Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 1er mars 2007, présentée pour M. Claude X, demeurant ... par Me Piquet ;
M. X demande à la Cour :
- d'annuler le jugement en date du 2 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux, après avoir constaté un non lieu à statuer sur ses conclusions aux fins d'annulation de la décision 48 S du 18 août 2004 du ministre de l'intérieur retirant six points de son permis de conduire et constatant l'invalidité de ce permis, a rejeté le surplus de ses conclusions aux fins d'annulation de la décision de retrait d'un point suite à l'infraction commise le 10 avril 2001, d'injonction de restituer son permis de conduire et de produire le justificatif de restitution de points annoncés et de condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 4240 euros au titre des préjudices subis suite au retrait de son permis de conduire ;
- d'annuler la décision du 10 avril 2001 portant retrait d'un point ainsi que la décision du 18 août 2004 portant retrait de six points et annulant son permis de conduire ;
- de condamner l'Etat à lui verser 4 240 euros au titre des préjudices résultant du retrait illégal de son permis de conduire ;
- d'enjoindre au ministre de l'intérieur de produire le justificatif de restitution des points annoncé dans le mémoire de première instance en date du 6 décembre 2005, la restitution de son permis de conduire et d'un point en raison de l'illégalité de la décision prise à la suite de l'infraction commise le 10 avril 2001 ;
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Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 18 septembre 2007 accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. Claude X ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2008,
le rapport de M. Cristille, premier conseiller;
et les conclusions de Mme Viard, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par le jugement attaqué du 2 janvier 2007, le Tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. X tendant à l'annulation de la décision du 18 août 2004 par laquelle le ministre de l'intérieur a procédé au retrait de six points de son capital de points de permis de conduire à la suite de l'infraction commise par l'intéressé le 27 novembre 2001 et, après avoir récapitulé les retraits de points antérieurs, a constaté la perte de validité du titre de conduite de l'intéressé pour un solde de points nul et a, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande de l'intéressé aux fins d'annulation de la décision de retrait d'un point résultant de l'infraction commise le 10 avril 2001, d'injonction de restituer son permis de conduire et de condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 4 240 euros au titre des préjudices subis du fait de l'illégalité du retrait de son permis de conduire ; que M. X interjette appel de ce jugement en tant que celui-ci n'a pas fait entièrement droit à ses demandes ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par la décision en litige du 18 août 2004, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a informé M. X du retrait de six points de son permis de conduire à la suite de sa condamnation devenue définitive pour l'infraction du 27 novembre 2001, a récapitulé les neuf autres points perdus antérieurement et lui a indiqué que, compte tenu du total de points ainsi retirés, le capital de points affectés à son permis de conduire était désormais nul entraînant la perte de validité de son titre de conduite ; que dans son mémoire de première instance en date du 6 décembre 2005, le ministre de l'intérieur a informé le requérant que les dix points retirés à la suite des infractions commises le 29 mai 1998 et le 27 novembre 2001 lui étaient restitués et qu'il bénéficiait à nouveau d'un titre de conduite depuis le 17 octobre 2005 ; que, par suite, les premiers juges pouvaient alors même que M. X soutenait qu'aucune décision n'avait procédé à la restitution annoncée des points, considérer qu'il n'y avait plus lieu de statuer, à la date du jugement, sur les conclusions du requérant en tant qu'elles concernaient, d'une part, la demande d'annulation de la décision en date du 18 août 2004 et étaient dirigées contre les retraits de dix points décidés à la suite des infractions des 29 mai 1998 et 27 novembre 2001 et la perte de validité de son permis de conduire et en tant qu'elles concernaient, d'autre part, la décision du préfet de la Gironde du 17 septembre 2007 enjoignant au contrevenant de restituer son permis de conduire invalidé ; que, toutefois, en prononçant un non lieu sur l'ensemble des conclusions d'annulation présentées par M. X, le tribunal a omis de statuer sur celles d'entres elles qui étaient dirigés contre les retraits de points intervenus à la suite des infractions verbalisées le 17 juin 2000 et le 10 avril 2001 ; que c'est dès lors à tort que le tribunal administratif a estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de M. X ; que son jugement doit être annulé dans cette mesure ;
Considérant que l'affaire est en état ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de M. X tendant à l'annulation des retraits de points résultant des infractions constatées les 17 juin 2000 et 10 avril 2001 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article L.223-1 du code de la route : « Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. - Lorsque le nombre de points est nul, le permis perd sa validité. - La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire, l'exécution d'une composition pénale, ou par une condamnation définitive. - Le contrevenant est dûment informé que le paiement de l'amende entraîne reconnaissance de la réalité de l'infraction et par là même, réduction de son nombre de points. ; qu'aux termes de l'article L.223-3 dudit code : Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé du retrait de points qu'il est susceptible d'encourir, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès. Ces mentions figurent sur le formulaire qui lui est communiqué. Le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple quand il est effectif. ; que l'article R.223-3 du même code dispose : I.- Lors de la constatation d'une infraction, l'auteur de celle-ci est informé que cette infraction est susceptible d'entraîner le retrait d'un certain nombre de points si elle est constatée par le paiement d'une amende forfaitaire ou par une condamnation définitive. II.