DES ENTREPRISES DE L'EAU demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande dirigée contre la délibération en date du 3 février 2004 par laquelle le conseil général des Landes a décidé de majorer de 5 points les taux de subventions accordés pour les travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement collectif aux collectivités gérant leur service en régie, de minorer de 5 points les taux de subventions accordés pour les mêmes travaux aux collectivités gérant leur service en affermage, avec un taux plancher de 10 %, et contre la décision par laquelle le conseil général des Landes a refusé d'abroger ladite délibération ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette délibération et cette décision ;
3°) de condamner le département des Landes à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2008 :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller ;
- les observations de Me Seng, avocat de la FEDERATION PROFESSIONNELLE DES ENTREPRISES DE L'EAU ;
- les observations de Me Bigas, avocat du département des Landes ;
- et les conclusions de M. Gosselin, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la FEDERATION PROFESSIONNELLE DES ENTREPRISES DE L'EAU demande l'annulation du jugement du 6 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande dirigée contre la délibération en date du 3 février 2004 par laquelle le conseil général des Landes a décidé de majorer de 5 points les taux de subventions accordés pour les travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement collectif aux collectivités gérant leur service en régie, de minorer de 5 points les taux de subventions accordés pour les mêmes travaux aux collectivités gérant leur service en affermage, avec un taux plancher de 10 %, et contre la décision par laquelle le conseil général des Landes a refusé d'abroger ladite délibération ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que le tribunal administratif de Pau a examiné avec précision les tarifs moyens des services de l'eau et de l'assainissement, tant au niveau national qu'au niveau départemental, et interprèté la délibération litigieuse comme ne visant, outre les communes rurales, que les parties rurales des communes urbaines ; qu'ainsi, il a suffisamment répondu aux moyens tirés du défaut de pertinence de l'échantillonnage des études sur lesquelles repose la délibération litigieuse et du champ d'application de cette même délibération ;
Au fond :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 3232-1 du code général des collectivités territoriales : « Le département établit un programme d'aide à l'équipement rural au vu, notamment, des propositions qui lui sont adressées par les communes... » ; qu'aux termes de l'article L. 3233-1 du même code : « Le département apporte aux communes qui le demandent son soutien dans l'exercice de leurs compétences » ;
Considérant que, par délibération du 3 février 2004, le conseil général des Landes a décidé de majorer de 5 points les taux de subventions accordées pour les travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement collectif aux collectivités gérant leur service en régie, de minorer de 5 points les taux de subventions accordés pour les travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement collectif aux collectivités gérant leur service en affermage, avec un taux plancher de 10 %, d'adopter les nouveaux règlements d'aide à l'alimentation en eau potable et à l'assainissement présentés en annexes à la délibération, et de maintenir l'application des taux de subventions au titre de l'année 2003 aux opérations ayant reçu l'accord du comité départemental Objectif 2 pour l'attribution d'une aide européenne ;
Considérant qu'il résulte des annexes I et II de la délibération litigieuse, qui précisent les taux d'intervention financière du département des Landes désormais applicables aux montants des travaux d'adduction d'eau potable et des travaux d'assainissement en fonction de la nature du service considéré et de celle des travaux subventionnés, que sont exclusivement concernées les communes rurales, s'agissant des travaux d'adduction d'eau potable et que sont essentiellement concernées les communes rurales, s'agissant des travaux d'assainissement ; que les travaux en cause sont au nombre de ceux qui relèvent de l'équipement rural au sens des dispositions précitées de l'article L. 3232-1 du code général des collectivités territoriales ; que si la délibération litigieuse concerne également les communes urbaines de moins de 15 000 habitants pour l'aide aux travaux d'assainissement, le département des Landes pouvait légalement apporter son soutien financier à ces communes, dans la mesure où cette aide se limite aux travaux à réaliser dans les parties rurales desdites communes, comme cela ressort de la délibération et de ses annexes, alors même qu'une telle aide peut indirectement bénéficier à la commune dans son ensemble ; que, par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le conseil général n'était pas compétent pour prendre la délibération litigieuse ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le conseil général des Landes s'est déterminé notamment au vu d'une étude élaborée, en décembre 2003, par la direction départementale de l'agriculture et de la forêt des Landes, selon laquelle les tarifs pratiqués par les services publics dont la gestion est affermée sont très sensiblement supérieurs à ceux des services gérés en régie ; que la pertinence de cette étude, qui met en évidence la réalité d'écarts entre les tarifs pratiqués par les régies et les tarifs pratiqués par les fermiers, n'est pas utilement contestée ; que la circonstance que d'autres études fassent état de la situation des communes de Dax et de Mont-de-Marsan n'est pas de nature à remettre en cause la pertinence de l'échantillonnage retenu ; que la différence des prestations accomplies par les