Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 19 janvier et 12 février 2007, présentés pour M. Y X et M. Anli X, domiciliés ..., par Me Ruffié, avocat au barreau de Bordeaux ; MM. X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600180 du 16 novembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Mamoudzou les a, dans le cadre de la procédure de contravention de grande voirie engagée à leur encontre par le préfet de Mayotte, condamnés à remettre en état les parcelles cadastrées AC 19 et 20, au lieudit Mtsatroundrou de la commune de Brandrélé, relevant du domaine public maritime, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, sous peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard en cas d'inexécution pendant les trois mois suivants, le préfet de Mayotte étant autorisé, au terme de ce second délai, à procéder d'office à l'exécution des travaux correspondants aux frais des contrevenants ;
2°) de prononcer leur relaxe des fins de la poursuite ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 92-1139 du 12 octobre 1992 relative au code du domaine de l'Etat et des collectivités publiques applicable à la collectivité territoriale de Mayotte ;
Vu l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le décret du 28 septembre 1926 réglementant le domaine à Madagascar ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2008 :
* le rapport de M. Kolbert, président-assesseur ;
* les observations de Me Baltazar, pour MM. X ;
* et les conclusions de M. Doré, commissaire du gouvernement ;
Considérant que MM. Y et Anli X relèvent régulièrement appel du jugement en date du 16 novembre 2007 par lequel, en application des dispositions de l'article L. 774-1 du code de justice administrative, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Mamoudzou, après avoir estimé que l'édification sans autorisation de plusieurs bâtiments dans la zone dite des « cinquante pas géométriques » de la commune de Bandrélé (Mayotte) au lieudit Mtsatroundrou, laquelle relève du domaine public maritime, était constitutive d'une contravention de grande voirie, les a condamnés, sous astreinte, à remettre les lieux en leur état originel, sauf à ce que l'administration se substitue à eux à leurs frais, en cas d'inexécution dans les délais prescrits ;
Considérant qu'il appartient au juge administratif d'examiner d'office si les faits dont il est saisi par procès-verbal sont, au regard des textes applicables, constitutifs d'une contravention de grande voirie et qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, le moyen tiré de ce que l'incrimination des faits reprochés à MM. X n'était prévue par aucun texte applicable, n'est pas irrecevable, quelle que soit la date à laquelle il a été soulevé ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques : « Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1 » ; qu'aux termes de l'article L. 2132-27 du même code : « Les contraventions définies par les textes mentionnés à l'article L. 2132-2, qui sanctionnent les occupants sans titre d'une dépendance du domaine public, se commettent chaque journée et peuvent donner lieu au prononcé d'une amende pour chaque jour où l'occupation est constatée, lorsque cette occupation sans titre compromet l'accès à cette dépendance, son exploitation ou sa sécurité » ; que si ces dispositions ont été déclarées applicables à la collectivité départementale de Mayotte, à compter du 1er juillet 2006, par l'article L. 5311-2 du même code, ce dernier a, à l'inverse, explicitement exclu l'application à Mayotte de plusieurs autres dispositions de ce code, parmi lesquelles celles de l'article L. 2132-3 aux termes desquelles : « Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. Nul ne peut, en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations » ; qu'ainsi, ni ces dispositions, ni aucune autre disposition de ce code, ne permettent de fonder, dans la collectivité de Mayotte, l'exercice de poursuites devant le juge administratif statuant en matière de contraventions de grande voirie, pour une occupation sans titre du domaine public maritime ;
Considérant, en outre, que les dispositions de l'arrêté du gouverneur général de Madagascar en date du 1er septembre 1927, pris sur l'habilitation à valeur législative de l'article 36 du décret du 28 septembre 1926 susvisé, qui ont maintenu en vigueur les dispositions antérieures d'un arrêté gubernatorial du 8 avril 1911, et notamment celles de son article 43 regardant comme des contraventions, les occupations sans titre du domaine public de Madagascar et des Comores, ont été nécessairement abrogées, en même temps que l'ensemble des dispositions à valeur législative du décret du 28 septembre 1926, par les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 92-1139 du 12 octobre 1992 relative au code du domaine de l'Etat et des collectivités publiques applicable à la collectivité territoriale de Mayotte ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient l'administration en défense, lesdites dispositions ne pouvaient davantage fonder les poursuites engagées contre les consorts X ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, qu'à la date à laquelle le tribunal administratif a été saisi, le 24 août 2006, du procès-verbal de contravention de grande voirie dressé à l'encontre de MM. X, pour avoir construit sans autorisation, plusieurs bâtiments dans la zone des cinquante pas géométriques relevant du domaine public maritime, aucune disposition législative ou réglementaire ne permettait de regarder une occupation sans titre du domaine public maritime à Mayotte comme constitutive d'une contravention de grande voirie ; qu'ainsi, le premier juge saisi de cette seule procédure, ne pouvait que prononcer la relaxe des intéressés des fins de la poursuite, y compris s'agissant des mesures pouvant être ordonnées dans le cadre de l'action domaniale susceptible d'en relever ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MM. X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Mamoudzou leur a, dans le cadre de la procédure de contravention de grande voirie dont il était saisi, prescrit les mesures de remise en état des lieux contestées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, conformément aux dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État, qui est, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à MM. X d'une somme globale de 1 300 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er à 3 du jugement n° 0600180 du 16 novembre 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Mamoudzou sont annulés.
Article 2 : MM. X sont relaxés des fins de la poursuite.
Article 3 : L'Etat versera à MM. X une somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 07BX00157