- Il est informé également de l'existence d'un traitement automatisé des retraits et reconstitutions de points et de la possibilité pour lui d'accéder aux informations le concernant. Ces mentions figurent sur le document qui lui est remis par l'agent verbalisateur ou communiqué par les services de police ou de gendarmerie...III. - Lorsque le ministre de l'intérieur constate que la réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie dans les conditions prévues par les alinéas 3 et 4 de l'article L.223-1, il réduit en conséquence le nombre de points affecté au permis de conduire de l'auteur de cette infraction, et en informe ce dernier par lettre simple... » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 dudit code, lesquelles constituent une garantie essentielle permettant à l'intéressé de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tout moyen, qu'elle a satisfait à cette obligation d'information ; qu'en vertu des dispositions des articles 537 et 429 du code de procédure pénale, les procès-verbaux établis par les officiers ou agents de police judiciaire pour constater des infractions au code de la route ne font foi jusqu'à preuve contraire qu'en ce qui concerne la constatation des faits constitutifs des infractions ; que la mention portée sur ces procès-verbaux, selon laquelle le contrevenant a reçu l'information prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, n'est pas revêtue de la même force probante ; que, toutefois, même contredite par le contrevenant, cette indication peut emporter la conviction du juge si elle est corroborée par d'autres éléments ;
Considérant, en premier lieu, que les conditions de la notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire, prévue par les dispositions précitées, ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant, la légalité de ces retraits ; que cette procédure a pour seul objet de rendre ceux-ci opposables à l'intéressé et de faire courir le délai dont dispose celui-ci pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ; que la circonstance que le ministre de l'intérieur ne soit pas en mesure d'apporter la preuve que la notification des retraits successifs, effectuée par lettre simple, a bien été reçue par son destinataire, ne saurait lui interdire de constater que le permis a perdu sa validité sous réserve toutefois que dans la décision procédant au retrait des derniers points, il récapitule les retraits antérieurs et les rende ainsi opposables au conducteur ; que, par suite, M. X, qui demeure recevable à exciper de l'illégalité de chacun des retraits récapitulés dans la décision ministérielle attaquée du 18 août 2004, ne saurait soutenir que cette notification globale l'a privé de la possibilité d'exercer un recours à l'encontre de ces différentes décisions de retrait ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que M. X a signé le procès verbal n°1198 relatif à l'infraction relevée le 17 juin 2000 indiquant une perte de quatre points et contenant l'ensemble des mentions prévues par les dispositions précitées du code de la route ; que par suite l'administration doit être regardée comme ayant satisfait à son obligation d'information ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que si M. X a reçu notification de l'avis de contravention pour l'infraction commise le 10 avril 2001, le ministre de l'intérieur n'établit pas qu'il comportait les informations prescrites par l'article L. 223-3 du code de la route précité ; qu'il suit de là que le retrait d'un point consécutif à cette infraction est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et doit être annulé ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant que si M. X soutient qu'il a subi à la suite du retrait illégal de son titre de conduite un préjudice moral, des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice financier, il ne conteste ni la réalité des infractions elles-mêmes ni le nombre des points retirés correspondant à ces infractions qui ont conduit à une perte totale du nombre de points affectés à son permis et à l'invalidité de celui-ci ; que, dès lors, si la procédure avait été régulière, la décision de retrait du titre de conduite aurait pu être légalement prise ; que dans ces conditions les préjudices invoqués trouvant leur source dans l'application de la législation régissant les retraits de points, le vice de procédure retenu n'est pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat ni susceptible, à lui seul, de justifier la réparation demandée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander l'annulation du retrait d'un point décidé consécutivement à l'infraction commise le 10 avril 2001 ;
Sur les conclusions en injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;
Considérant que l'annulation, par le présent arrêt, du retrait d'un point à la suite de l'infraction constatée le 10 avril 2001 implique que le ministre de l'intérieur, de l'outre mer et des collectivités territoriales procède à la reconstitution du capital des points du permis de conduire de M. X en y réintégrant ledit point sous réserve que le capital de douze points du permis n'ait pas été déjà entièrement rétabli et efface dans le fichier national du permis de conduire la mention de ce retrait ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux en date du 2 janvier 2007 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation du retrait d'un point consécutivement à l'infraction commise le 10 avril 2001.
Article 2 : La décision du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire portant retrait d'un point du capital de points du permis de conduire de M. X à la suite de l'infraction commise le 10 avril 2001 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre mer et des collectivités territoriales de réaffecter un point au capital du permis de conduire de M. X sous réserve que le capital de douze points du permis n'ait pas été déjà entièrement reconstitué et d'effacer dans le fichier national du permis de conduire la mention de ce retrait.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
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07BX00465