régies et par les fermiers n'est pas de nature à priver de signification la comparaison entre les tarifs pratiqués ; que, d'autre part, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que, pour les réseaux affermés, le fermier participe à ce financement ; que, dès lors, les motifs de la délibération litigieuse, tenant à la constatation d'un écart de prix sensible entre les tarifs d'eau potable et d'assainissement des collectivités selon que les services sont exploités en régie ou en fermage, et à ce que les sociétés fermières ont la possibilité d'aider financièrement les communes dans leurs investissements, ne sont pas entachés d'inexactitude matérielle ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les annexes I et II de la délibération litigieuse, qui précisent les taux d'intervention financière du département des Landes désormais applicables aux montants des travaux d'adduction d'eau potable et des travaux d'assainissement en fonction de la nature du service considéré et de celle des travaux subventionnés, ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 3232-1 du code général des collectivités territoriales ;
Considérant que si la fédération requérante soutient que la délibération litigieuse aggrave les différences entre les usagers, il ressort au contraire des pièces du dossier que l'intérêt des usagers a été dans son ensemble pris en compte par le conseil général ; qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Considérant que la délibération litigieuse a notamment pour but d'inciter les collectivités à exploiter leurs services d'eau et d'assainissement en régie en vue de faire bénéficier les usagers de tarifs moins élevés que ceux pratiqués par les mêmes services exploités par voie d'affermage ; qu'elle n'est, dès lors, pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que si la délibération litigieuse retient une modulation des subventions avec un plancher de 10 % du coût des travaux, cette modulation n'est pas disproportionnée par rapport à la différence de situation résultant de l'exploitation en régie ou de l'affermage du service et n'est pas en l'espèce de nature à entraver la liberté de choix du mode de gestion de leur réseau par les collectivités bénéficiaires ;
Considérant que la délibération litigieuse n'a pas pour objet la tarification des services publics de l'eau et de l'assainissement, mais seulement la fixation du niveau d'intervention financière du département des Landes pour les travaux d'investissement sur les réseaux d'eau et d'assainissement, et n'est applicable qu'aux seules collectivités propriétaires de ces réseaux, concernées par cette délibération ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des principes d'égalité des usagers devant le service public et d'égalité entre les exploitations en régie et les délégataires des services publics de l'eau et de l'assainissement doivent être écartés ;
Considérant que si les collectivités territoriales doivent entièrement financer les investissements relatifs aux réseaux qu'elles exploitent en régie, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que, pour les réseaux affermés, le fermier participe à ce financement ; qu'ainsi, ces collectivités ne sont pas placées dans la même situation au regard du coût de leurs investissements selon que le service des eaux ou de l'assainissement est affermé ou exploité en régie ; que, par suite, en se fondant sur le critère du mode de gestion du service d'eau et d'assainissement des communes pour moduler les subventions attribuées à ces dernières, le département des Landes n'a pas, dans l'exercice de son pouvoir de détermination des modalités du régime d'aides auquel il avait décidé d'affecter une part des ressources de son budget, méconnu le principe d'égalité ; qu'ainsi, le département des Landes, qui n'a pas porté atteinte au libre exercice de l'activité professionnelle des sociétés fermières, n'a ni méconnu le principe d'égale concurrence entre opérateur public et opérateur privé, ni introduit une distorsion des règles de concurrence nationales et communautaires qui ne serait pas justifiée par une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation des services publics de l'eau et de l'assainissement ;
Considérant que l'impact de la délibération sur les prix des services publics de l'eau et de l'assainissement pratiqués par les régies et par les fermiers est sans incidence sur sa légalité ;
Considérant que la circonstance que l'article L. 2224-11-5 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006, qui est postérieur à la délibération litigieuse, interdit l'avantage consenti par la délibération litigieuse aux services publics de l'eau et de l'assainissement exploités en régie est sans incidence sur la légalité de cette dernière ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, la FEDERATION PROFESSIONNELLE DES ENTREPRISES DE L'EAU n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 6 juin 2006, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande dirigée contre la délibération en date du 3 février 2004 du conseil général des Landes ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département des Landes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la FEDERATION PROFESSIONNELLE DES ENTREPRISES DE L'EAU la somme qu'elle demande au titre des frais de procès non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de condamner la FEDERATION PROFESSIONNELLE DES ENTREPRISES DE L'EAU à verser au département des Landes la somme de 1 300 € sur le même fondement ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la FEDERATION PROFESSIONNELLE DES ENTREPRISES DE L'EAU est rejetée.
Article 2 : La FEDERATION PROFESSIONNELLE DES ENTREPRISES DE L'EAU est condamnée à verser au département des Landes la somme de 1 300 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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No 06BX01901